L'IA peut-elle vraiment remplacer les rédacteurs SEO et copy writers ?

A l'heure où l'intelligence artificielle gagne du terrain en entreprise, les métiers de rédacteur SEO et copy writer sont-ils menacés ? Les avantages l'emportent-ils sur les inconvénients ?

Depuis l’arrivée de ChatGPT (suivi, par la suite, de l’IA du moteur de recherche Bing), beaucoup d’agences web et d’entreprises se sont penchées sur l’intelligence artificielle et y ont vu une opportunité pour générer plus vite plus de contenus, le tout en réalisant des économies puisque les contenus générés demanderont alors non pas un travail de rédaction brute, mais de correction ou réécriture partielle afin de maintenir les standards de qualité exigés.

Cela part de deux présupposés : 1/passer par une IA pour de la rédaction de contenus marketing permet de gagner un temps considérable 2/le temps de correction nécessaire pour un texte rédigé par l’intelligence artificielle serait comparable à celui que nécessite un texte rédigé par un humain.

Mais cela est-il véritablement réaliste dans les faits ? Les métiers de rédacteur (et même de journaliste !) peuvent-ils vraiment être remis en cause dans le futur au profit de personnes capables de maîtriser le fonctionnement d’une IA et de correcteurs-relecteurs ?

Ma réponse en tant que rédactrice conceptrice et rédactrice SEO est simple : non. Et c’est tant mieux.

Trop-plein d’orgueil et de fierté de ma part ? Manque d’humilité face à la force de frappe de la machine au service des exigences d’un marché fonctionnant à flux tendu ? Que nenni.

Générer plus de contenus de qualité pour moins cher grâce à l’IA : une illusion

Avant de poursuivre et de vous expliquer pourquoi, laissez-moi vous dire ceci : je suis pleinement consciente que nous évoluons dans un monde ô combien compétitif, à une époque économiquement compliquée qui met de nombreuses entreprises et professionnels sous pression. La rédaction de contenus de qualité possède un coût non négligeable et il n’y a rien de mal à étudier toutes les options à sa disposition pour obtenir de la qualité tout en respectant son budget.

Mais le point que je vais défendre et développer ici suit la logique suivante : les avantages potentiels d’un tel système en valent-ils la chandelle comparé aux inconvénients ? A la fois pour vous, mais aussi pour vos clients (dans le cas des agences web) ? Et, là encore, ma réponse (je ne vais pas entretenir inutilement le mystère) est : non.

Alors maintenant, passons au « pourquoi ».

L’écriture par IA nécessite un prompt et de l’entraînement

Tout d’abord, afin de pouvoir obtenir un texte correspondant à des critères précis (contenu, mais aussi forme, structure, longueur, champ lexical, etc.), il vous faut préparer un prompt que vous enverrez à l’IA afin qu’elle génère le texte en question. Il s’agit là d’un travail préparatoire dont le temps n’est clairement pas à négliger. Même dans le cas où vous le réutiliseriez pour générer de futurs textes correspondant à un sujet et à des standards similaires (donc, en toute logique, pour le même dossier), il vous faudra néanmoins modifier vos consignes concernant le contenu, indiquer le champ lexical précis (mots-clés à insérer au sein du texte) et donner à l’IA des textes qui pourront lui servir à la fois de source et de modèle afin de l’entraîner. En allant au plus vite, il vous faudra entre 15 et 30 minutes minimum pour pouvoir vous acquitter de cette tâche une fois votre prompt de base rédigé. Sans la relecture/réécriture, donc.

Les inconvénients (majeurs) de la génération de contenus par intelligence artificielle

Si cela vous semble malgré tout avantageux, voici les problèmes qui risquent de se poser au moment de la correction :

1/Si vous n’avez pas fourni suffisamment d’infos et de sources à l’IA pour la longueur de texte exigée, celle-ci va soit inclure des éléments inventés de toutes pièces au milieu d’éléments vrais et pertinents (ce qui représente un risque si la relecture est assurée par une personne ne maîtrisant pas pleinement le sujet/le dossier, les inventions de ChatGPT pouvant parfois sembler crédibles), soit se répéter de manière importante. D’ailleurs, si vous vous amusez à effectuer des tests, vous vous rendrez vite compte que, si vous souhaitez obtenir 500 mots, mieux vaut en demander 800 à ChatGPT (peu importe la version utilisée) car, même avec un volume d’infos suffisant, l’IA se répète énormément dans le contenu.

2/Les tournures de l’intelligence artificielle, qui agit par mimétisme, sont volontiers répétitives et mécaniques, impersonnelles. L’algorithme saisit les formules types de votre secteur d’activité et d’un certain type de texte, mais ce qu’il propose tient beaucoup du pastiche dans sa forme brute. Et, si vous souhaitez corriger cela pour réduire le temps de correction, le temps que vous allez passer à fournir du contenu à l’IA ou à affiner votre prompt pour interdire certaines formules dont ChatGPT est friand sera au final assez considérable…

3/Même si ChatGPT se vante que chaque contenu généré est unique, l’expérience prouve que cela n’est pas le cas à 100%. Déjà, il faut tenir compte des cas récents ou en cours de plaintes de médias tels que le New York Times ou encore de l’auteur de fantasy George R. R. Martin, dont les textes ont été utilisés par ChatGPT pour affiner son algorithme… Ces derniers n’ont jamais été prévenus d’une telle chose, mais s’en sont clairement rendu compte par la teneur des textes recrachés par l’IA en anglais.

Par ailleurs, si vous vous amusez à conduire des expériences sur une période donnée et à générer des textes avec l’IA, voire même des variantes de textes, vous aurez tôt fait de vous rendre compte que ChatGPT vous proposera parfois des paragraphes quasi-similaires à celui des précédentes pages générées en l’absence de sources ou de consignes suffisamment différentes d’un texte à l’autre.

Cela signifie que l’IA va conserver la même structure, et parfois le même ordre de phrases, mais utiliser ici ou là des synonymes histoire de reformuler… C’est ce que l’on appelle du spinning, une pratique de Black SEO proscrite par Google et qui peut vous valoir des pénalités si les moteurs de recherche parviennent à l’identifier.

Bien sûr, parfois, cela ne concerne que 30% de texte généré, ou 10, 15, 20%. Mais le fait est que, pour éviter ce problème, vous allez devoir passer beaucoup de temps à vérifier et comparer vos sources avec les textes générés par l’intelligence artificielle pour être sûrs qu’il n’y a ni plagiat ni spinning et, éventuellement, corriger ce problème en réécrivant intégralement les passages concernés. Un vrai casse-tête chinois !

Et un casse-tête qui peut vous coûter cher, à vous et/ou à vos clients si, par la suite, les moteurs de recherche identifient ces passages de copier-coller et appliquent une pénalité, manuelle ou automatique, se soldant par une perte de position alors que le but était d’en gagner ! Et pire en termes de renommée dans le cas d’une plainte pour plagiat par un organisme extérieur ou le site d’un concurrent sur lequel vous avez prélevé des infos pour les fournir à l’IA.

Une solution à court terme à l’effet pernicieux

En clair, il s’agit là d’une solution à court terme mais, à moyen ou à long terme, le recours à l’IA pour rédiger des textes entiers peut s’avérer catastrophique et vous coûter bien plus qu’il ne vous rapporte. Même à court terme, comme nous l’avons vu, le travail demandé pour obtenir un texte unique d’une qualité similaire à celle rédigé par un humain est loin d’être négligeable. Dans le meilleur des cas, il vous faudra 40 à 50 minutes pour un texte de 500 mots. Mais, dans la plupart des cas, le temps de travail sera tout aussi important, voire plus long qu’en rédigeant le texte d’un bout à l’autre.

Il y a aussi un effet pernicieux dans le recours de plus en plus important à l’IA de petites entreprises : ceux qui passaient jusque-là par des plateformes où les rédacteurs ne sont pas forcément très bien rémunérés pour commander des contenus ont pu se rendre compte que de plus en plus de rédacteurs freelance en état de précarité, menacés directement par ChatGPT & co (et donc perdant des commandes du jour au lendemain) avaient eux-mêmes de plus en plus recours à l’IA pour tenir la distance et essayer de joindre les deux bouts en acceptant un maximum de contenus à rendre dans des délais irréalistes. Or, souvent, même après correction, une relecture attentive permet d’identifier le recours à l’intelligence artificielle, sans parler des nombreux sites qui estiment le niveau de probabilité qu’un texte ait été généré par une IA.

A partir de là, les entreprises qui passaient encore pas ces plateformes et qui se retrouvent confrontées à ce problème sont donc encouragées à penser que mieux vaut passer directement par l’IA, que cela leur reviendra dans tous les cas moins cher, ce qui est une erreur comme nous l’avons vu. Une partie des rédacteurs se voit donc de plus en plus précarisée tandis que des professionnels et entreprises sont encouragés à croire que ce système est le meilleur dans leur situation pour pouvoir se frotter aux lois de marchés évoluant à flux tendus.

Revalorisons la qualité des contenus et l’expertise des rédacteurs

Or, qu’est-ce que valorisent vraiment les internautes (particuliers comme professionnels) de même que, de plus en plus, Google ? Des contenus d’experts, spécialisés… et uniques. Des contenus qui, même s’ils sont optimisés, sont avant tout conçus par des humains, pour des humains. Et grâce auxquels vous pourrez être positionnés sur différentes requêtes au sein des moteurs de recherche grâce à un champ sémantique développé et à un maillage de qualité.

Et la qualité, qu’on se le dise, a un prix. C’est un investissement, qui peut paraître élevé de prime abord, mais qui vous rapportera bien plus sur le long terme (et même à moyen terme) que le fait de générer de nombreuses pages trop proches les unes des autres. Aux célèbres « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy ou « travailler plus pour gagner moins » de François Fillon, on pourrait ici opposer un « écrire moins (et mieux) pour gagner plus ». 

C’est un changement de perspective, qui demandera peut-être de revoir certains process et fonctionnements en profondeur ou juste certaines conceptions sur la manière de générer des résultats grâce aux contenus sur Internet, mais cela ne peut qu’être bénéfique au plus grand nombre. Arrêtons de nourrir les algorithmes et les moteurs de recherche avec une abondance de contenus de qualité moyenne, et cherchons là où il y a une véritable plus value à apporter…