Dennis Mortensen (X.ai) "Nous voulons intégrer notre assistant dans d'autres services comme Uber"

Cette start-up newyorkaise a développé un assistant virtuel qui organise vos rendez-vous. Son CEO nous en dit plus cette technologie et ses axes de développement.

JDN. Pouvez-vous présenter le concept de X.ai ?

Dennis Mortense, CEO de X.ai © Malene Lauritsen

Dennis Mortensen. J'organise des milliers de rendez-vous chaque année. La gestion de mon emploi du temps est un problème que j'ai rencontré toute ma vie professionnelle. La réalité est que tout le monde ne peut pas bénéficier d'une assistante personnelle pour gérer son agenda. Pour résoudre ce problème, il fallait donc trouver une solution technologique. En décembre 2013, nous avons eu l'idée d'utiliser l'intelligence artificielle pour créer des assistants virtuels nommés Andrew et Amy. Nous avons passé les quatre dernières années à perfectionner notre technologie. X.ai emploie aujourd'hui 150 personnes, réparties entre nos bureaux basés à New York et aux Philippines. 

Comment communique-t-on avec ces robots assistants ?

De la même manière qu'avec un assistant humain : il suffit simplement de mettre amy@x.ai ou andrew@x.ai en copie de l'échange email. Vous devez leur parler comme si vous communiquiez avec un humain en écrivant par exemple : "bonjour Amy, pourrais-tu t'occuper d'organiser un rendez-vous avec X mercredi prochain?". Amy va ensuite gérer l'intégralité des échanges jusqu'à la prise de rendez-vous. Vous n'êtes même pas obligé de préciser l'heure et le lieu car ces assistants ont accès à votre emploi du temps et connaissent vos habitudes.

Quel est le mode d'emploi pour démarrer avec ces assistants ?

Il vous faut d'abord commencer par synchroniser votre agenda. Amy ou Andrew vont ensuite avoir une rapide conversation avec vous pour savoir de quelle manière vous voulez qu'ils gèrent votre emploi du temps. Par exemple, ils vont chercher à connaître la durée moyenne de votre entretien en tête-à-tête, la durée de vos appels téléphoniques... Une fois que vous avez défini ces paramètres par défaut, votre assistant est prêt à travailler pour vous. Bien sûr, ces paramètres peuvent être modifiés à tout moment et vous pourrez lui demander de faire des exceptions lorsque c'est nécessaire.

Que se passe-t-il si je souhaite, par exemple, organiser un rendez-vous dans un lieu où je n'ai encore jamais été ?

Vous pouvez informer Amy ou Andrew d'organiser le rendez-vous tout en laissant la question du lieu en suspens. Il vous suffit par exemple d'ajouter la mention "TBD" (to be decided, ndlr). D'une manière générale, il est important d'être précis car l'intelligence artificielle ne fait pas de magie: si vous ne savez pas ce que vous voulez, votre assistant ne pourra pas le deviner à votre place. Les ordinateurs n'aiment pas l'ambiguïté. Par exemple, une phrase comme "je veux vous rencontrer en décembre" est claire, à l'inverse de "j'aimerais vous voir la prochaine fois que vous serez aux Etats-Unis" qui manque de précision. Dans ce cas, le robot peut rencontrer des difficultés à comprendre ce que vous voulez.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le job des AI interaction designers ?

"L'objectif de X.ai n'est pas de faire croire que nos assistants sont humains"

C'est un poste que nous avons créé. Ils sont au nombre de deux et travaillent en étroite collaboration avec plusieurs data scientists. Leur rôle est d'identifier et d'intégrer des réactions d'empathie. En clair, de concevoir les échanges et de les rendre plus humains. Prenons un exemple concret : imaginons que je demande à Amy de vous contacter pour prendre rendez-vous avec vous mais que vous ne répondiez pas. A quelle fréquence doit-elle vous relancer pour ne pas paraître impolie ? Que doit-elle écrire ? Pour la première relance Amy se montrera probablement décontractée, la seconde sera un peu plus affirmative et la troisième sans doute plus ferme car, la date du rendez-vous approchant, Amy a besoin d'une réponse. Il s'agit donc d'intégrer de l'empathie dans ces conversations.

Ce qui semble fonctionner car beaucoup de personnes continuent de prendre ces robots pour de vrais assistants...

Oui, cela arrive fréquemment, même si il est clairement spécifié dans la signature email de ces assistants qu'il s'agit de robots. Des gens ont même envoyé des cadeaux à nos assistants. Bouteilles de whisky, boîtes de chocolat, fleurs… Nous avons presque déjà tout reçu à notre bureau ! Pour l'anecdote, des hommes ont même proposé des rendez-vous à Amy ! Toutefois, il est important de préciser que l'objectif de X.ai n'est pas de faire croire que nos assistants sont humains, mais plutôt de montrer que notre technologie fonctionne aussi bien que si un vrai assistant avait fait le travail.

Quel est le profil de vos utilisateurs ? Comptez-vous des CEO de grandes entreprises parmi vos clients ?

Si je ne peux pas donner de noms, je peux vous confirmer que plusieurs grands dirigeants préfèrent utiliser notre service qu'une assistante, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que vous n'avez plus besoin de rechercher, recruter puis former un assistant. D'autant que si celui-ci démissionne, un jour il vous faudra recommencer tout ce processus. Aussi parce que vous pouvez demander quelque chose à Amy à 3h du matin ou même modifier un rendez-vous quatre fois d'affilée sans vous sentir coupable. Vous n'avez pas cet aspect émotionnel avec un robot. Nous avons également beaucoup d'employés de grandes entreprises technologiques de la Silicon Valley qui utilisent nos assistants. Ces derniers font ainsi un travail d'évangélisation pour notre service auprès du reste de leur entreprise.

Comment monétisez-vous le service ?

Notre modèle est celui de l'abonnement. Pour 17 dollars par mois, nos robots peuvent organiser autant de rendez-vous que vous le souhaitez. Nous avons également une offre pour les entreprises qui leur permet par exemple de personnaliser l'adresse email de nos assistants avec un autre nom de domaine.

L'entreprise réalise-t-elle des profits?

"Nous voudrions que le contact avec nos assistants puissent se faire via Slack, Sms, Amazon Echo, etc." 

Non. Nous avons passé les trois premières années à faire de la recherche et développement. Pendant cette période, nous n'avons pas cherché à acquérir de clients ou à générer du chiffre d'affaires. Nous avons commencé à commercialiser notre technologie seulement depuis ce début d'année. L'entreprise pourrait être rentable, mais cela se ferait au détriment de notre croissance. Or, notre objectif est de devenir l'acteur dominant du secteur de la prise de rendez-vous. Pour y parvenir, nous voulons croître aussi vite que nous le pouvons, ce qui implique de réinvestir nos revenus dans notre croissance.

Avez-vous prévu d'intégrer votre technologie dans d'autres terminaux, notamment des assistants vocaux comme Google Home ou Amazon Echo ?

Pour l'instant notre technologie fonctionne uniquement avec les e-mails. Nous travaillons actuellement sur des prototypes. Si nous avons choisi de commencer avec les emails, c'est parce que la plupart des rendez-vous sont aujourd'hui organisés suite à des échanges emails. Mais à l'avenir, nous voudrions que nos clients soient capables de s'adresser à leur assistant à tout moment, que ce soit via Slack, SMS, Amazon Echo

Quels sont vos objectifs pour la suite ? Une nouvelle levée de fonds est-elle prévue?

Nous avons levé au total plus de 40 millions de dollars. Lorsque nous aurons accompli tous nos objectifs pour cette année, il y a de fortes de chances que nous levions une série C. Notre objectif est de rendre nos assistants disponibles dans plusieurs langues (X.ai est disponible uniquement en anglais, ndlr) et accessibles via différents canaux de communication. Enfin nous voudrions également intégrer notre technologie dans d'autres services. Par exemple, votre assistant pourrait vous commander un Uber pour votre rendez-vous en centre-ville, ou bien vous réserver une table dans un restaurant japonais. Pour réaliser ces trois grandes prochaines étapes, nous lèverons sans doute des fonds en 2019.

Un service comme X.ai ne risque-t-il pas de mettre des secrétaires et assistants humains au chômage ?

Je pense qu'il existe deux types de services utilisant l'intelligence artificielle : ceux qui essaient de remplacer l'humain en reproduisant ce que les hommes font, et ceux qui essaient de démocratiser des services autrefois réservés à une poignée. Nous faisons partie de cette deuxième catégorie. Aux US, près de 10 milliards de rendez-vous sont organisés chaque année pour une population de 90 millions de travailleurs. Moins de 0,1% de ces rendez-vous sont organisés par des assistants ! Ce chiffre montre que la très grande majorité des travailleurs gèrent eux-mêmes leur emploi du temps. Bénéficier d'un assistant est en effet presque un luxe. Notre objectif est de démocratiser l'accès à un assistant personnel pour le plus grand nombre.

Dennis Mortensen est le fondateur et CEO de X.ai, une start-up qui utilise l'intelligence artificielle pour s'attaquer au problème de la prise de rendez-vous. Avant cela, il avait fondé et dirigé plusieurs entreprises parmi lesquelles Canvas Interactive, Evonax, ou encore Visual Revenue. D'origine Danoise, il réside actuellement à New York, où est basée son entreprise.