L'IoT, objectif Lune

L'IoT, objectif Lune Derrière la mission Artémis I, l'IoT prend aussi son envol dans l'exploration spatiale en intervenant à plusieurs niveaux. Explications.

Le décollage de la fusée SLS dans le cadre de la mission Artemis I, qui a pour objectif de préparer le retour d'astronautes sur la Lune d'ici 2025, a attiré tous les regards le 16 novembre dernier. Lors de cet événement, le rôle de l'IoT est resté dans l'ombre, alors que la technologie prend une place majeure dans l'exploration spatiale. "Nous sommes à un tournant car nous sommes en train de valider les technologies qui fonctionnent dans le spatial", affirme David Mimoun, professeur en systèmes spatiaux et science planétaire à l'ISAE-Supaero (l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace) de Toulouse et co-investigateur de la mission InSight de la Nasa sur Mars. L'IoT intervient à différents niveaux, que ce soit dans la prise de mesure des missions scientifiques, dans les télécoms ou dans les projets d'installation lunaire.

Dans l'exploration spatiale déjà, la technologie sert à comprendre et vérifier le fonctionnement des appareils. L'IoT est depuis longtemps déjà associé à la robotique car les capteurs sont fixés à des rovers afin d'effectuer des mesures pendant les missions scientifiques, comme l'analyse de composition du sol ou de l'atmosphère. Par exemple, Ingenuity est un drone sous forme d'hélicoptère, intégré au rover, qui survole Mars et prend des photos de son panorama grâce à ses caméras. Le robot Persévérance, avec ses 28 capteurs, est lui-même considéré comme un gros IoT. Mais cette année, l'utilisation de la technologie a pris de l'ampleur : "Il n'y a jamais eu autant de capteurs déployés que sur la fusée SLS. L'objectif est de mieux comprendre son comportement. Grâce à la technologie, nous pourrons avoir une fusée autonome à partir de son lancement jusqu'à ce que le module habité soit réceptionné sur Terre, après avoir fait le tour de la Lune. Cela n'a jamais été fait", assure Djamel Metmati, ingénieur chez Thalès. Le but est de se servir des missions lunaires pour préparer le vol habité vers Mars.

Deuxième usage phare : l'utilisation des réseaux IoT dans le cadre des missions. Par exemple, c'est le réseau Zigbee qui est utilisé entre le drone Ingenuity et la station du rover Persévérance, qui relaie les informations aux orbites avant d'arriver sur Terre. "Il a été choisi pour sa robustesse, sa faible consommation et sa facilité de déploiement", précise Djamel Metmati, pour qui l'enjeu est le contrôle à très longue distance et à faible énergie pour s'assurer que les équipements fonctionnent en environnement hostile, malgré des dégradations et les radiations solaires. Les expérimentations serviront pour le drone Dragonfly qui sera envoyé sur Titan en 2027.

Un Alexa dans l'espace

Enfin, c'est la technologie IoT qui rend possible une présence humaine durable sur la Lune, volonté affichée par la Nasa. C'est dans cette optique que le Centre national d'études spatiales (CNES) et EDF se sont associés pour concevoir un prototype d'un habitat lunaire connecté. Il servirait de lieu de vie, de site d'expérimentations et de zone de stockage. Les deux partenaires collaborent sur des briques technologiques, comme la qualité de l'air dans l'habitat ou l'optimisation énergétique. "Ces questions représentent un vrai challenge dans le contexte lunaire", souligne Thomas Fouquet, sous-directeur NewSpace et Ecosystème au CNES, avant d'ajouter : "Il faut durcir les propriétés des capteurs mais il ne fait aucun doute que ce qui se fait sur Terre se fera sur la Lune et dans l'espace". Pour preuve, les astronautes de la mission Artémis III pourront conserver leurs habitudes de commandes vocales : "Un assistant vocal, dont le module sera fourni par Amazon Web Service, assistera les astronautes", indique Djamel Metmati.

La prochaine étape sera l'étude par IoT de l'impact du spatial sur l'homme. Lors de la mission Artémis I, l'expérience Mare utilisera des capteurs IoT pour mesurer le niveau de radiations auxquelles les occupants du vaisseau pourraient être exposés, le champ magnétique terrestre ne protégeant plus des particules émises par le Soleil. A bord du vaisseau, trois mannequins seront recouverts de capteurs et l'un d'eux portera un gilet expérimental censé bloquer une partie du rayonnement. "Des études ont montré que des astronautes jeunes supportent moins les radiations que des astronautes plus vieux. Il faut donc des capteurs pour suivre leur état de santé", souligne Djamel Metmati, ingénieur chez Thalès. De son côté, l'ISAE-SUPAERO est en train de mener avec Polytechnique Turin une expérience scientifique sur l'ISS, la Station spatiale internationale, pour analyser le comportement des maladies cardio-vasculaires dans l'espace et évaluer si les traitements appliqués sur Terre peuvent être transposés dans l'espace. Le CNES se projette pour sa part vers l'astronaute augmenté, via les projets comme Neuralink qui développe des implants cérébraux d'interfaces directes neuronales. Grâce à l'IoT, les scientifiques peuvent garder la tête dans les étoiles.