Créée
pour affronter la "surenchère sécuritaire"
de l'Internet post-11 septembre, la
Fédération Internet et Libertés
(FIL) est
un assemblage éclectique de particuliers et de
21 associations. Parmi celles-ci, on retrouve des ONG
de défense des libertés individuelles
(Reporters sans Frontières, Privacy International...),
des associations du milieu alternatif (L'Autre Net,
Samizdat.net), et des organisations de consommateurs,
comme la Ligue des Assos Odebi, qui s'est illustrée
avec son appel "Zéro Forum" en juin
dernier. Avec un crédo : défendre le respect
de la confidentialité et les libertés individuelles.
"L'idée
de se réunir trottait dans nos esprits depuis
quelques mois, souligne Sébastien Canevet, président
de la FIL, docteur en droit et maître de conférences
en droit privé à l'Université de
Poitiers. Mais, on s'est décidé à
passer à l'action fin mai, suite à la
demande de révision, présentée
par le Conseil européen, de la Directive européenne
de 1997 sur la protection des données et informations
dans le secteur des télécommunications." Cette
révision, à en croire Reporters Sans Frontières,
permet désormais aux services de police et de
renseignement d'intercepter, de conserver et d'examiner
communications téléphoniques, télécopies, e-mails et
connexions Internet au nom de la lutte anti-terroriste.
Une décision avalisée par la CNIL, que
Sébastien Canevet juge "prudente
mais bien docile", avant d'affirmer que "la
FIL devra être un contre-poids, la CNIL n'ayant
pas rempli son rôle".
Pour
le moment, les membres de la FIL prévoient deux
opérations aux approches "diverses, mais
non contradictoires". Le premier, le "Logstory",
consiste en une campagne de vulgarisation des logs.
Un sujet "à la fois obscur et extrêmement
important", estime Sébastien Canevet, qui
le compare "à la liberté de toute
personne de pouvoir, par exemple, acheter et lire le
journal en toute tranquilité sans avoir à
le déclarer. Ce qui n'est pas le cas lorsqu'on
peut repérer la page qu'elle lit."
L'autre
opération est l'élaboration d'une liste
des FAI "recommandables", sous-entendu ceux
qui ne se plieront pas à la Loi sur la Sécurité
Quotidienne (LSQ) et à la nouvelle Directive
européenne de mai 2002. "L'initiative ne
va pas plaire à tout le monde, se réjouit
Sébastien Canevet. Mais elle traduit une demande
de particuliers de plus en plus intéressés
par les utilisations faites de leurs données
personnelles. La FIL pourra être amenée
à se porter partie civile aux côtés
des citoyens ou exercer des recours auprès du
Conseil d'Etat."
Ces
programmes de sensibilisation, qui sont destinés
en priorité au grand public, visent également
à "éduquer" les députés.
Selon le président de la FIL, " si les spécialistes
comprennent mieux les problèmes de libertés
individuelles, on ne peut pas en dire autant des députés.
Ils raisonnent sur du faux. Les sites pédophiles
ou néonazis existent sur l'Internet, mais à
force de les entendre en parler, on pourrait penser
qu'il n'y a que cela comme problème."
S'il
n'exclut pas une recrudescence du militantisme qu'aurait
déclenché le premier tour des élections
présidentielles, le président de la FIL
remarque surtout que "les citoyens semblent se
prendre davantage en main. Parmi ceux qui ont adhéré
à la FIL, on distingue une part non négligeables
de particuliers qui ne sont pas militants, mais sont
intéressées par le sujet."
L'embryon de fédération espère
le ralliement d'une dizaine d'assocations, pour faire
en sorte, selon les mots de Sébastien Canevet,
qu' "on interdise sur l'Internet comme on interdit
dans la vie réelle". Pas plus.
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