Cyclope.ai, l'œil qui scrute les autoroutes de Vinci

Cyclope.ai, l'œil qui scrute les autoroutes de Vinci Cette filiale de Vinci Autoroutes développe des produits d'intelligence artificielle basés sur l'analyse des flux vidéo routiers pour sa maison-mère, et de plus en plus pour des clients externes.

C'eût été dommage de ne rien faire de telles quantités de données. Chaque jour, les caméras de Vinci Autoroutes filment des scènes riches en informations sur son réseau. Trop volumineux pour être analysés par ces humains, ces flux peuvent en revanche être passés à la moulinette de l'intelligence artificielle afin d'en tirer des enseignements. C'est dans ce but que Vinci a créé en 2017 la filiale Cyclope.ai dédiée aux logiciels d'intelligence artificielle appliquée à la vidéo au service d'exploitants routiers et de gestionnaires d'infrastructures routières. Elle emploie aujourd'hui une vingtaine de personnes. Si l'entreprise a d'abord commencé par servir les besoins de sa maison-mère, elle a depuis étendu son réseau de clients au-delà de son escarcelle et a vocation à offrir ses prestations même aux concurrents de Vinci Autoroutes. 

Premier produit développé par Cyclope, Tollsense, un système de classification des véhicules à destination des opérateurs de péages. Leurs caméras filment les véhicules, qui sont reconnus par Cyclope, afin de leur faire payer le bon prix en fonction de leur catégorie (voiture, moto, camion...). Une tâche habituellement réalisée à l'aide de boucles à induction et de lasers, mais dont la précision laisse à désirer, assure Emmanuel Léger, directeur général de Cyclope.ai. "Chez Vinci Autoroutes, le taux d'erreur de ces systèmes est compris entre 5 et 8%. Sur 800 millions de transactions annuelles, c'est colossal. Cela représente une cinquantaine de millions d'erreurs à traiter, soit directement sur place, soit a posteriori via le service client." Il estime que l'implémentation de cette technologie sur le réseau de Vinci fait économiser au groupe 1,8 million d'euros par an et réduit de 50% les réclamations portant sur des véhicules mal détectés. Sans pour autant remplacer les technologies précédentes, qui demeurent parfois plus précises, notamment pour détecter les camions. Outre Vinci, cette technologie est aussi utilisée par le concessionnaire d'autoroutes Alis.

Objectif : passer à l'échelle industrielle

Cyclope propose aussi des solutions d'analyse de trafic. Dans un tableau de bord, les clients peuvent glisser un flux vidéo pour le faire décortiquer. L'analyse, qui peut porter sur une ou plusieurs voies filmées, classe et compte les véhicules. Elle peut aussi calculer les temps de parcours. Autre techno maison, la surveillance des tunnels, très strictement réglementée depuis l'incendie du tunnel du Mont-Blanc en 1999 (39 morts). Si des systèmes d'alertes vidéo automatisés existent depuis longtemps sur ce créneau, ils ne sont pour la plupart pas basés sur de l'intelligence artificielle, mais sur des systèmes de détection de pixels moins précis, assure Emmanuel Léger. Cyclope n'est toutefois pas la seule start-up à moderniser ces systèmes via l'IA. On peut par exemple citer l'italien Sprinx Technologies. La technologie Tunnelwatch de Cyclope.ai est déployée par Vinci dans le tunnel de Toulon, équipé de 96 caméras. Elle est également en test chez des clients belges et canadiens que l'entreprise ne peut citer pour l'instant, ainsi que chez le gestionnaire d'autoroutes australien Transurban.

L'entreprise se positionne enfin sur un marché en devenir, celui du contrôle des voies réservées de covoiturage, appelées à se développer depuis que la loi mobilités permet leur déploiement. Les collectivités et entreprises sont en ce moment en phase d'expérimentation : les premières veulent tester la réception des dispositifs auprès du public, les seconds affiner la précision de leurs technos, censées détecter les automobilistes seuls à bord. Cyclope a remporté deux appels d'offres pour tester des prototypes avec la direction des routes d'Ile-de-France (Dirif) sur l'A15 ainsi qu'à Paris au niveau de la porte Montreuil.

La société facture sous différents modèles économiques, de la licence pluriannuelle à l'abonnement SaaS, selon le type de services. Emmanuel Léger est peu disert sur les tarifs de ses prestations, mais évoque à titre d'exemple 300 000 euros sur plusieurs années pour un système de détection automatique d'incidents installé dans un tunnel. L'entreprise dit réaliser un chiffre d'affaires de "quelques millions d'euros par an" qui provient en partie de sa maison-mère, facturée comme n'importe quel autre client, assure Cyclope. "L'enjeu en 2021 sera de rentrer plus en profondeur chez nos clients," reconnaît Emmanuel Léger. Car à part sa technologie de classification des péages déployée sur tout le réseau Vinci, la plupart des clients de Cyclope n'utilisent pour l'instant ses produits que sur de petites parties de leur réseau, afin de tester leur efficacité. Le temps est venu de quitter le confort du foyer familial.