Et si la Méditerranée était l'épicentre de la stabilité numérique mondiale ?
À l'ère de l'hyperconnexion, où 97% des données mondiales transitent par des câbles sous-marins, la dynamique économique, sociale et politique de notre monde dépend de la fluidité de ces connectivités
Ces infrastructures critiques sont toutefois vulnérables aux tensions géopolitiques comme l’a montré l’incident récent en Mer Rouge au début du mois de mars.
Les conséquences, en cas de dégradation sur les câbles sous-marins, peuvent être considérables, perturbant ou isolant des régions entières ; cela a notamment été le cas lorsque quatre câbles sous-marins de fibre optique ont été endommagés, là encore début mars, au large de la Côte d’Ivoire.
La Méditerranée est un carrefour unique dans la géopolitique numérique mondiale et un pivot stratégique qui catalyse les interconnexions et les flux de données entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Avec 21 pays bordant ses rives et 530 millions d’habitants, les 18 câbles sous-marins qui y transitent relient près de cinq milliards d’êtres humains. Leur résilience doit être assurée, coûte que coûte.
Protéger les fonds marins comme on le fait déjà pour les espaces aériens
Les océans couvrent 70% de la surface terrestre et les enjeux géopolitiques se cristallisent autour des fonds marins (cf. mise en lumière lors du Sommet de l’OTAN en juillet 2023). Au cours de ces dernières années, les infrastructures sous-marines sont devenues des cibles, amplifiant les risques pour la stabilité numérique mondiale avec des impacts parfois importants pour les communications et les activités gouvernementales ou commerciales de régions entières.
Alors qu’il faut en moyenne 10 à 14 semaines pour réparer un câble sous-marin endommagé, pourquoi ne pas mettre en place un système de surveillance des fonds marins qui s’inspirerait des mesures de protection des espaces aériens pour protéger les câbles et autres infrastructures critiques ? Des réseaux de capteurs et de systèmes de surveillance automatisés assistés par des drones sous-marins pourraient détecter et prévenir les actes de sabotage ou les dommages accidentels.
En parallèle, la création de zones maritimes protégées, similaires aux zones aériennes réglementées, pourrait aider à limiter les activités potentiellement dangereuses, comme la pêche au chalut, dans les zones où les câbles sous-marins sont particulièrement vulnérables.
Assurer une parfaite redondance pour garantir la résilience continentale
La multiplication des câbles sous-marins vise à établir une redondance efficace afin de réduire les risques de perturbations majeures en cas d’incident. Marseille, plaque tournante de l’Internet sous-marin mondial, dispose d’une position géostratégique majeure. Connectée à 18 câbles sous-marins (source), elle est en passe de devenir le 5ème hub Internet mondial, offrant des voies numériques rapides, peu coûteuses et à faible latence vers 57 pays sur 3 continents.
Il ne faut que 0,11 seconde pour envoyer une donnée de la cité phocéenne à Singapour. Avec un épicentre à Marseille et des sites à Barcelone, Rome, Athènes, Héraklion et Tel Aviv, le hub numérique méditerranéen réduit les risques liés à la vulnérabilité des câbles sous-marins et renforce la résilience du réseau Internet mondial.
Les investissements coordonnés dans les câbles sous-marins, les routes terrestres et les data centers permettent une croissance exponentielle du trafic Internet transitant par la Méditerranée. Grâce à eux, Marseille est devenue la passerelle européenne pour les échanges numériques et un catalyseur d’innovation dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle, le jeu vidéo ou le streaming.
Faire de la Méditerranée un modèle de résilience
Si les câbles sous-marins sont essentiels à l'économie numérique mondiale, c'est à proximité des sites d'atterrage que réside leur véritable potentiel. Les data centers qui y sont interconnectés transforment la capacité brute des câbles en services concrets pour les entreprises et les utilisateurs finaux. Ce qui explique pourquoi un hub d’interconnexion tel que Marseille est devenu un pôle d'infrastructure numérique majeur.
Au cœur des échanges entre l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique, la Méditerranée est appelée à jouer un rôle clé dans la croissance numérique. A proximité des sites d'atterrage des câbles sous-marins, les entreprises peuvent étendre leur trafic de données vers les principaux centres numériques d’Europe que sont Francfort, Londres, Amsterdam et Paris, via des interconnexions à faible latence.
Grâce à son positionnement et à ses hubs émergents, la Méditerranée peut devenir un modèle de résilience numérique assurant la continuité des communications à l'échelle continentale. Renforcer la collaboration entre les pays de la région EMEA permettrait d’accélérer la planification et la mise en œuvre de nouveaux projets d'infrastructures numériques d'envergure tout en garantissant une connectivité Internet stable et fiable pour l'ensemble des entreprises et des utilisateurs à l’échelle des trois continents les plus peuplés du globe.