(Article modifié
le 16/05/02) Grande distribution, automobile ou
haut débit, les recettes commerciales du succès
restent les mêmes : des prix attractifs,
un service séduisant, disponible partout. Oui,
mais... Il y a ceux qui appliquent la leçon et
ceux qui, faute d'univers concurrentiel, la négligent.
A ce petit jeu, selon
le rapport annuel Point Topic sur le marché de
l'ADSL, la zone Asie-Pacifique fait figure de bon élève
avec un total 7,948 millions d'abonnés. Un record.
Pour
la France et l'Europe, c'est une autre paire de manches.
Avec ses 4,245 millions d'abonnés ADSL, le Vieux
Continent est une terre de contrastes en matière
de haut débit téléphonique. Si
certains pays comme le Danemark, la Belgique et l'Allemagne
figurent parmi les "success stories" de l'ADSL,
le gros des troupes européennes, à l'image
de la France, se retrouve englué dans des marchés
aux mensurations balbutiantes. Une simple comparaison
permet de traduire le décalage : tandis que la
Corée du Sud caracole en tête avec un taux
de pénétration de l'ADSL de 10,95%, la
France plafonne à 0,71%, soit la dix-neuvième
place mondiale. Le meilleur pays européen, le
Danemark, situé à la cinquième
place mondiale, enregistre un taux de pénétration
de 2,85%.
Classement
européen des taux de pénétration
ADSL
(source Point Topic - janvier 2002)
|
Pays |
Taux
de pénétration ADSL
(en
%)
|
Nombre d'abonnés ADSL
(en
million)
|
Danemark |
2,85
|
0,152
|
Belgique |
2,76
|
0,280
|
Suède |
2,18
|
0,194
|
Allemagne |
2,23
|
1,837
|
Autriche |
1,41
|
0,115
|
Norvège |
1,16
|
0,050
|
Espagne |
0,95
|
0,376
|
Pays-Bas |
0,92
|
0,146
|
France |
0,71
|
0,430
|
Italie |
0,67
|
0,390
|
Suisse |
0,56
|
0,040
|
Luxembourg |
0,45
|
0,002
|
Royaume-Uni |
0,24
|
0,142
|
Portugal |
0,02
|
0,002
|
Le
poids des opérateurs historiques européens
|
Pourquoi un tel écart
entre l'Asie et l'Europe ? Face à une dérégulation
du secteur des télécoms qui patine, tous
les pays européens, ou presque, affichent un
point commun : le poids prédominant des
opérateurs historiques. Selon Point Topic, 88,1%
du marché européen de l'ADSL serait détenu
directement par les opérateurs nationaux. Le
reste du marché se partage entre des offres FAI
basées sur la vente en gros de trafic ADSL par
les opérateurs historiques (8,9%) et quelques
offres d'accès réellement développées
à partir du dégroupage (3,1%, essentiellement
en Allemagne et au Danemark). La situation que doit
affronter Korea Telecom en Corée du Sud
est bien différente. Sur un marché national
total de 5,17 millions d'abonnés ADSL, l'opérateur
ne capte "que" 3,34 millions d'abonnés,
1,8 million partant à la concurrence.
Cette prédominance
des opérateurs historiques sur le marché
européen, estime le rapport, ne favorise pas
la pression concurrentielle. Donc, une guerre des prix.
Certes Deutsche Telekom et Belgacom se
sont montrés plus véloces en attaquant
le marché avec des tarifs davantage accessibles,
inférieurs à 45 dollars par mois. Mais
ces exceptions confirment la règle :
alors que les
opérateurs asiatiques ont largement dopé
leur marché ADSL avec des abonnements planchers
(entre 20 et 40 dollars par mois), les européens
continuent d'afficher des tarifs mensuels situés
dans la fourchette des 40-75 dollars.
Des
offres ADSL encore trop chères
|
Au classement mondial des
tarifs pratiqués par les quatorze principaux
opérateurs ADSL, France Télécom
arrive en dixième position avec un coût
mensuel de base de 50,88 dollars, coût d'installation
et coût matériel compris. Tout comme Telefonica,
Telecom Italia et BT, l'opérateur
historique français se caractérise par
des coûts d'installation (ou d'acquisition du
pack d'abonnement) supérieurs à 130 dollars
(soit environ 140 euros). De quoi rebuter l'internaute
qui vient, en plus, de s'offrir un ordinateur pour faire
ses premiers pas dans le cyber-monde... Et
pourtant, ces mêmes opérateurs européens,
lorsqu'ils sont soumis à une pression concurentielle,
sont capables de faire des étincelles. Le marché
de la téléphonie mobile, sur lequel la
France affichait en 1998 un retard initial, a été
largement soutenu par la surenchère sur les packs
GSM gratuits.
Comparaison
des tarifs ADSL de base pratiqués
par les principaux opérateurs
(source Point Topic - janvier 2002)
|
Pays |
Opérateur |
Coût
d'installation
(en
dollars)
|
Coût
matériel (en
dollars)
|
Coût
global par mois*
(en
dollars)
|
Débit
(en
Kbits)
|
Japon |
Yahoo
Japan |
68,64
|
0,00
|
23,50
|
2 000
|
Canada |
Bell
Canada |
15,75
|
0,00
|
29,64
|
1 000
|
Corée
du Sud |
Korea
Telecom |
0,00
|
0,00
|
31,29
|
2 000
|
Taïwan |
Chunghwa |
48,65
|
0,00
|
41,23
|
512
|
Belgique |
Belgacom |
16,67
|
78,07
|
42,58
|
750
|
Allemagne |
Deutsche
Telekom |
45,24
|
0,00
|
43,23
|
768
|
Italie |
Telecom
Italia |
135,79
|
0,00
|
46,36
|
256
|
Japon |
NTT |
29,91
|
0,00
|
47,35
|
--
|
Etats-Unis |
Verizon
|
0,00
|
0,00
|
49,95
|
768
|
France |
France
Télécom |
132,39
|
0,00
|
50,88
|
500
|
Etats-Unis |
SBC |
50,00
|
0,00
|
54,12
|
768
|
Pays-Bas |
KPN |
29,85
|
122,81
|
56,73
|
512
|
Royaume-Uni |
BT |
91,81
|
120,06
|
60,01
|
500
|
Espagne |
Telefonica |
134,44
|
0,00
|
76,98
|
512
|
* : Le coût global
par mois correspond à l'abonnement mensuel auquel
s'ajoutent le coût d'installation et le coût
matériel amortis sur une période de 12
mois.
Les succès du Japon
(1,510 million d'abonnés en plus en un an) et
de la Corée du Sud sur l'ADSL, construits sur
des abonnements aux prix attractifs (23,50 et 31,39
dollars par mois), confirment le rôle essentiel
de la tarification dans l'essor du haut débit.
Depuis la réalisation
du classement Point Topic, effectué en début
d'année, le message semble avoir été
reçu -pour partie- chez France Télécom.
Sous la pression commerciale de Club-Internet, qui offre
le modem haut débit à ses nouveaux abonnés,
Wanadoo a réduit en février dernier
de 45 euros le prix de son pack ADSL, soit un nouveau
coût global mensuel de 47,92 en dollars constants.
Un tarif qui permet à France Télécom
de décrocher la neuvième place du classement,
derrière NTT.
Mais le différentiel
tarifaire entre l'Asie et l'Europe masque une autre
problématique : celle de la qualité
de l'offre. Yahoo Japan et Korea Telecom,
qui ont noué des partenariats très forts
avec leurs équimentiers télécoms
(tant sur les coûts que sur les technologies),
commercialisent des débits de base de 2 Mbits.
En Europe, les offres de base proposent des flux compris
entre 256 et 768 Kbits. Telecom Italia, BT
et France Télécom ferment ici la
marche avec des offres d'entrée de gamme à
256 et 500 Kbits. Si ces débits permettent aux
abonnés de se libérer de la lenteur du
modem téléphonique, ils n'offrent pas,
contrairement à l'Asie, un fort potentiel de
consommation des contenus multimédias (musique,
vidéo, streming...). Pourtant, cette même
consommation multimédia est en Asie la meilleure
publicité pour le développement commercial
de l'ADSL.
60 %
du territoire couvert
|
Autre aspect que soulève
le rapport Point Topic : la couverture ADSL. Tandis
que le Danemark, la Belgique ou l'Allemagne affichent
des taux de pénétration ADSL tous supérieurs
à 2 % (lire les classements
mondiaux), la France apparaît en
très net retrait avec 430 000 abonnés
au début de l'année. Or, au plan européen,
France Télécom se classe parmi
les retardataires en matière de déploiement
ADSL. Fin 2001, l'opérateur disposait d'un taux
de couverture national de 60 %. Une performance
bien en-dessous de Deutsche Telekom ou de Belgacom
qui sont à 90 % et plus.
Comparaison
des taux de couverture ADSL des opérateurs
européens
(source Point Topic - fin 2001)
|
Pays |
Opérateur |
Date
de lancement de l'offre
|
Taux
de couverture ADSL sur le réseau
|
Nombre
de lignes ADSL déployées
|
Belgique |
Belgacom |
T2
1999
|
92 %
|
5,142
|
Allemagne |
Deutsche
Telekom |
T2
1999
|
90 %
|
48,500
|
Espagne |
Telefonica |
T3
1999
|
88 %
|
16,480
|
Danemark |
Tele
Danmark |
T4
1999
|
83 %
|
3,638
|
Italie |
Telecom
Italia |
T1
2000
|
80 %
|
26,506
|
Royaume-Uni |
BT |
T2
2000
|
70 %
|
33,750
|
Autriche |
Telekom
Austria |
T4
1999
|
70 %
|
3,863
|
Suède |
Telia |
T2
1999
|
70 %
|
5,889
|
France |
France
Télécom |
T4
1999
|
60 %
|
34,100
|
Pays-Bas |
KPN |
T4
1999
|
55 %
|
9,610
|
Tarifs, niveau de débit,
taux de couverture... L'opérateur français
a encore du pain sur la planche. L'année dernière,
pendant que Deutsche Telekom enregistrait une croissance
de 900 % de son nombre d'abonnés ADSL, France
Télécom affichait une progression de 590 %
(Ndlr : et non pas, après vérification
des chiffres officiels, 64 % comme précédemment
indiqué). Il y a donc urgence. A terme, c'est
le périmètre même du marché
Internet hexagonal qui est en jeu.
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