Intelligence Artificielle et Frugalité ne sont pas antinomiques !

Qui dit existence d'une technologie dit également évolution de celle-ci. Ainsi, la plupart des technologies qui nous entourent n'ont cessé de progresser, devenant plus rapides, innovantes, intelligentes… mais aussi pour beaucoup d'entre elles plus énergivores et exigeantes en ressources naturelles et parfois humaines, et cela alors même qu'elles ne répondent pas toujours à des besoins fondamentaux.

Parmi les innovations technologiques marquantes, l’Intelligence Artificielle (IA) s’est développée majoritairement sur ce même modèle. Pourtant, ne pourrions-nous pas imaginer une IA frugale c’est-à-dire qui demande très peu de données pour des performances extrêmement élevées, compatible avec la nécessaire transition vers un monde plus durable ?

L’IA s’est développée jusque-là, et se développe encore le plus souvent aujourd’hui, dans une logique maximisante. Quelles que soient les problématiques technologiques qui lui sont inhérentes, la réponse apportée est ainsi en très grande majorité « toujours plus » : toujours plus de données pour construire les algorithmes, toujours plus de serveurs pour les analyser, toujours plus de puissance pour digérer ces données et toujours plus d’espaces pour stocker les dits serveurs… le tout accentuant inexorablement le phénomène de réchauffement climatique.

En plus d’un possible effet de mode, cette logique résulte également d’une approche culturelle. Alors que les États-Unis mènent la course au développement et à l’utilisation de l’IA, celle-ci tient ainsi du caractère conquérant des entreprises américaines dans la bataille technologique, comme de leur incapacité – reconnaissons-le – à tendre vers plus de sobriété dans leurs modèles. Pour exemple, le dernier livre de Bill Gates, dans lequel le milliardaire se livre à un plaidoyer en faveur de solutions efficaces pour atteindre l’objectif zéro carbone, ne fait aucunement mention à la possibilité d’optimiser notre consommation. Ce biais culturel initial s’est érigé en modèle unique poussant l’ensemble des pays du globe à suivre la même direction, et imposant jusqu’ici cette façon de concevoir l’IA.

Or, ce biais de conception n’est pas neutre, et l’on ne peut plus ignorer les impacts toujours plus importants sur nos écosystèmes et sur notre environnement d’une conquête technologique. La 5G l’a parfaitement illustré dernièrement : nous sommes passés de discussions de l’ordre de la polémique entre spécialistes à un véritable débat public : la 5G répond-t-elle à un besoin à la hauteur des concessions environnementales qu’elle semble appeler ? D’un autre côté, il serait plus que dommageable de décréter le statu quo technologique sous prétexte que tous les progrès à venir se feront forcément au détriment du reste. Une troisième voie existe, notamment dans le cadre de l’IA.

En effet, l’IA dite lean commence à émerger. À travers par exemple des technologies différentes proposant des modes opératoires plus légers – ne nécessitant pas de serveurs importants ou permettant de réaliser les calculs algorithmiques directement depuis un téléphone – nous voyons progressivement se dessiner le chemin vers une Intelligence Artificielle plus raisonnée, en recherche de sobriété énergétique. Alors pourquoi ne pas l’emprunter ? Pour ce faire, il faut accepter de laisser derrière soi les anciens modèles, peut-être rassurants jusqu’ici, mais trop énergivores et surtout peu compatible avec un fonctionnement autonome qui ouvre des perspectives illimitées de cas d’usages. Ajoutons à cela la systématisation du questionnement sur l’utilité, limitant ainsi certains usages récréatifs de l’IA pouvant parfois être de l’ordre du gadget, et nous verrons alors se généraliser une technologie pérenne, contenant son impact, notamment environnemental, sans rien renier de sa puissance.