Digital Services Act : la régulation des plateformes numériques est une nécessité absolue !

Le Digital Services Act sur les services numériques est entré en application: fonctionnement, changements apportés aux algorithmes et effets attendus.

Depuis le 25 août 2023, l'Europe a entamé une transformation et un encadrement stricte de l’utilisation du web pour ses citoyens à travers une loi semblable au RGPD de 2018 qui  lui a défini les principes et règles de protection des données personnelles sur Internet. Cette nouvelle loi qui vient d’entrer en vigueur se nomme DSA pour « Digital Services Act ». Elle fixe des règles rigoureuses encadrant les services en ligne des gérants du web et de leurs activités via leurs plateformes.

Le « Digital Services Act » obligera les plateformes de ces grandes entreprises digitales à changer le fonctionnement des plateformes et sera élargi dans un second temps à d’autres entreprises de tailles plus petites. Le DSA a un objectif assumé : mettre fin à la puissance des géants du web et pouvoir les sanctionner en cas d’infraction en leur infligeant des amendes pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial, voire les bannir du territoire européen.

La première liste de la phase 1 d’application été publiée et concerne 19 entreprises dont 2 sont basées sur des 2 moteurs de recherche.

La liste ne contient pas de surprises, mais d’autres entreprise seront concernées par le DSA très prochainement !

Plateformes impactées par le Digital Services Act dans sa phase 1 - Par Nouamane Cherkaoui

Le choix a été minutieux et délibéré avec comme règle d’éligibilité d’avoir plus de 45 millions d'utilisateurs mensuels en Europe pour être soumis au DSA dès la mise en œuvre de la loi. Les 45 millions d’utilisateurs correspondent à 10% de la population européenne estimée à 450 millions d’habitants. Rien n’a été facile ni évident et la bataille des chiffres et des déclarations a été longue afin que chaque plateforme puisse partager et communiquer le nombre d'utilisateurs mensuels de ses services.

Qu'est-ce que le DSA va changer réellement ?

La nouvelle réglementation DSA de l'Union européenne a été proposée pour réguler les plateformes en ligne et les services numériques, afin de garantir un environnement numérique plus sûr et équitable pour les utilisateurs. Voici quelques-uns des impacts potentiels de cette réglementation :

1.      Transparence des algorithmes : Les plateformes devront rendre compte de leurs pratiques de modération, de publicité ciblée et de recommandation d'articles, ce qui contribuera à une plus grande transparence vis-à-vis des utilisateurs et des autorités de régulation.

2.      Lutte contre la désinformation : Le DSA vise à lutter contre la désinformation en ligne en obligeant les plateformes à prendre des mesures pour réduire la propagation de fausses informations. La DSA interdit la recours aux « dark patterns » manipulant l’utilisateur, et toute publicité à destination des mineurs ou liées à des critères ethniques, religieux ou sexuels. Exemple : un bouton de signalement d’un contenu illégal.

3.      Modération des contenus : Le DSA impose aux plateformes en ligne des obligations de surveillance et de suppression rapide des contenus illégaux ou nuisibles. Cela signifie que les plateformes devront investir davantage dans la modération de contenu et mettre en place une organisation dédiée pour répondre aux signalements des utilisateurs.

4.      Prévenir les pratiques anticoncurrentielles : Le DSA contient des dispositions à même de garantir un accès équitable aux marchés et de limiter les pratiques anticoncurrentielles des grandes plateformes numériques qui désavantagent les petites entreprises.

5.      Amélioration de la cybersécurité : Le DSA renforce la sécurité en ligne des plateformes en instaurant la mise en place de dispositifs de prévention des cyberattaques et de protection contre les violations de données.

6.      Ouverture Business : Le DSA encourage la création de nouveaux business le bais des partenariats que les plateformes devront mettre en place pour les aider à respecter les exigences de la réglementation et être en conformité (modération de contenu, protection des données, lutte contre les propagandes racistes, haineuses, réputations,).

Comment les algorithmes des plateformes vont-ils évoluer ?

Lorsqu’un utilisateur navigue sur une application comme TikTok les contenus qui lui sont proposés sont en réalité le résultat d’un algorithme qui décide de tout ce qui s’affiche abstraction de son choix explicite ou de sa volonté. Ces « choix » d’affichage décidés sont différents d’un site web à un autre selon les données et les orientations qui ont été développées dans l’algorithme et selon les plateformes. 

Parmi les principaux changements, focalisons-nous sur 3 évolutions qu'apporte le DSA.

Tout d’abord, l’explication de la recommandation « Le pourquoi de la recommandation », « La raison ». Les plateformes sont dans l’obligation d’expliciter les secrets de leurs algorithmes. Si on vous suggère un contenu, vous devez savoir pourquoi. Est-ce l’âge, le sexe, le centre d’intérêt, l’activité, la localisation… Un algorithme n’a plus le droit de cibler sans expliquer.

L’utilisateur à qui on proposera une vidéo, pourra effectuer un clic droit et il aura l’explication de la décision de lui proposer cette vidéo justement. Bref, les réseaux sociaux n'ont pas le droit de vous proposer des choses sans vous expliquer la raison (via les données collectées) qui les pousse à penser que vous allez les aimer.

La deuxième évolution, c'est que ces mêmes plateformes, sont dans l'obligation, dès lors qu’ils proposent un flux d'actualité ou d'informations, de proposer une version alternative et sans algorithme. Des plateformes comme X ou LinkedIn proposeront des fils d'un point de vue chronologique et uniquement à partir des utilisateurs que vous suivez déjà sans aucune intervention ou intermédiation d’un quelconque algorithme de décision. Nous sommes donc sur une décision qui appartient uniquement à l’utilisateur. C’est à lui de choisir à partir de quel moment il souhaite voir défiler l’actualité et les publications de son réseau.

Le troisième changement majeur concerne les contenus publicitaires qui ciblent les orientations sexuelles, politiques ou même religieuses qui seront complètement interdits en Europe. Le système de recommandation de contenus non-fondé sur le profilage sera à mettre à disposition du public avec un registre des publicités contenant diverses informations (qui a parrainé l’annonce, comment et pourquoi elle cible tels individus...) sauf consentement explicite.

Néanmoins, concernant les mineurs de moins de 18 ans, il sera strictement interdit les cibler par exemple sur Instagram ou Google avec des contenus orientés.

Dans les autres changements opérationnels et liés au quotidien notons les principales évolutions suivantes :

  • Les plateformes n’auront pas le droit de bloquer les paiements externes et en dehors de leur écosystème fermé. C’est le cas notamment de l’App Store d’Apple qui devra s’ouvrir et autoriser des développeurs à proposer des solutions de paiement alternatives du marché.
  • Pouvoir se désabonner d’un service devra pouvoir se faire aussi facilement que l’abonnement. En théorie, il suffira de cliquer sur un bouton dédié pour valider le désabonnement.
  • Les applications propriétaires préinstallés seront interdites. L’installation d’Apple Music sur un iPhone par exemple sera un acte délibéré de l’utilisateur s’il le décide.
  • L’installation d’un navigateur par défaut à la première configuration d’un appareil ne sera plus possible. Le choix sera à réaliser à partir d’une liste.

C'est complètement inédit !

Il est important de noter que les impacts exacts du DSA peuvent varier en fonction de la manière dont il est mis en œuvre et de la façon dont les plateformes en ligne s'adapteront à ces nouvelles réglementations. La réglementation DSA vise à équilibrer la protection des utilisateurs en ligne avec la préservation de la liberté d'expression et de l'innovation, ce qui en fait un sujet de débat et de discussion continu dans le domaine de la stratégie et la souveraineté numériques d’une manière générale.