Alors
que la situation sur le terrain est claire (domination quasie-totale
de Windows dans ses différentes versions), les perspectives
du domaine "poste de travail client" recommencent à bouger.
Il ne s'agit pas d'un bouleversement venant de la montée
en puissance de Java
Au contraire, Sun semble bien avoir
fait une croix sur cette cible en abandonnant récemment
le projet Java OS (relancé dernièrement avec IBM et déjà
avorté !)
Cette fois, c'est plutôt Microsoft lui-même qui tente d'imposer
son dernier-né, le fameux Windows 2000. Le futur OS du n°1
est très ambitieux, il vise tout autant les serveurs d'applications
que les utilisateurs finaux. Je ne pense toujours pas qu'il
soit possible de réaliser un pareil grand écart !
J'ai toujours été un adversaire de l'utilisation de Windows
NT côté client et je me demandais en voyant le lent cheminement
de la version 5 (pardon, Windows 2000
) si cette évolution
pourrait me faire changer d'avis ?
La bêta 3 étant désormais largement disponible (y compris
en français), cela valait la peine d'essayer
J'ai donc
installé Windows 2000 professionnel (en bêta 3) sur ma propre
machine (vivons dangereusement !) pour en faire un
test rapide. Première bonne surprise, l'installation se
passe bien, je peux même conserver ma configuration Windows
98 intacte, Windows 2000 se nichant sur une partition à
part. Mes différents périphériques sont reconnus automatiquement
(sauf mon lecteur ZIP, qui ne figure ensuite même pas sur
la liste de matériels compatibles, dommage) et le paramétrage
final (imprimante, réseau, etc.) est simple et bien fait.
J'ai reçu par la suite un scanner HP (interface USB, installation
facile sous Windows 98) et là j'ai pu constater un réel
progrès: manipulation 0 ! Lors du boot, le nouveau
matériel est détecté, reconnu, installé et paramétré sans
aucune intervention de ma part, il est aussitôt prêt à être
utilisé dans la plupart des applications (y compris dans
le modeste "Paint" et ça marche !).
Et la suite, est-ce bien le nirvana annoncé ?
C'est que Microsoft n'a pas lésiné sur les promesses pour
promouvoir son dernier-né (extraits du kit d'évaluation
et de déploiement): "La version Windows la plus simple à
utiliser pour les utilisateurs en entreprise", "Une interface
plus simple, plus intelligente" ou encore "Le meilleur de
Windows 98, la solidité de Windows NT"
N'exagérons rien.
Certes, pour une fois, la version "haut de gamme" n'est
pas en retard sur la version grand public sur le plan de
l'interface utilisateur, elle possède même quelques petits
plus comme le locuteur (synthèse vocale expliquant la vocation
et le fonctionnement des items de menus
), les menus personnalisés
(tenant compte de vos habitudes d'utilisation) ou la boîte
de dialogue ouvrir/enregistrer améliorée. Mais il faut savoir
que ces dernières innovations sont déjà présentes dans Office
2000 (l'autre grosse nouveauté de Microsoft de cette année)
et donc on les retrouve par ce biais sur Windows 98
Pas
de quoi changer pour autant donc.
Car il y a quand même un gros point noir: c'est lent. Sans
véritable amélioration du service, il faudrait encore accepter
une baisse de la rapidité de réaction (et ma machine personnelle
n'est pas en cause : il s'agit d'un Pentium II 233 avec
64 Mo de Ram
) uniquement pour quelques retouches cosmétiques ?
Je n'ai pas eu le temps ni l'occasion de tester la fiabilité,
mais la baisse de régime est pour moi significative de la
difficulté du pari: en effet, il est plus que délicat de
réussir à la fois un système qui soit bon pour le côté client
(donc léger et performant) et valable pour le côté serveur
(donc solide et robuste). Les choix techniques que l'on
est amené à faire pour un type d'utilisation pénalisent
forcément l'autre
Avec le risque du compromis bancal qui
ne satisfait personne !
Une illustration de la gourmandise et de la lenteur de Windows
2000 est donnée par le temps nécessaire pour démarrer le
système. A titre indicatif, il faut 85 secondes à Windows
98 pour être opérationnel sur mon PC (là, ma machine est
plutôt pénible puisque mon ancien Vectra réclame deux fois
moins de temps
) alors que Windows 2000 en exige 115 !
Je précise qu'il s'agit bien de la version "Professionnel"
(et sans aucune option ou service spécial) et non de la
version "Server" qui doit être encore plus lente à réveiller
Mon avis : Microsoft doit se résoudre à spécialiser ses
systèmes (Windows 2000 pour les serveurs et seulement pour
cela et une version finalisée de Windows CE pour le côté
client) s'il souhaite vraiment rester maître de ses marchés
!
Car la menace se précise du côté des serveurs
En effet,
Linux n'est plus un épiphénomène promu par quelques allumés,
il devient une alternative forte, crédible et de plus en
plus utilisée. Les constructeurs ne s'y trompent pas, ils
en font de plus en plus leur Unix préféré (ce n'est qu'une
question de temps avant que cette tendance se généralise
et que Linux reste presque seul sur le marché Unix
Un an,
peut-être moins !). Et du côté client, est-ce que Linux
pourrait aussi
?
Et bien, non, toujours pas !
Là aussi, je persiste et signe : Linux n'est pas encore
prêt pour le côté client, tout du moins pour le tout-venant.
Quand Linux a décollé dans les médias, il y a déjà un an,
j'avais déjà exprimé de sérieuses réserves sur sa capacité
à surpasser Windows pour l'utilisateur final. J'ajoutais
même un délai: rien de sérieux avant deux-trois ans
Un
an après, où en est-on ? Pour le vérifier, j'ai installé
la toute dernière version de Linux sur mon PC (en voilà
un qui est accueillant et pas sectaire: Windows 98, Windows
2000 et Linux, tous se pressent au portillon au moment du
boot pour savoir qui sera choisi !), la Red Hat 6.0
largement distribuée lors du dernier Linux-Expo à Paris
(en juin dernier, un succès !). Ici aussi, la procédure
d'installation s'est grandement améliorée (ou alors, c'est
moi qui m'habitue à ses arcanes ?) et ma carte vidéo
est enfin reconnue ce qui me permet d'obtenir une définition
graphique digne de ses capacités
Avec cette distribution récente, j'ai pu tester les deux
interfaces graphiques de pointe qui se disputent actuellement
le leadership sous Linux : Gnome et KDE.
Je n'aime pas Gnome parce que c'est lent (pas étonnant :
Gnome repose entièrement sur Corba pour les échanges de
messages entre applications
) mais je dois reconnaître qu'il
est un peu plus complet que KDE (pour le moment). En revanche,
les deux interfaces sont belles et bien finies, on ne peut
être qu'impressionné par le chemin parcouru en quelques
mois !
Même en critiquant la vitesse de réaction de Gnome, je reste
tout de même interloqué par les performances globales de
Linux ; ici aussi, le même indicateur, le délai de boot.
Il ne faut que 35 secondes à mon Linux pour atteindre le
niveau shell sur mon PC (et ce n'est pas une version particulièrement
allégée puisqu'il démarre des services tels que Apache,
Samba, FTP, etc.) !
Encore mieux, il ne faut que 15 secondes supplémentaires
pour lancer une des deux interfaces graphiques (exactement
le même délai pour Gnome et KDE !). Faites le calcul,
Linux ne demande en tout que 50 secondes là où Windows en
réclame de 85 (version 98) à 115 (version 2000), soit presque
du simple au double !
Pour compléter mon test, j'ai tenté d'installer et d'utiliser
WordPerfect sous Linux (développé par Corel). Peine perdue,
même en respectant à la lettre la procédure indiquée, je
ne suis pas parvenu à lancer l'application (mais sans doute
ne suis-je pas très doué et la version de WordPerfect que
j'avais n'était pas encore assez finalisée
). Mais même
sans cet échec, je reste perplexe quant à la possibilité
de laisser cet OS dans les mains d'un utilisateur de base,
surtout si on compare le paramétrage d'une imprimante à
son équivalent sous Windows
Bon, même avec les différents progrès constatés, je pense
toujours que Linux n'est pas encore prêt à supplanter Windows
sur le poste client, donnons-lui encore un an à deux ans
et réévaluons à ce moment-là. Ce n'est pas pour autant que
Microsoft peut dormir tranquille : la vitesse des progrès
d'un côté (Linux) et la lenteur des évolutions de l'autre
(Microsoft avec Windows 2000) démontrent que la tendance
n'est pas favorable au N°1 !
[Alain
Lefebvre, vice-président du groupe SQLI]