Le paradoxe de l'IA : créer toujours plus, pour qui ?
Thibault Monteiro explore les limites de l'IA dans un marché saturé par une production exponentielle, questionnant qui consommera ce contenu généré massivement par les IA.
L'intelligence artificielle est sur le point de révolutionner de nombreux secteurs. Des modèles comme OpenAI o1 peuvent désormais coder des applications complètes, écrire des livres entiers, voire composer des chansons. Mais une question cruciale reste largement ignorée : qui va consommer tout cela ?
Une production exponentielle, mais une consommation limitée
Prenons l'exemple des livres. Aujourd'hui, il existe plus de 130 millions de livres dans le monde, et pourtant, la moyenne annuelle de lecture d'une personne n'est que de 12 livres. Avec l’arrivée de l'IA, cette production pourrait décupler, en réduisant les coûts de création à pratiquement zéro. Cependant, cela ne changera en rien le temps ou l’intérêt limité des consommateurs.
Ce phénomène ne se limite pas aux livres. Les applications, la musique, les vidéos, tout type de contenu est produit en masse grâce à l’IA. Mais à mesure que l'offre explose, qui prendra le temps de s'en servir ? Si tout le monde devient créateur, qui sera spectateur ?
Une économie menacée par la saturation
L'une des règles de base de l'économie est que lorsque l'offre augmente et que le coût de production chute, les prix baissent également. Dans un avenir où l’IA produit massivement des œuvres à un coût quasi nul, nous pourrions nous retrouver avec une situation paradoxale : des créateurs en compétition pour attirer des consommateurs de plus en plus rares. Le résultat ? Des prix qui chutent, jusqu’à potentiellement devenir négatifs, c’est-à-dire que les créateurs paient les utilisateurs pour qu’ils consomment leur contenu.
Ce n'est pas simplement une hypothèse. Plusieurs économistes, dont des lauréats du prix Nobel (Joseph Stiglitz, Paul Krugman ou Robert Shiller), ont averti que cette surabondance pourrait mener à une inefficacité massive dans l'économie. Produire en quantité excessive sans réelle demande gaspille des ressources, que ce soit des serveurs, de l'énergie ou du temps humain. Dans cette économie surchargée, la rareté pourrait devenir l’attention des utilisateurs, une ressource que l’IA ne peut pas produire.
L’illusion du revenu universel
Pour beaucoup, la solution à cette avalanche de contenu semble être le revenu universel, une idée souvent évoquée pour compenser la perte d'emplois provoquée par l'automatisation. Mais cette idée soulève de nouveaux problèmes. Dans une économie où l’IA remplace le travail humain, que se passe-t-il lorsque tout le monde reçoit un revenu de base ? Certes, cela pourrait augmenter la consommation, mais cela suffirait-il à absorber l’immense production générée par l'IA ?
Nous risquons de nous retrouver dans une économie inefficace, produisant bien plus que ce qui peut être consommé, ce qui mène inévitablement à une bulle. Et comme toute bulle, elle pourrait éclater lorsque la demande ne suivra plus.
Le futur de la création : une bulle sur le point d’éclater ?
Les technologies de l’IA ont sans aucun doute un potentiel immense pour redéfinir la création de contenu. Cependant, sans un changement fondamental de nos modèles économiques, nous risquons de créer bien plus que ce que l'humanité ne peut consommer. La question demeure : une économie où la création dépasse largement la consommation peut-elle vraiment fonctionner ?
À mesure que les entreprises investissent des milliards dans des outils comme OpenAI, le véritable défi ne réside peut-être pas dans la production, mais dans la capacité à créer un équilibre entre offre et demande