Les
mauvaises raisons
Première conclusion: mettre en ligne un site
Web pour profiter de l'euphorie (ou l'hystérie ?)
de la bourse vis-à-vis des "valeurs Internet" est
une mauvaise idée. Sans que cela soit évident,
on touche ici un point essentiel qui est à l'origine
de la plupart des échecs constatés sur le
Web: sans une vraie justification accompagnée par
une solide motivation, on n'obtient aucun résultat
tangible sur le Net ! La plupart des projets Web menés
dernièrement reposent souvent sur des mauvaises raisons:
- faire comme les autres
- faire plaisir à la direction (c'est un élément de standing
!)
- tâter le terrain (avec quels éléments mesurables ?)
- occuper les éléments jeunes et dynamiques
de l'encadrement qu'on ne saurait retenir autrement (ils
partiront de toute façon une fois le site mis en
ligne...)
Ne nous étonnons pas si l'endroit le plus "populaire"
du Web, c'est le cimetière du Web ! Là où
les sites sont plus nombreux que les visiteurs... Croyez-vous
que "planter sa pancarte dans le cyberespace" serve vraiment
à quelque chose ? Soyons clair, un site Web n'est
PAS une vitrine efficace sauf pour le recrutement (il faut
donc spécialiser son site sur cette fonction si on
n'a rien d'autre à mettre en avant...). Pire, un
site Web n'est PAS un élément d'image de marque
(la plupart des sites construits en ce sens produisent plutôt
l'effet inverse !), si vous voulez améliorer votre
image de marque, faites du sponsoring sportif ou culturel
!
Bref, un site qui sert à quelque chose et pour lequel vous
serez motivé à consacrer un budget de fonctionnement (j'ai
bien écris " fonctionnement " et non " mise en place ",
nuance...) est un site qui s'inscrit dans votre logique
business. Sinon, il s'agit de temps perdu et d'argent gâché...
Absence de justification, absence de résultat
Donc, ma recommandation N°1 sera tout d'abord de savoir
ce que vous voulez obtenir à travers votre présence Internet.
Savoir ce qu'on veut, conduit à être plus clair et plus
raisonnable sur les objectifs à fixer et sur les moyens
à affecter. Savoir ce que l'on veut, conduit aussi à mettre
en place des indicateurs mesurables qui permettent de dire
si l'opération est un succès ou non (et si vous vous posez
la question sans pouvoir vous appuyez sur la lecture de
ces indicateurs, alors la réponse est "non"...). La première
étape dans la mise en place d'une présence Internet utile
et efficace réside dans la définition d'une stratégie claire,
pragmatique et en phase avec votre contexte.
Une erreur d'appréciation
La possibilité d'acheter des produits, des biens et
des services à travers le Web n'implique pas la désintermédiation
(la fin des intermédiaires). Quand un consommateur veut
acheter un livre ou un disque, il ne se dirige pas naturellement
vers le site de l'éditeur ou du label (qu'il ne connaît
d'ailleurs pas forcément, le titre de l'ouvrage ou le nom
de l'auteur sont bien plus populaires que le nom de l'éditeur,
idem dans le domaine musical), il va plutôt sur le site
qui lui offre le plus grand choix et qui présente donc les
plus grandes chances d'avoir la référence voulue en stock...
D'où les succès avérés de nouveaux intermédiaires comme
Amazon, Cdnow et d'autres.
Le bouleversement commercial induit par le Web provoque
donc une réintermédiation qui n'est pourtant pas sans conséquences
sur les entreprises qui produisent et distribuent des produits,
des biens et des services... Pour ces dernières, l'enjeu
prioritaire va être de s'interfacer au mieux avec ces nouveaux
intermédiaires, pivots commerciaux du Web.
Tout comme les sous-traitants de l'industrie ont du s'adapter
à la production en flux tendus pour répondre aux exigences
de leurs donneurs d'ordres ou comme les fabricants de produits
alimentaires se sont pliés au mode de fonctionnement de
la grande distribution, toutes les entreprises vont devoir
adapter leur système d'information afin de faciliter les
échanges avec les intermédiaires spécialisés du Web...
Le Net pour le business
plutôt que seulement le Netbusiness Le Net va pouvoir
vous aider à gérer votre visibilité
commerciale, votre site devra même être le représentant
et porte-parole de votre marque vis-à-vis du public.
Mais, le plus souvent, c'est dans le fonctionnement de vos
affaires que l'Internet aura le plus d'influence...
Car on sait désormais que c'est en ligne que les
transactions coûtent le moins cher à assurer.
Ainsi, la réservation d'un billet d'avion coûte
1$ à la compagnie aérienne quand elle est
faite à travers son site et 8$ quand elle passe par
le circuit traditionnel des agences de voyages !
Avec un tel écart de coût, on comprend mieux
pourquoi Forrester Research prévoit que 62% des billets
seront réservés en ligne (le différentiel
de coût se retrouvera forcément en partie au
profit des consommateurs afin de les inciter à utiliser
les canaux de vente via le Net...).
Mais la réintermédiation via le Web ne va
toucher que les compagnies aériennes ou les banques,
toutes les entreprises sont concernées, tous les
secteurs sont touchés.
Peut-on éviter d'avoir son .com ?
Bon, tout cela est très intéressant, certes,
mais cela ne nous dit pas quelles sont les bonnes raisons
qui justifient que toutes les entreprises soient dotées
de leur propre site Web. En effet, toutes les entreprises
n'ont pas vocation à mettre en ligne un site marchand
(surtout après les enseignements de l'affaire Levi's)
et si la montée du B-to-B impose de participer à
des sites comme VerticalNet, cela n'implique pas forcément
d'avoir son propre .com, non ? Si !
En dehors des justifications habituelles (recrutement, renseignements
pratiques, présentation de l'activité et des
résultats, diffusion des communiqués de presse,
etc.), il y a au moins une raison impérieuse pour
mettre en ligne (et entretenir !) un site Web sur l'Internet:
la gestion de l'image publique de la marque...
La marque et son public
Même sans nécessité d'un site marchand,
aucune entreprise ne peut faire l'impasse sur les opportunités
et surtout sur les exigences que génère la
visibilité permise aujourd'hui par l'Internet. Car
c'est surtout cela qui change, la visibilité. L'Internet
change complètement la notion de visibilité
et même d'exposition qu'une société
a vis-à-vis de son marché mais même
vis-à-vis du public au sens large. Autrefois, les
entreprises n'étaient pas astreintes à une
relation directe avec le public.
La télévision a commencé à changer
cela et on voit désormais les portes-paroles des
grandes sociétés défendre la position
de leurs employeurs à l'occasion de telle ou telle
crise (pollution, licenciements, OPA, etc.). En fait, une
entreprise n'avait auparavant à gérer que
deux types de visibilité : géographique et
dans les médias.
La visibilité géographique ne comptait pas
beaucoup et rares sont encore les entreprises à utiliser
les architectures des bâtiments de leurs établissements
comme vecteur d'images. La visibilité dans les médias
est soit volontaire (campagne de publicité et normalement,
l'image produite est maîtrisée), soit involontaire
(situation de crise plus ou moins bien gérée).
Avec le Web, toutes les entreprises se retrouvent dans la
situation d'avoir à projeter une image partout et
en permanence. En cas de crise, c'est prioritairement vers
le site Web de l'entreprise que vont se tourner les regards.
Rien qu'à cause de ce nouveau contexte, l'Internet
va changer en profondeur " l'attitude " des entreprises
vis-à-vis de leurs publics cibles...
Car toutes les sociétés sont susceptibles
de se retrouver un jour ou l'autre sous les feux des projecteurs
de l'actualité, à l'occasion d'une crise le
plus souvent. Et quand cela arrive, le site Web de la société
a un rôle déterminant à jouer. Avec
l'Internet, c'est toutes les entreprises qui se doivent
d'avoir prise avec leur public en temps réel et en
toutes circonstances. OK, vous aviez déjà
lu cela il y a quelques années et, déjà,
vous n'étiez pas convaincu ?
Alors je vais revenir sur des épisodes récents
et édifiants de cette nouvelle contrainte à
laquelle le Web apporte une réponse adéquate,
à condition de l'utiliser, évidemment.
Coca
Cola et Total, mêmes erreurs, même punition ?
Durant l'été 1999, Coca Cola a rencontré
des problèmes avec la production de sa célèbre
boisson dans ses usines européennes. Rapidement,
les quelques cas d'intoxications ont fait la une des médias.
A ce moment-là, le réflexe naturel des gens
était de se tourner vers la compagnie Coca Cola pour
connaître sa position et son attitude sur cette importante
question. Et comment obtenir cette information autrement
qu'en consultant son site Web ? Et que trouvait-on sur le
Web de la firme d'Atlanta à propos de cette crise
? Rien, tout simplement. Le site de Coca affichait ses rubriques
habituelles, ni très fraîches ni très
intéressantes... Ce mutisme à été
pris (à tort ou à raison) pour du mépris
de la part de Coca Cola. Résultat, le dirigeant s'est
fait éjecter dès la fin de l'année
1999 et le nouveau a entamé ses fonctions en annonçant
un plan de licenciements, du jamais vu chez Coca !
En décembre 1999, le pétrolier Erika coule
et une nouvelle marée noire commence. Aussitôt,
Total-Fina est mis sur la sellette. Comme d'habitude, chacun
se précipite sur le site Web de la société
afin de recueillir sa position officielle. Et... rien de
spécial sur la page d'accueil du site du groupe.
On essaye la rubrique nouveauté mais il n'y a que
des communiqués de presse sur la fusion Elf + Total-Fina.
Ah, mais il y a une rubrique "environnement", c'est forcément
là ! Pas vraiment. Dans la rubrique environnement
du site Web de Total, on ne trouvait durant tout le mois
de décembre 1999 que l'annonce de la fondation Total
illustrée avec de magnifiques photos de paysages
marins, bien vu...
En fait, il fallu attendre le début du mois de janvier
2000 pour que le site Web du groupe prenne sa part du travail
médiatique commencé par son PDG qui, à
l'époque courrait de salle de presse en plateau de
télévision. Encore une fois, le temps perdu
et le mutisme affiché est malheureusement passé
pour du mépris, que Total aurait certainement voulu
éviter en pareilles circonstances.
Le Web, votre meilleur allié en cas de crise
Votre site est comme un porte-parole infatigable et
omniprésent. C'est la voix de votre société
et, en cas de crise, il est toujours préférable
de ne pas rester muet. L'Internet apporte désormais
une visibilité sans précédent à
toutes les marques. Que vous le vouliez ou non, le public
va se tourner vers votre site pour avoir votre version des
faits et connaître votre position, votre attitude
et vos décisions pour la suite des événements.
Microsoft a su remarquablement utiliser l'arme du Web pendant
son procès afin de rattraper les maladresses de ses
dirigeants pendant les audiences publiques. A l'inverse,
cette exposition peut être très dommageable
si elle n'est pas gérée (les absents ont toujours
tort). Mais l'utilisation du Web comme porte-parole ne va
pas se limiter seulement au contexte de crise. A terme,
c'est en permanence que les entreprises en vue devront communiquer
sur les questions de sociétés. Environnement,
droit du travail, sécurité liée aux
produits etc., c'est en continu que les entreprises devront
utiliser leurs sites afin d'anticiper les questions du public
et de gérer efficacement leur image d'entreprises
citoyennes.
[Alain
Lefebvre, vice-président du groupe SQLI]