Les assistants vocaux feront bientôt partie du paysage des entreprises

Les assistants vocaux feront bientôt partie du paysage des entreprises Cortana, Alexa, Siri... Les interfaces vocales s'immiscent partout, des PC aux smartphones en passant par les objets connectés. Jusqu'à s'inviter dans l'univers professionnel.

Chez IBM, on en est sûr, le vocal va se démocratiser pour devenir une interface universelle d'accès aux applications au même titre que l'écran tactile ou le couple clavier-souris. "Tout passera bientôt par le vocal. Il va devenir possible de réaliser très facilement des commandes de produits vocalement, d'accéder aux informations ou de piloter des objets connectés par la voix. De même dans l'automobile... Et ce mouvement va aussi concerner la gestion des processus métier", martèle Jean-Philippe Desbiolles, vice-président Cognitive Solution au sein de l'activité Watson d'IBM. Les assistants vocaux intelligents (Alexa, Cortana, Siri...) deviendraient ainsi omniprésents, y compris à l'intérieur des entreprises.

"Les premiers chatbots orientés RH ou DSI laissent présager de ce qui sera possible de réaliser avec le vocal",

Et sur cette cible "professionnelle", la révolution est en partie bien engagée. "Les agents conversationnels de productivité, pour l'heure en mode texte, que nous créons actuellement pour nos clients laissent présager de ce qui pourrait être réalisé en mode vocal", confie Thomas Sabatier, CEO et cofondateur de la Chatbot Factory. Parmi les métiers ciblés par ces premiers bots d'entreprise, la start-up évoque les RH et la DSI. "Dans le cas des RH, il s'agit de services taillés pour répondre aux questions des salariés en matière de congés à prendre, de mobilité interne, ou encore de procédures - liées par exemple au dépôt de notes de frais ou à la politique de voyages." Les bots "textuels" développés par l'agence à destination des DSI, eux, ciblent avant tout le support informatique, via l'interrogation d'une Faq, leur objectif est en général d'aboutir à un traitement automatisé de 80% des demandes de support de niveau 1 (problème de mot de passe, d'impression, de connexion aux périphériques, d'accès Wi-fi...).

"Pour faire en sorte que ces bots deviennent audio, avec tous les avantages que cela apporte en termes de fluidité et de réactivité, il était nécessaire de pouvoir les intégrer à des assistants vocaux (fournissant les interfaces de "speech to text" et "text to speech" nécessaires, ndlr). C'est désormais possible depuis peu", rappelle Thomas Sabatier. "Nous allons par conséquent pouvoir commencer à développer des bots conversationnels 100% vocaux." Apple a été le premier à donner la possibilité d'intégrer des bots à Siri dés juin 2016. Le mois dernier, Amazon ouvrait Lex, la technologie derrière son assistant vocal Alexa. Lex permet ainsi de développer des bots pour Alexa, mais aussi pour d'autres environnements (Facebook Messenger, Slack, Twilio...). Et last but not least, le 10 mai, c'était au tour de Microsoft de rentrer dans la danse en lançant Cortana Skills Kit : une boîte à outils pour créer des services sur Cortana (un premier bot de productivité pour Cortana, baptisé Knowmail, a d'ailleurs été annoncé dans la foulée).

Des technos qui commencent à être mâtures

Les technologies vocales et d'IA sont-elles suffisamment mûres pour parvenir à des agents conversationnels répondant aux exigences d'efficacité des entreprises ? Grâce au natural language understanding (NLU), "les bots peuvent interpréter une requête en langage naturel. Les algorithmes d'auto-apprentissage sous-jacents permettront d'affiner la compréhension des questions posées par les salariés au fur et à mesure", pointe Thomas Sabatier. A cette brique peuvent venir s'ajouter différentes fonctions d'IA complémentaires : analyse prédictive, génération d'hypothèses... "Il sera possible aussi d'aller fouiller dans des volumes massifs de données structurées ou non-structurées, type météo ou autres, pour intégrer au raisonnement des dimensions additionnelles", complète Jean-Philippe Desbiolles.

En aval, le natural language generation (NLG) traduira en langage naturel la réponse fournie par le système. "Lors du dialogue avec un humain, notre système d'IA Watson atteint désormais une marge d'erreur de compréhension de 5,5%. Sachant que ce taux est de 5,1% dans le cadre d'un échange entre deux humains", insiste Jean-Philippe Desbiolles. Sur ce point, Thomas Sabatier se veut plus pondéré : "nous estimons que les technologies de NLG ne sont pas encore tout à fait à niveau pour générer une réponse vocale personnalisée à la volée. Quand nous développons un bot, nous préférons préenregistrer l'ensemble des phrases de réponse."

Chez Microsoft, le vocal s'intègre au CRM

IBM n'est pas le seul géant informatique à se positionner sur le front des bots vocaux de productivité. Microsoft planche lui-aussi depuis plusieurs années sur le sujet. Sa politique dans ce domaine ne s'arrête pas d'ailleurs à l'ouverture des API de Cortana, elle est beaucoup plus concrète. L'éditeur a en effet commencé à lancer des passerelles entre l'assistant vocal et ses applications de productivité. "Cortana peut par exemple se connecter à Office 365 pour consulter votre agenda, vous apporter des informations sur les personnes avec lesquelles vous collaborez, ou encore vous rappeler l'endroit où vous devez vous rendre", explique-t-on chez Microsoft. Même logique du côté d'Amazon qui a annoncé en mars dernier l'intégration de son assistant vocal Alexa aux calendriers d'Office 365 et d'Outlook, ainsi qu'à Google Calendar.

Mais Microsoft travaille également à l'intégration de Cortana à Dynamics 365. Il est d'ailleurs déjà possible d'accéder à l'application de CRM depuis l'assistant vocal - pour interroger un compte client, un historique de ventes, ou encore pour enregistrer un contact ou un rendez-vous commercial. Une fonctionnalité pour l'heure en bêta. Même principe avec PowerBI : les tableaux de bord mis en musique par l'outil de data visualisation de Microsoft peuvent être consultés grâce à Cortana - les commandes vocales permettront d'afficher des indicateurs et tableaux de bord pré-paramétrés.

Des assistants de "secrétariat" pour gérer les réunions

Aux côtés des poids-lourds du secteur IT, des pure players mettent en avant des usages un peu plus avancés des assistants vocaux de productivité. C'est le cas par exemple de l'Américain Workfit qui commercialise un bot vocal, baptisé Eva, pour piloter les réunions de travail. Ses principales missions ? Enregistrer les échanges et réaliser automatiquement la retranscription en soulignant les décisions importantes qui auront été actées. Le chatbot de Workfit permet aussi de lancer des tâches par commandes vocales, telles que l'envoi de slides et autres documents aux participants.

Au-delà des nouveaux usages que pourront introduire les assistants vocaux en entreprise, leur déploiement devra par ailleurs répondre à des impératifs de sécurité particuliers qu'il est important de souligner. Il faudra notamment s'assurer que de tels dispositifs d'écoute ne puissent pas être détournés à des fins d'espionnage industriel. Comme tout mécanisme de captation sur le lieu de travail, de tels outils devront également être déclarés à la CNIL, et faire l'objet d'une consultation des représentants du personnel et d'une information auprès des salariés.