Dmitry Shevelenko (Perplexity) "Notre ambition est de faire de Perplexity un véritable assistant personnel, intelligent et utile"

JDN. Comment Perplexity se distingue-t-il dans cet univers concurrentiel des moteurs de recherche alimentés par l'IA ?

Dmitry Shevelenko. En plus d'être un moteur de réponses, notre ambition est de faire de Perplexity un véritable assistant personnel, intelligent et utile. Nous voulons devenir le premier réflexe des internautes dès qu'ils ont une question ou qu'ils cherchent une solution à un problème. Nous avons récemment lancé Perplexity Assistant sur Android, activable directement via le bouton d'action. Dans les paramètres, il est ainsi possible de définir Perplexity comme assistant par défaut, ce qui permet de le déclencher à tout moment, y compris lorsque vous utilisez une autre application. Ainsi, vous pouvez poser des questions sur ce qui apparaît à l'écran en temps réel. L'engagement et l'adoption de cette fonctionnalité sont particulièrement encourageants.

Perplexity combine différents modèles d'IA existants afin de proposer les meilleures réponses possibles. Envisagez-vous, à terme, de développer votre propre modèle de fondation ?

L'une des hypothèses fondatrices de Perplexity était que les modèles de fondation allaient devenir des commodités. Cette intuition s'est révélée exacte, comme l'illustrent les récents développements, notamment avec la sortie de modèles open source comme DeepSeek R1. Dès le départ, Perplexity s'est concentré sur l'orchestration de la recherche en ligne. Nous veillons à ce que notre moteur effectue des recherches approfondies sur le Web en temps réel, sélectionne les sources les plus fiables et les classe selon leur pertinence.

"Nous n'avons aucun intérêt à développer notre propre modèle de fondation"

Nous utilisons ensuite différents modèles d'IA pour synthétiser, résumer et analyser ces informations. Notre moteur choisit automatiquement le modèle le plus adapté en fonction du type de requête. Ce processus dynamique, qui alterne en permanence entre la recherche en temps réel et les modèles de langage, est au cœur de notre technologie. C'est pourquoi nous n'avons aucun intérêt à développer notre propre modèle de fondation.

Perplexity a lancé, le 17 février dernier, sa fonctionnalité de simplification de recherches complexes baptisée Deep Research, en réponse aux solutions d'OpenAI et Google.  Comment voyez-vous l'avenir de la recherche en ligne ?

Perplexity est la seule entreprise dont la mission est entièrement dédiée à la création du meilleur produit dans ce domaine, sans avoir la contrainte d'un modèle économique hérité du passé. Google doit en effet toujours faire en sorte que ses utilisateurs cliquent sur les liens publicitaires AdWords, car c'est ainsi qu'ils financent leur activité.

"En plus de proposer une réponse rapide, concise et précise, nous voulons anticiper les besoins des utilisateurs"

OpenAI, de son côté, a fait le choix de se consacrer à de nombreux projets, que ce soit en entraînant des modèles de fondation, en développant des outils vidéo, etc. Chez Perplexity, notre seul objectif est de réfléchir à comment mieux répondre aux questions que nos utilisateurs se posent. À l'avenir, notre outil deviendra plus proactif et plus personnalisé. En plus de proposer une réponse rapide, concise et précise, nous voulons anticiper les besoins des utilisateurs afin de leur fournir directement les informations dont ils ont besoin, avant même qu'ils ne formulent leur demande.

Comment fonctionne le partage des revenus publicitaires ? Ces montants pourraient-ils devenir une source de revenus significative pour vos partenaires médias ?

Le fonctionnement est simple : dès que nous utilisons le contenu d'un éditeur sur l'une de nos pages où une publicité est affichée, nous partageons avec ce dernier une partie des revenus générés par cette impression. Notre objectif est de faire en sorte que ces revenus deviennent significatifs pour les médias. Si Perplexity est amené à jouer un rôle de premier plan sur le Web, nous devons nous assurer que les éditeurs disposent de sources de revenus diversifiées leur permettant de se monétiser. Leur succès est important à nos yeux, car cela implique une production plus abondante de contenus et d'informations fiables, et donc une plus grande qualité des réponses fournies aux utilisateurs. Nos intérêts sont donc étroitement alignés avec ceux des éditeurs.

Perplexity compte déjà un nombre important de médias partenaires parmi lesquels TIME, Fortune, Prisa ou encore Der Spiegel.  Les sources provenant de médias non-partenaires sont-elles moins mises en avant par Perplexity ?

"Si nous avons une relation plus étroite avec un éditeur, nous avons généralement une meilleure visibilité sur son contenu"

Pas nécessairement. La seule différence est que, si nous avons une relation plus étroite avec un éditeur, nous avons généralement une meilleure visibilité sur son contenu, ce qui peut mécaniquement augmenter sa présence dans certaines requêtes. Pour autant, nous ne favorisons ni ne pénalisons artificiellement un éditeur selon qu'il soit partenaire ou non. Notre objectif est de garantir à nos utilisateurs qu'ils obtiendront toujours la meilleure réponse à partir de la source la plus fiable possible, indépendamment de nos relations commerciales avec les éditeurs.

La publicité a-t-elle vocation à devenir la source de revenus principale de l'entreprise ?

Aujourd'hui, notre principale source de revenus repose sur les abonnements, tant du côté des particuliers que des entreprises. À long terme, la publicité deviendra probablement une composante majeure de notre modèle économique, mais nous voulons avancer progressivement afin de perfectionner notre approche.  Nous comptons déjà plusieurs annonceurs partenaires depuis le lancement de cette offre publicitaire aux États-Unis qui se montrent très satisfaits des résultats pour l'instant.

Les utilisateurs consultent-ils vraiment les sources ou se contentent-ils de lire les informations sur votre plateforme ? Avez-vous des chiffres à partager sur ce point ?

Je vous confirme que c'est le cas ! Le taux de clics sur les sources dépasse largement les deux chiffres en pourcentage. Il y a cette idée fausse selon laquelle Perplexity détournerait le trafic des sites d'actualités. Mais les utilisateurs ne viennent pas sur Perplexity pour lire leurs actualités ou demander "Quelles sont les nouvelles aujourd'hui ?". Ils posent généralement des questions sur des sujets très spécifiques. Notre usage s'ajoute donc aux comportements existants, et ce n'est en aucun un remplacement.

Quels sont vos projets dans le domaine de l'IA agentique et quel impact anticipez-vous sur l'usage de Perplexity ?

Je pense que le terme "agent IA" est devenu galvaudé. Ce que nous observons aujourd'hui, ce ne sont pas réellement des agents, mais plutôt des systèmes "opérateurs" qui naviguent sur le web à votre place. Je ne pense pas que ce soit une bonne expérience utilisateur. L'expérience optimale est celle où, à partir d'une réponse, vous avez directement la possibilité de pouvoir agir, sans avoir à attendre qu'un navigateur s'ouvre et clique lentement sur différents sites. C'est une interface radicalement plus fluide et efficace que nous voulons développer.

"Perplexity ne va pas se limiter à fournir des réponses, mais va aussi permettre aux utilisateurs de prendre certaines actions"

Perplexity ne va pas se limiter à fournir des réponses, mais va aussi permettre aux utilisateurs de prendre certaines actions directement depuis la plateforme, dont l'achat de produits. Par exemple, si vous recherchez un produit ou un hôtel, nous voulons que vous puissiez finaliser l'achat ou la réservation directement sur Perplexity en un clic. L'idée est ainsi d'éliminer les frictions et réduire le nombre d'étapes nécessaires pour effectuer une action, comme un achat, en rassemblant toutes les informations nécessaires en un endroit.

Une introduction en bourse est-elle la suite logique pour Perplexity ?

Le secteur de l'IA évolue à un rythme effréné, d'une semaine à l'autre, ce qui rend difficile toute prévision en matière de financement. Si une entrée en bourse semble être une perspective probable à long terme, je pense qu'il y aura d'autres levées de fonds avant cette échéance. Ce que je peux dire est que nous n'avons pas l'intention de vendre Perplexity. 

Pour conclure, où en est le projet de fusion avec TikTok que vous avez proposé ?

Nous sommes très intéressés par l'idée de nous associer à TikTok. Nous pensons qu'il existe une synergie extrêmement forte entre nos deux produits. La recherche est un aspect central sur TikTok, et nous pourrions l'améliorer grâce à notre expertise. En contrepartie, notre produit pourrait être enrichi par le contenu de TikTok. Nous sommes également convaincus de pouvoir garantir aux autorités américaines qu'aucune donnée ne sera envoyée en Chine. Nos chercheurs spécialisés en IA pourraient reconstruire l'algorithme pour l'héberger hors de Chine. Rien n'est encore acté et la situation évolue constamment, mais nous sommes enthousiastes quant à cette opportunité. Même si beaucoup de détails restent à définir, nous voyons un fort potentiel dans cette intégration mutuelle.