IA : au-delà de l'innovation, un défi humain à relever
L'IA ne remplacera ni ne volera jamais votre job, elle doit être vue comme un assistant efficace.
La phrase du célèbre robot humanoïde de Star Wars, C-3PO - « Je pratique couramment six millions de formes de communication » - a pris depuis plusieurs mois, une résonance nouvelle et presque prophétique. De l’univers des grandes entreprises à celui des jeunes pousses, de la sphère des ingénieurs et à celles des dirigeants, l’IA s’est imposée comme un outil universel permettant d’analyser, de comprendre et de produire du contenu à une échelle et à une vitesse hier encore inimaginable.
Mais derrière l’enthousiasme général de l’IA se cache une réalité essentielle souvent sous-estimée : sans données pertinentes, pas d'IA. Imaginons un être humain propulsé dans la vie professionnelle sans avoir eu une vingtaine d'années pour grandir, apprendre et se construire…
L’IA n’est rien sans la data
Mais au fond, qu'est-ce que l'IA sinon une puissante capacité à identifier et à révéler des structures cachées au sein d'une quantité considérable de données ? Les réseaux de neurones constituent la base des IA modernes. Ils sont aussi bien utilisés pour l'IA prédictive qui classe et prédit des résultats précis, que pour l'IA générative comme ChatGPT, Copilot ou DeepSeek qui créent des contenus originaux, textes, images, sons, à partir des modèles qu’ils ont appris des données.
Ces modèles dépendent fondamentalement de la qualité et de la richesse des données sur lesquelles ils sont entraînés. Ces données sont de trois natures : structurées lorsqu’elles sont clairement organisées au sein de bases de données relationnelles ou dans des tableurs ; semi-structurées lorsqu’il s’agit de fichiers utilisés pour échanger des informations ; ou non-structurées, telles que des images, des vidéos, du son ou du texte libre, dont l'analyse nécessite des approches spécifiques pour en extraire une information pertinente.
Dans un cadre industriel, les applications des IA prédictives incluent par exemple le diagnostic anticipé de pannes sur une chaîne de production grâce à l'analyse continue des données de capteurs industriels. Les IA génératives, quant à elles, permettent de concevoir de nouvelles formulations chimiques dans le secteur pharmaceutique ou encore de générer automatiquement des modèles 3D pour optimiser la conception de composants mécaniques complexes.
L’IA, un défi humain avant tout
Toutefois, il ne faut pas se leurrer : l’intégration de l’IA en entreprise est avant tout un défi humain. Selon une étude réalisée par Ipsos pour Expleo, 80 % des dirigeants déclarent que leur secteur d'activité est déjà transformé par l’IA. Cependant, seuls 24 % affirment avoir déjà mis en place des solutions d’IA concrètes. Autrement dit : les dirigeants partagent un sentiment de retard dans l’adoption de l’IA par leur entreprise.
L'enjeu crucial réside dans l'identification précise des cas d'usage pertinents pour l'IA, qui répondent concrètement aux besoins de l'entreprise. Chaque situation doit être évaluée pour déterminer quel type d'IA sera le plus adapté. En parallèle, il est indispensable de s'assurer de la disponibilité d'ensembles de données pertinents et suffisamment riches pour entraîner ou affiner efficacement les modèles choisis. Cette démarche structurée, impliquant étroitement les acteurs concernés dès le début, garantit une intégration réussie et bénéfique de l'IA au sein des entreprises. L’humain est donc là dès le départ.
Une fois le besoin défini, il est nécessaire d’évaluer la faisabilité technique du projet, puis de choisir la technologie la plus adaptée en fonction des données disponibles, des compétences internes et des contraintes budgétaires. Cette phase demande des experts, des data scientistes, des data analystes, ingénieurs IA, qui comprennent les enjeux techniques et disposent d’une vision stratégique sur la manière de déployer l’IA au sein de l’entreprise. Environ 60 % des entreprises font aujourd’hui appel à des experts externes pour combler le manque de compétences en interne, tandis que 55 % ont mis en place des programmes de formation pour leurs salariés. Là encore, l’humain est présent.
Disposer de données de qualité est la pierre angulaire de tout projet d’IA, sans quoi ce dernier est voué à l’échec. Car, il ne suffit pas de disposer d’un grand volume de données, encore faut-il qu’elles soient de bonne qualité, bien structurées et suffisamment diversifiées pour que les experts puissent entraîner, tester, nourrir et adapter le modèle IA avant de le passer en production. Bien entendu, un suivi constant est nécessaire pour vérifier les résultats, et garantir que l’IA reste pertinente à mesure que l’environnement change et adapter le cas échéant. Cela nécessite un réajustement des pratiques et une évolution des mentalités au sein de l’entreprise, le fameux « test & learn ». L’être humain, en tant que garant de l’efficience du système, joue donc un rôle crucial dans cette phase.
Pas d’intelligence artificielle sans intelligence humaine
L’IA doit être vu comme un assistant efficace tant pour le dirigeant que pour l’ingénieur ou l’exécutant. C’est pourquoi, l’IA ne remplacera ni ne volera votre job mais celui ou celle qui sait utiliser l’IA pourrait bien le faire.
À charge donc aux hommes et aux femmes qui pilotent ces projets de poser les règles et de définir les limites, afin de transformer l’IA en une véritable alliée stratégique, éthique, responsable et durable. La véritable question ne porte pas sur les capacités de l'IA, mais sur notre aptitude à l'intégrer de manière adéquate, à l’évaluer et à la surveiller, tout en veillant à garder l’humain au centre du processus décisionnel. À l’instar de C-3PO, l’IA est là pour étendre les capacités humaines, non pour les remplacer : « Messire Luke, si mes circuits ou mes rouages peuvent servir, qu’on les lui greffe. » L’IA est un allié puissant, un prolongement de l’intelligence humaine, et non son remplacement.