A Paris, un train nazi caché sous la ville depuis des années
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A Paris, un train nazi caché sous la ville depuis des années

Dans le 13ème arrondissement de Paris, un monstre d'acier dort à l'abri des regards.

Dans le 13ème arrondissement de Paris, à proximité de la Bibliothèque nationale de France, une porte discrète s'ouvre sur un espace inattendu : là, dans la pénombre, se trouve une silhouette métallique de 23 mètres et composée de 147 tonnes d'acier noir. Immobile, la locomotive BR-52 hante son abri de béton, à deux pas des immeubles et entreprises modernes. Qui imaginerait qu'ici repose un vestige aussi saisissant du passé tragique du XXème siècle ?

On ne tombe pas sur une telle découverte par hasard. Tout commence par un échange lors du festival de la bande dessinée d'Angoulême : un passionné apprend par un de ses collègues l'existence d'une locomotive à vapeur allemande cachée dans Paris. Trois mois plus tard, il décide d'aller la découvrir avec un journaliste, partageant la stupeur silencieuse de pénétrer dans cet antre hors du temps.

L'homme à l'origine de cette aventure, c'est Jean-Michel Frouin. Artiste français né en Pologne, il s'intéresse très tôt au régime nazi et à ses camps de la mort. Les locomotives BR-52, véritables rouages de la logistique des trains vers l'extermination, attirent alors son attention.

Après la guerre, beaucoup de ces machines survivent en Europe sous d'autres noms. En Pologne, elles deviennent la série TY-2. C'est là que l'artiste, au début des années 1980, découvre un cimetière de ces locomotives. Peu à peu, il mûrit l'idée d'en ramener une à Paris et de la peindre. Pour cela, il choisit la TY-2 numéro 993, symbole de cette mémoire enfouie.

Il faut la trouver en état de marche et convaincre les autorités polonaises de l'offrir à la Ville de Paris, ce qu'il réussit. Le départ de la locomotive, en juin 1994, marque le début d'un voyage épique : sabotages, réparations, solidarité des cheminots européens. Tractée, réparée, la machine traverse la Pologne, l'Allemagne, puis la France.

Arrivée à Paris, elle rejoint les anciens Frigos, un immense bâtiment de 1921, autrefois dédié au stockage frigorifique, devenu dans les années 1980 un repaire d'artistes. Les derniers mètres sont les plus délicats : il manque des rails, d'anciens cheminots posent une voie provisoire et il faut découper la cheminée pour entrer.

Aujourd'hui, la locomotive, devenue œuvre d'art et porteuse de mémoire, est prisonnière du béton. Les rails ont disparu, la porte est bloquée, la machine est presque emmurée, invisible au public, témoin silencieux d'une histoire enfouie sous l'urbanisation du quartier. Elle rappelle, sous la surface paisible d'un arrondissement parisien, la persistance des fantômes de l'histoire. Plus qu'un simple vestige, elle incarne la puissance de la mémoire et la nécessité de ne pas oublier.