En matière de fiscalité
e-commerce, la tension était montante des deux
côtés de l'Atlantique depuis le 13 décembre
dernier. Les ministres européens avaient alors
approuvé une directive visant à obliger
les sociétés situées en dehors
de l'Union à percevoir et à reverser la
TVA, à laquelle est assujetti l'acheteur, sur
les "biens et services immatériels"
vendus via Internet. Une bascule complète par
rapport au système actuellement en vigueur en
Europe qui n'oblige pas les entreprises implantées
en dehors Union à appliquer une quelconque TVA.
Tout au long du mois
de janvier, ce projet de directive européenne,
jugé protectionniste, a violemment fait réagir
l'administration Bush.
Hier,
malgré le bras de fer engagé par les Etats-Unis,
cette directive a finalement été entérinée
par les ministres des Finances européens. Le
texte devra désormais passer devant le Parlement
Européen pour une ratification finale avant d'entrer
en application, probablement en 2003. Sur le plan légal,
la portée de cette directive européenne
se limite aux produits et services immatériels
vendus en ligne comme, par exemple, les téléchargements
de logiciels, de musique ou de vidéo mais aussi
le "pay-per-view" ou les jeux en ligne payants.
"La directive couvre également la notion
de services vendus en ligne, précise Thibault
Verbiest, avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris
et spécialiste du droit en commerce électronique.
Or c'est un champ d'application très important :
dans le système actuel, un prestataire américain
peut proposer à un particulier européen
de lui créer et d'héberger un site avec,
à la clef, une facture sans TVA. Les prestataires
européens se retrouvent donc lésés."
Afin de corriger cette distorsion
concurrentielle, l'Union Européenne a choisi
de s'appuyer sur le vendeur. La directive prévoit
que la taxe applicable est désormais celle du
pays de résidence de l'acheteur, le reversement
en revenant au site marchand ou au prestataire. Un site
espagnol vendant un fichier MP3 à un internaute
allemand devra donc appliquer, et reverser, le niveau
de TVA en vigueur Outre-Rhin. De même, les sites
américains, jusqu'alors exemptés, devront
appliquer une TVA locale dès qu'ils marchandent
avec un internaute européen. Une mesure que dénonce
l'administration Bush, notamment en raison de la variété
des niveaux de TVA européens qui s'étalent
entre 15 % (Luxembourg) et 25 % (Suède).
"Il ne faut pas voir le mal partout, ponctue Thibault
Verbiest, Comme beaucoup de directives européennes,
la volonté affichée est aussi de pousser
à l'harmonisation fiscale. Ce texte suit en partie
cet esprit."
En revanche, pour les produits
"physiques" commandés sur Internet,
à l'instar des CD ou des DVD, le régime
européen qui régit la TVA reste identique.
Fiscalement, un internaute européen achetant
un disque sur un site américain est, en principe,
directement responsable du reversement de la TVA, à
hauteur du prélèvement en vigueur dans
son pays de résidence. "Mais en pratique,
souligne Thibault Verbiest, face aux flots de colis
qui transitent chaque jour dans le monde, ce reversement
apparaît plus qu'aléatoire, les autorités
disposant de peu de moyens de contrôle."
Une chose est sûre
: cette directive sur les produits immatériels
trouve ses racines dans la politique protectionniste
menait aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis. Par extension,
le nouveau texte va permettre aux sociétés
européennes de vendre leurs produits ou leurs
services en dehors de l'Union sans appliquer de TVA,
le régime fiscal de l'acheteur faisant référence.
Une nouvelle donne qui devrait permettre aux européens
de compenser l'absence de TVA dont bénéficient
les sites américains sur les produits physiques
vendus en ligne. "Le commerce électronique
est un marché qui se structure peu à peu
et sur lequel chaque force en présence joue sa
propre carte, résume Thibault Verbiest. Les Etats-Unis,
en défiscalisant le e-commerce, permettent à
leurs entreprises d'afficher des tarifs très
compétitifs face aux acteurs étrangers.
Cette directive permet de compenser cet avantage sur
un autre front." Un parfum d'OMC flotte déjà
dans le commerce électronique.
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