Boursorama, Chapitre, Immostreet,
Jobfinance, Yahoo... Depuis quelques mois, la liste
des acteurs Internet qui ont choisi de prendre pied
sur le Minitel s'est sérieusement allongée.
Raison invoquée pour cette transhumance électronique :
la recherche du modèle payant, alors que le financement
par l'e-publicité montre des signes de faiblesse.
Du côté de France Télécom,
on observe avec un certain bonheur cette déclinaison
montante des "www" en "3615". A
peine bon à figurer dans la rubrique antiquités
d'iBazar début 2000, le Minitel -et ses 15 millions
d'utilisateurs payants- devient désormais un
canal tentant pour tout portail français qui
se respecte. "Mais il ne faut pas croire au miracle,
tempère d'entrée Olivier Bon, directeur
des Kiosques
Minitel et Internet de France
Télécom. Pour générer du trafic sur Minitel,
il faut du temps et de la volonté."
Le
retour en force du 3615 chez les vépécistes
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Créée
en décembre 2000, la structure "Kiosques"
de France Télécom centralise les supports
commerciaux et techniques destinés aux éditeurs
qui souhaitent s'installer sur l'Audiotel et le Minitel.
Sur le volet télématique, la structure
gère environ 7 000 fournisseurs pour 16 000
services (chaque adresse 36XX), soit 8 milliards de
francs de recettes annelles à la clef. Parmi
ces fournisseurs, figurent des poids lourds du Minitel
qui, à leur manière, se rééduquent sur
les avantages du 3615. "La vague Internet a été
si forte que des éditeurs historiques du Minitel,
comme les vépécistes, se sont mis à
communiquer uniquement sur leur adresse Web, explique
Olivier Bon. Aujourd'hui, ils mesurent le caractère
excessif de cette stratégie et remettent en avant
leur service Minitel. Ils ont compris que leur cible
marketing, souvent au-dessus de 50 ans, est bien plus
équipée en Minitel qu'en PC..." Chez
les vépécistes du Nord on murmure ainsi
que le 3615 et le numéro de téléphone
du call-center pourraient bien reprendre leur position
prédominante dans le prochain catalogue, juste
au-dessus du "www". Sur les chaînes
télévisées, la rentrée pourrait
également être marquée par la mise
en retrait du ".com" au profit des canaux
téléphoniques, bien plus rémunérateurs.
En
marge de ces vieux routiers, un temps amnésiques,
une quinzaine de "pure-players" Internet ont
fait le chemin inverse en s'appuyant sur l'offre "Et
Hop Minitel !" de france Télécom.
A l'instar des émulateurs Wap, cette solution
permet aux sites de traduire leur contenu sur Minitel,
en temps réel, et sans réinventer la roue.
"En quelques jours de développement, l'éditeur
peut ainsi proposer ses services sur Minitel, souligne
Olivier Bon. Mais il est nécessaire d'opérer
en amont une sélection des services à
traduire. Sur Minitel, il faut aller à l'essentiel
et se débarrasser des images." Aux dires
de France Télécom, les coûts d'une
telle opération de transfert seraient "30
à 50% moins chers" que pour la création
d'un service Minitel ex nihilo et seraient "amortissables
sur une période allant de 12 à 24 mois".
Le libraire en ligne Chapitre.com a ainsi investi l'année
dernière un peu moins de 70 000 francs pour
se lancer sur Minitel.
Quelques
dizaines de connexions par jour
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Au
même titre que les PDA ou le Wap, le Minitel s'intègre
en fait comme un support (certes payant) parmi d'autres.
La stratégie du modèle payant passe par
une approche multimodale. Chez France Télécom,
on préfère parler diversification. "Les
sites ont désormais compris que pour eux le Minitel
était un support satellite, le Web restant l'axe
central. Dans cette logique, la télématique
trouve sa place selon deux principes : la continuité
de service, comme le 3615 Yahoo qui permet de consulter
ses mails, ou la valeur ajoutée, comme le 3615
Boursorama qui offre une consultation des cours en temps
réel contrairement au site qui a un décalage
de 15 minutes." Les audiences au rendez-vous pour
ces "sites Minitel" démontrent d'ailleurs
que la déclinaison télématique
est loin de la déferlante espérée :
souvent quelques dizaines de connexions par jour qui
rapportent entre 15 et 37 francs de l'heure aux éditeurs
(pour des tarifs utilisateurs variant entre 0,84 et
1,28 franc la minute).
Le
Minitel, dans la quête du modèle payant,
n'est donc qu'un moyen supplémentaire qui offre
surtout aux éditeurs la possibilité de
se roder à une future déclinaison multi-supports
de leur contenu (télévision interactive,
UMTS, GPRS...). Quid alors des répercussions
financières attendues chez les acteurs Internet ?
Conscient du problème, France Télécom
a mis au point, en parallèle, deux autres services
annexes. Mais avec une logique inverse : faire
payer les internautes tout en restant sur la Toile.
La première offre de micro-paiement, baptisée
w-Ha, s'adresse aux services en ligne, généralement
téléchargeables, à faible valeur
ajoutée (moins de 15 euros). Elle permet de facturer
à la carte des services en relais avec des FAI
ou des opérateurs (Wanadoo, Orange et Club Internet
s'en servent déjà). Pour commander, l'internaute
doit cliquer sur le logo w-Ha. Il retrouvera par la
suite le montant de cet achat dans la facture mensuelle
de son FAI ou de son opérateur. Un système
qui contourne la barrière psychologique de la
saisie en ligne du numéro de carte bancaire.
Du
micro-paiement au kit de connexion
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Mais
pour monter en gamme sur les montants possibles, au-delà
de 15 euros, France Télécom s'apprête
à lancer une deuxième offre prénommée
Ava (Aire à valeur ajoutée) directement
inspirée des systèmes déjà
déployés par les sites adultes. Car si
le prélévement passe ici aussi par la
facture téléphonique, le système
s'appuie en revanche sur un paiement au temps. "Il
s'agit d'un kit de connexion grâce auquel l'internaute
a accès à des services via un numéro
payant, explique Olvier Bon. Ava permet donc aux éditeurs
de rentabiliser des zones sur un site comprenant des
services en ligne à forte valeur ajoutée".
Dans
la lignée du Minitel, ces offres devraient en
tout cas faire réagir une autre catégorie
d'acteurs de la longue chaîne du paiement en ligne
: les banques. Celles-ci, encore embourbées dans
l'image funeste de la carte bancaire sur le Web, voient
en effet d'un mauvais oeil l'action de grignotage enclenchée
par les opérateurs et les FAI sur le marché
de l'Internet payant. Bien décidées à
en découdre, la plupart des banques travaillent
donc aujourd'hui sur leur propre solution de micro-paiement.
A l'image de l'accord signé en avril dernier
entre Banque Directe et MinutePay afin de proposer un
paiement par mail à l'aide d'un compte virtuel.
Mais un problème menace tous ces prétendants
de l'Internet payant : l'internaute se sentira-t-il
plus rassuré sur la Toile si coexistent des dizaines
de solutions différentes de paiement en ligne ?
Pas
sûr.
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