Internet est-il le fossoyeur
de l'édition traditionnelle ? La question est fréquente
et taraude nombre d'auteurs et d'éditeurs... Pourtant
des sites comme Alteredit ou Publibook semblent aujourd'hui
tirer leur épingle du "jeu de massacre" que
prévoyaient les plus pessimistes en la matière.
Décidés à rendre l'édition "papier"
accessible à de nouveaux auteurs et à permettre
à d'autres de voir leurs écrits ré-édités,
ils ont choisi le Web.
Alteredit.com
, "site des lecteurs et des auteurs" lancé
mi-septembre, part du constat qu'environ 100.000 manuscrits
sont refusés par les éditeurs français
chaque année. "Les gros éditeurs reçoivent
6 à 10.000 manuscrits par an... et ils en lisent 50
à 100" précise même Fabrice de Rotrou,
fondateur de la société. Avec deux collaborateurs,
celui-ci a donc décidé de proposer un double
service par l'intermédiaire de son site Web. D'abord,
"nous sommes éditeurs, donc contrairement aux
autres nous ne publions pas tout, affirme-t-il, mais "nous
sommes la première marche de l'édition".
Après sélection, donc, Alteredit permet aux
auteurs rencontrant un certain succès de les mettre
en relation avec une maison d'édition traditionnelle
qui prendra le relais. C'est ce que Fabrice de Rotrou appelle,
"dans un second temps, jouer le rôle d'agent littéraire".
Les services aux auteurs d'Alteredit sont commercialisés
en cinq Packs. Le Pack 1, par exemple, comprend la correction
des fautes et coquilles, la mise en page et l'édition
papier (avec numéro ISBN) au prix de 450 francs pour
200 pages. Ce contrat avantageux n'oblige l'auteur à
céder que les droits de commercialisation et de distribution
à Alteredit, qui a ainsi tout intérêt
à dénicher de véritables talents et à
les voir diffuser par les grands éditeurs traditionnels
ensuite. Par contre, l'écrivain conserve ses droits
d'auteur, qui sont fixés au taux également avantageux
de 20% chez Alteredit et qu'il pourra négocier par
la suite auprès d'un éventuel grand éditeur.
Côté lecteurs, le site propose bien entendu l'achat
en ligne via le système Télécommerce
(de France Télécom) des livres édités
par la société. Par ailleurs, les lecteurs sont
directement confrontés aux auteurs car ces derniers
sont invités à produire du contenu rédactionnel
pour le site et à y consulter les commentaires de leurs
lecteurs. Le prix des livres se révèle lui aussi
très abordable, à raison de 60 francs pour un
ouvrage de 200 pages par exemple.
La SARL G. de Rotrou changera
de forme juridique en janvier 2001 et s'appellera Alteredit
SA. Le site, quant à lui, aura alors droit à
une refonte. Et ce, "dans la perspective d'une imminente
levée de 2 millions de francs", indique Fabrice
de Rotrou, confiant. Pour l'heure, le site n'emploie que trois
personnes jusqu'à l'embauche prévue d'une personne
chargée de la recherche d'auteurs. Il est hébergé
chez France Internet et a été conçu par
la Web-agency Daylight.
La rentabilité n'étant prévue que pour
2002, Alteredit étudie encore de loin les possibilités
d'internationalisation en Europe francophone puis dans les
pays anglophones.
Publibook,
bien que l'on affirme des deux côtés que la concurrence
n'est pas tout à fait frontale, adopte -depuis juin
2000 soit à peine plus longtemps- un positionnement
similaire. La société, fondée par Jacques
Boucher avec trois sur douze de ses actuels collaborateurs,
propose aux auteurs de "s'abonner à une prestation
de services", selon les mots du président. Pour
une mise de départ de 490 francs, l'écrivain
touchera 18% des ventes au format papier et 38% pour la version
électronique, également en vente sur le site.
L'ouvrage coûte environ 70 francs en moyenne et demeure
donc accessible aux lecteurs internautes. "Un éditeur
fait payer la promotion et la diffusion. Nous ne faisons payer
les auteurs que si eux-mêmes gagnent de l'argent",
précise Jacques Boucher. Interrogé sur ses rapports
de concurrence avec les maisons d'édition traditionnelle,
le président rétorque : "ils ne veulent
pas court-circuiter le réseau de distribution".
Pour son lancement, la société a reçu
3 millions de francs de son incubateur, Republic Alley. Dès
lors, elle s'offre une campagne de communication à
base de parrainage, de partenariats mais aussi, et surtout,
fondée sur le sponsoring de l'émission littéraire
"Vol de Nuit", présentée par Patrick
Poivre d'Arvor. Aussi Publibook.com affirme avoir déjà
vendu 1.200 ouvrages et recevoir 5 à 10 manuscrits
par jour. Les droits d'auteurs sont protégés
sous la forme de l'IDDN (système international de protection
des droits d'auteurs sur les oeuvres numériques). Bien
sûr, les frais d'impression, "de 10 à 20
francs pour 150 pages", nous dit-on, sont à la
charge de l'éditeur-distributeur.
En janvier 2001, la société
prévoit d'atteindre la rentabilité et planifie
une seconde levée de fonds. A signaler, au crédit
d'Alteredit qui vise un positionnement plus "select"
que Publibook : un article du journal Le Monde affirmait
que la société publierait "tous les manuscrits
qui lui seront soumis à condition que le contenu ne
soit pas illégal". En effet, selon Jacques Boucher,
"seuls cinq manuscrits ont été refusés
jusqu'à présent".
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