Intelligence artificielle : industrie ou recherche, à chacune sa méthode

Pour que les entreprises développent des applications d’IA commercialisables, leur R&D ne doit pas s’inspirer des méthodes de la recherche mais développer une méthodologie propre à l’industrie.

Développer des applications à base d’intelligence artificielle (IA) est un processus complexe pour les entreprises qui, faute d’adopter la bonne approche, se heurtent systématiquement aux mêmes obstacles. Pour les surmonter, il convient d’adopter une nouvelle méthodologie fondée sur l’itération pour concevoir et mettre en production ces applications d’IA.

L’approche scientifique : une fausse bonne idée

L’IA et la reconnaissance vidéo - l’une de ses applications les plus importantes - sont les enfants du monde de la recherche et n’ont été adoptées par le monde de l’industrie que récemment. Ces quatre dernières années, les recherches sur ces technologies ont connu un essor sans précédent, qui a généré un fort effet d’entraînement de la part des entreprises et conduit à vouloir les appliquer à l’industrie, sans que les processus de développement soient encore arrivés à maturité.  

Des fonds colossaux sont aujourd’hui investis dans la R&D* pour recruter des chercheurs et financer le développement d’applications d’IA. Mais, faute de recul, ceux-ci appliquent la méthodologie de leur domaine, qui consiste davantage à vouloir développer la meilleure technologie qu’à s’intéresser à ses applications réelles. Les conditions théoriques du monde de la recherche sont en effet différentes des conditions concrètes de l’industrie en ceci qu’il n’y a pas, ou très peu, de confrontation au monde ni de transformation du produit en fonction des retours de la production.

À l’aune de la réalité

Ainsi, après deux ans d’investissement, les chercheurs recrutés par une entreprise développent par exemple un algorithme qui n’a pas été confronté au monde réel, et s’aperçoivent alors qu’ils ne sont qu’au début d’un long processus d’amélioration ; lequel doit souvent être interrompu car trop coûteux. Les entreprises, qui investissent pour développer des applications d’IA avec une méthodologie issue du domaine scientifique obtiennent donc généralement un résultat qui n’est, soit pas assez performant, soit n’offre pas de bénéfices métiers concrets, et ne peut dès lors pas être commercialisé.  

Dans le cas de la reconnaissance vidéo, par exemple, des péages intelligents placés sur les autoroutes peuvent être confrontés à des conditions météorologiques qui n’avaient pas été prévues et qui rendent les images inexploitables. Chez Tesla, qui déploie des systèmes de reconnaissance vidéo dans ses voitures, comme des essuie-glaces qui se déclenchent en cas de pluie, de nombreux dysfonctionnements ont ainsi été constatés car les voitures se trouvaient placées dans des situations qui n’avaient pas été prises en compte en phase de production.

Adopter une méthodologie fondée sur l’itération

La volonté de développer le produit parfait avant de le lancer sur le marché est à l’origine des principaux échecs. Les entreprises ne découvrent en effet qu’a posteriori les bugs ou conditions extérieures mal anticipées par la production, telles que des orientations de caméras ou des modèles de voitures inédits lors du développement d’un péage intelligent.  

Les systèmes d’IA ont donc besoin d’être évolutifs pour s’adapter aux conditions du monde réel. Cela suppose l’adoption d’une méthodologie différente, fondée sur la notion d’itération, c’est-à-dire de construire un prototype, le tester en conditions réelles, puis de recommencer en modifiant le produit en fonction des retours ; soit un cycle d’amélioration continue. Cette méthodologie doit permettre de créer rapidement des prototypes d’IA, de les mettre en production puis de les améliorer de manière itérative en intégrant les retours du monde réel, dans une approche, finalement, similaire à celle du développement logiciel.

Les entreprises se trouvent aujourd’hui confrontées à un problème majeur de méthodologie qui réduit à néant leurs efforts d’investissements. Pour développer des applications d’IA commercialisables, elles doivent donc faire évoluer leur processus de développement, ce qui passe notamment par le remplacement des datas scientists par des AI managers chargés de créer et de faire évoluer des IA grâce à leurs connaissances métiers et aux retours du monde réel.

*R&D : le département de recherche et développement d’une entreprise.