De mobile first à AI first ? L'impact de l'IA sur nos interfaces quotidiennes
L'IA générative redéfinit nos interfaces. Avec le protocole MCP, elle devient interopérable et pourrait remplacer le smartphone comme point d'entrée principal dans nos usages numériques.
Reste-t-il encore simplement quelque chose à écrire sur l’intelligence artificielle ?
De la compréhension de la technologie des LLM aux transformations profondes des nombreuses tâches dans les métiers de service, de la course de vitesse menée par les GAFA à nos interrogations sur les enjeux de souveraineté européenne, des premiers impacts sur le marché du travail aux cas médiatisés d’entreprises faisant volte-face après s’être proclamées « IA first » : beaucoup a été dit.
Suivant notre profession ou notre appétence pour la technologie, chacun observe l’impact des modèles de génération (langage, image, vidéos, code informatique) et transforme peu à peu ses usages.
Trois années de développement produit, des usages et un modèle économique à consolider
Depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022, une phase de développement des produits a succédé à une phase de développement technique.
Dans un premier temps, c’est l’accroissement de la qualité des modèles, l’accroissement du volume de données d’entrainement et l’enrichissement des sources externes (navigation web notamment) qui permettaient à nos prompts toujours imprécis de générer des sorties toujours plus qualitatives, et sous de nouvelles formes (images, textes, vidéos).
L’année 2025 est elle celle de l’année des produits. Sur les fondations de ces modèles, les principaux champions technologiques mondiaux ont décliné ces incroyables avancées pour simplifier leurs utilisations et diversifier leurs canaux d’utilisation. D’autres entreprises, souvent de moindre taille, sont venues s’adosser à ces modèles pour les hyperspécialiser (l’IA de la vente, l’IA du service client, l’IA des développeurs informatiques etc…) ou créer des briques technologiques permettant de les optimiser pour une tâche précise (optimisation du RAG notamment).
L’enjeu est à présent celui du modèle économique : en 2024, Forbes signalait que chaque dollar gagné par OpenAI lui coûtait 2,35 dollars. Google ou Meta, entreprises plus établies, financent elles ces activités sur les importants profits réalisés par leurs autres services. Le coût réel du gain de productivité obtenu par l’augmentation de la production dans les métiers du service n’est donc pas encore connu, ce qui créé des risques quant à la capacité à fidéliser les clients existants.
En somme, serez-vous, ou votre entreprise, toujours prêts à payer une aide à la production de contenu si le prix de cet abonnement (qui constitue plus de 75% des revenus d’OpenAI) double ou triple ?
De la génération à l’action, la prochaine frontière des LLM :
La prochaine étape est celle de l’interopérabilité des modèles d’IA entre eux et entre les autres produits informatiques que nous utilisons au quotidien pour passer de la recherche à l’action. Aujourd’hui, une IA peut vous aider à choisir un restaurant. Demain, elle pourrait vous réserver ce restaurant, ou effectuer un virement bancaire, et revenir vers vous quand des informations lui manque pour accomplir sa tâche.
Une étape critique dans cette capacité des modèles à se connecter entre eux et à d’autres système a été franchie le 22 avril dernier, Google, OpenAI et Anthropic s’accordant sur un protocole commun d’échanges et d’interactions entre intelligences artificielles : le MCP.
Derrière cette décision d’apparence technique, c’est la capacité de ces modèles à naviguer avec l’ensemble de nos outils numériques qui est désormais ouverte, permettant aux modèles de langage de devenir la porte d’entrée de nos services, là où le navigateur internet /le mobile étaient jusqu’ici les interfaces incontournables de nos vies numériques. Jusqu’à aujourd’hui, l’enjeu pour une entreprise était d’être bien référencée sur Google, ou de voir son application disponible sur l’App Store. Demain, un nouvel enjeu devrait être la capacité de votre service à être accessible par le ou les modèles de langage les plus utilisés, au travers du protocole MCP.
De l’ordinateur au smartphone, quel outil pour une nouvelle génération d’interfaces ?
Pour trouver un site sur internet, le navigateur accessible depuis un ordinateur restait le medium le plus utilisé et ce jusqu’en 2013. Fin 2016, cette tendance s’inverse au niveau mondial, plus de 50% du traffic internet est désormais drivé par les smartphones, dont + de 90% par les applications mobiles.
Les intelligences artificielles génératives ont déjà commencé à prendre des parts de marchés à ce qui semblait jusqu’il y a peu une forteresse imprenable, à savoir Google Search. Mais le développement des model context protocol comme standard de connexion entre services numériques pourrait permettre l’arrivée de nouveaux produits qui deviendraient les portes d’entrées de nos interactions quotidiennes.
Plusieurs start-ups ont d’ailleurs déjà sauté le pas en proposant des « wearables AI », qui ambitionnaient de remplacer votre smartphone. Leur adoption est pour l’instant un échec mais beaucoup analysent la décision d’OpenAi de racheter « io », la start-up de l’ex-designer star d’Apple Jony Ive comme la confirmation que cette tendance est durable et pourraient permettre aux LLM d’ancrer fortement leurs technologies dans nos vies quotidiennes, une fois les déboires judiciaires de l’écosystème californien passés…
Remplacer le smartphone ou l’enrichir, un challenge technique et produit :
Quelles formes pourraient donc prendre ces nouveaux outils miniatures qui joueraient pour nous le rôle indispensable tenus par nos smartphones ? La piste la plus probable aujourd’hui est celle de la coexistence davantage que le remplacement.
Les capacités de calculs nécessaires aux traitements par des IA sont en effet importantes. Pour éviter une latence trop forte et donc un désagrément pour l’utilisateur, une partie de ces calculs doit donc avoir lieu directement dans le produit. C’est par exemple le cas des versions améliorées de SIRI dans l’Iphone. Comment concilier taille de l’appareil et puissance de calcul pour permettre de nouvelles expériences de consommation de services numériques ? Quelles conséquences sur le développement de solutions informatiques, notamment sur les interfaces utilisateurs ? C’est sans doute les questions qui occuperont l’écosystèmes dans les prochaines années.