A l'origine fournisseur d'accès à Internet
du marché américain, Portal Software se positionne
aujourd'hui sur le segment du "customer management
and billing" (gestion de la relation et de la facturation
client). Son progiciel d'infrastructure, Infranet, permet
de gérer la facturation pour les plates-formes de
services IP, dont le WAP. La société vient
d'ailleurs de signer un accord avec Nokia. Bertrand Aumoite,
directeur général Europe du Sud, nous dévoile
la stratégie et les ambitions de Portal.
Propos recueillis le 17 février 2000 par François
Morel
JI:
Qu'apporte votre solution Infranet ?
Bertrand Aumoite : Sur Internet, les clients sont
volatils, il est donc important de les fidéliser.
Infranet se charge pour tous les supports qui veulent faire
payer un service sur IP de l'intégralité de
la gestion des bases clients, facturation et suivi. Un deuxième
aspect du produit est de donner immédiatement accès
au service tout en permettant l'authentification de l'utilisateur.
L'un des éléments importants est aussi de
pouvoir lancer des campagnes de promotion.
Qui
sont vos clients ?
Ce
sont entre autres les fournisseurs de services IP, les opérateurs
de télécommunications, les fournisseurs de
contenu comme Reuters, les portails d'accès et les
sites de commerce électronique B to C. Dans le domaine
du B to B, nous sommes surtout axés vers la banque
et les services financiers. Notre solution peut aussi s'adresser
par exemple à des services marketing de grands comptes.
Pourquoi avez-vous changé
d'activité depuis la création de Portal ?
Notre fondateur John Little vient du secteur des télécommunications
(AT&T...) et a cru très tôt dans le bouleversement
qu'allait provoquer cette interface unifiée multimédia
qu'est l'Internet. Portal a donc attendu 1996 qu'Internet
décolle et a revendu son activité de fournisseur
d'accès pour devenir éditeur de logiciels
destinés aux prestataires de services IP.
Quelles
sont vos ambitions ?
Nous
souhaiterions devenir l'acteur dominant du marché
du "customer and billing" sur IP. Notre objectif
est de renforcer notre position en capturant le marché.
Ce dernier est en train de s'ouvrir avec la convergence
entre le protocole Internet IP et le marché des télécommunications
traditionnellement orienté vers la voix. L'ensemble
du marché converge vers IP.
A
quels canaux vous intéressez-vous ?
Le
protocole Internet IP est un véhicule que l'on retrouve
sur un grand spectre de terminaux comme les PDA, PC, consoles,
télévision, mobiles, etc. Le tuyau devient
la norme de communication, et les services peuvent être
amenés sur de nombreux supports. Au Japon, par exemple,
ce sont les outils électroniques et non les PC qui
représentent les premiers moyens d'accès.
Jusqu'où
allez-vous en terme de facturation ?
Nous
sommes capables de facturer très finement. Dans le
domaine de la téléphonie mobile, c'est un
"flat rate", le prix est facturé à
la minute. Cela, n'importe quelle base de données
peut le faire. Notre approche est de facturer en fonction
du contenu, de la qualité et de la complexité
de l'information. En général, l'abonnement
Internet est facturé à la consommation, que
la bande passante soit large ou toute petite. Avec nos outils,
on peut facturer en temps réel en fonction de ce
qui se passe vraiment.
Et
pour les services WAP ?
Ce
sera la même logique. Nous allons faire du "try
and buy". Les utilisateurs disposeront d'une carte
prépayée avec un crédit qu'ils pourront
alimenter à leur guise. Avant la connexion, un moteur
de "rating" calculera en temps réel le
tarif par rapport à la carte prépayée,
en fonction du crédit, de la zone d'appel, etc.
A
part la vitesse, qu'apportera de plus le GPRS ?
D'abord,
il s'agira d'une connexion logique permanente, comme l'ADSL
et le câble. On pourra faire du push marketing. D'autre
part, GPRS est capable de localiser l'appel, ce que ne fait
pas WAP sur le réseau GSM classique. Il sera ainsi
possible de diffuser automatiquement de l'information contextuelle.
Infranet
comporte-t-il des fonctions décisionnelles ?
Oui,
des outils de reporting et un workflow intégré...
Nous avons des moteurs de "business rules" (règles
métier) rentrées dans un outil séparé,
qui permettent de répondre à la question "que
faire dans telle situation ?".
Selon notre logique, nous ne vendons pas de la technologie
mais des solutions. Chez nos clients, notre cible est essentiellement
représentée par le marketing, suivi par la
finance en rapport avec la sécurité des revenus,
et enfin l'informatique pour la partie concernant l'exploitation
et l'intégration au système d'information.
Peut-on
qualifier Infranet de portail mobile ?
Ce
n'est pas un portail, mais une arme pour les portails! La
finalité d'un portail est d'enrôler les clients
pour leur vendre quelque chose. Notre outil se charge de
la transformation commerciale et permet de gérer
à la fois le client, le service, les revenus et les
dépenses. Pour nos clients, nous sommes capables
d'effectuer du "billing on demand", en programmant
les facturations afin qu'elles arrivent au passage d'un
certain volume ou qu'elles soient payées tout de
suite.
Le
CRM fait-il partie des objectifs de Portal ?
La
gestion de la relation client n'est pas notre marché.
Infranet n'est pas un produit de CRM, mais en intègre
certaines fonctions sur le plan du "customer management".
Nous proposons des modules d'intégration à
de vrais outils front-office comme Siebel ou Vantive. Portal
ne s'occupe pas de la transversalité du CRM. Il propose
une solution verticale.
Quel
est, selon vous, le devenir de la voix sur IP ?
Nous
y croyons beaucoup pour l'avenir, mais le marché
n'en est pour l'instant qu'à ses débuts. La
voix sur IP se situe pour nous à la convergence entre
les deux modèles économiques du secteur
des télécommunications. A l'échéance
2002-2003, la courbe de la voix, qui baisse, devrait croiser
celle des données, à la croissance exponentielle.
Avec la fibre optique au lieu du switch, le multiplexage
coûtera beaucoup moins cher aux opérateurs.
Et
la convergence voix/données ?
Quand
on en sera arrivé là, la convergence sera
opérée car tout sera IP. Une partie du marché
de la voix est en train de devenir IP. A terme, toute la
voix passera sur IP.
Comment
appréhendez-vous votre marché en France ?
Je
m'occupe de l'Europe du Sud qui représente un très
fort potentiel. Mais aujourd'hui, le Nord est le plus
en avance. La France se situe approximativement à
même hauteur que l'Allemagne. Je pense que l'Europe
du Sud, qui comprend la France, dispose d'un potentiel
beaucoup plus important que l'Europe du Nord. La frénésie
a d'ailleurs démarré dans l'Hexagone. Je
suis optimiste et confiant car nous ne sommes plus à
la traîne.
Quels
sont les derniers partenariats signés par Portal ?
Nous
avons passé un accord avec Motorola il y a moins
d'un mois dans le domaine du "wireless data" (transfert
des données vers et à partir de mobiles).
Nous avons aussi une alliance mondiale récente de
ce côté là avec Cap Gemini. Côté
workflow et middleware, nous sommes associés avec
BEA. Nous avons par ailleurs lancé avec
Andersen Consulting une initiative
mondiale sur l'e-commerce. Enfin,
nous disposons d'un accord stratégique avec Cisco,
incontournable dans notre domaine, qui possède 7 %
de notre capital.
Avez-vous
prévu des opérations de croissance externe ?
Aujourd'hui,
notre marché est énorme. Notre challenge est
d'avoir suffisamment de ressources pour être présents
sur toutes les opportunités. La résultante
devrait nous amener à dominer notre marché,
et surtout développer notre réseau de partenaires.
80 % de nos revenus proviennent de la vente de nos
licences, et seulement 20 % des services associés.
La croissance externe n'est pas notre première priorité.
Comme nous avons dépassé les 12 milliards
de dollars de capitalisation boursière, nous aurions
les moyens. Mais nous ne voulons pas trop nous disperser.
Titulaire
d'une maîtrise orientée marketing et informatique
de gestion obtenue à Paris-Dauphine, Bertrand Aumoite
a débuté dans l'industrie pharmaceutique
avant de rejoindre Lotus France en 1987. Il y occupe d'abord
différentes responsabilités commerciales,
puis le poste de directeur général. En 1997,
pendant presque deux ans, il assume la fonction de
directeur marketing Europe de Lotus International. Avant
de rejoindre Portal, il effectue un passage chez Forte
Software en tant que directeur général.
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