Trente mois après
l'e-krach, pour les poids-lourds du secteur des télécoms,
la très sucrée Nouvelle économie
s'est convertie en addition salée. Michel Bon,
au bout d'un septennat aux commandes de France Télécom
(FT), n'aura finalement pas réussi à sauver
son siège face à ce brutal retournement.
Tout comme Ron Sommer, le président du directoire
de Deutsche Telekom débarqué en juillet
dernier, le PDG de France Télécom n'a
pas pu résister à la soif d'électrochoc
politico-financier. Il a donné sa démission
hier soir à la suite d'un conseil d'administration
de près de quatre heures officialisant des pertes
semestrielles historiques : 12 milliards d'eurs.
En
prenant les rênes de FT le 13 septembre 1995,
Michel Bon hérite d'une structure endettée
à hauteur de 12 milliards d'euros. Sept ans plus
tard, plombée par les dépréciations d'actifs,
la dette atteint les 70 milliards d'euros. Le titre
de l'opérateur, introduit en Bourse en octobre
1997, n'aura pas mieux résisté à
l'éclatement de la "bulle" en perdant
95 % de sa valeur depuis mars 2000.
C'est justement à
partir de mars 2000 que France Télécom
est parti à la conquête des nouveaux univers
télécoms : l'Internet, le mobile et les
infrasctructures.
La
shopping-list Internet de France Télécom/Wanadoo
|
Date |
Opération |
Montant
|
Décembre
1997 |
Reprise
des 35 000 abonnés de MSN France |
--
|
Mai
1998 |
NordNet
(FAI local
/ France) |
--
|
Décembre
1998 |
Euronet
Internet (FAI
/ Belgique) |
--
|
Septembre
1999 |
Alapage
(marchand
/ France) |
50
m€
|
Octobre
2000 |
LinceTelecomunicaciones
(FAI /
Espagne) |
Racheté
à FT par échange d'actions
|
Février
2000 |
Echo
Interactive
(moteur
de recherche) |
--
|
Mars
2000 |
Marcopoly
(marchand
/ France) |
27
m€
|
Juillet
2000 : introduction de Wanadoo sur le Nouveau
Marché
|
Septembre
2000 |
RidingZone
(site consacré
à la glisse / France) |
5
m€
|
Septembre
2000 |
Société
de Numérisation de la Ville (prestataire
/ France) |
--
|
Décembre
2000 |
Freeserve
(FAI / Royaume-Uni) |
2 700
m€
|
Décembre
2000 |
Indice
Multimedia
(annuaires
/ Espagne) |
360
m€
|
Juin
2002 |
MyWeb
(FAI /
Pays-Bas) |
--
|
Juillet
2002 |
ereMas
(FAI /
Espagne) |
255
m€
|
En l'espace de quelques
mois, FT fait main basse sur 28,5 % du capital
de l'opérateur allemand MobilCom (pour 4 milliards
d'euros), acquiert le britannique Orange (pour
50 milliards d'euros) et récupère Equant
pour 5 autres milliards d'euros. En matière d'Internet,
doté de la branche Wanadoo depuis 1995,
France Télécom va également accélérer
la cadence sous la houlette de Nicolas Dufourcq, le
patron des activités online de FT.
Pour Wanadoo, les principales
opérations étaient jusqu'alors le rachat
d'Alapage.com en septembre 1999, pour 50 millions
d'euros, et de Marcopoly en mars 2000, pour 27
millions d'euros. Mais en s'introduisant en Bourse en
juillet 2000, adossé aux lucratives activités
annuaires, Wanadoo réussit à lever 1,94
milliard d'euros. Une manne qui va lui permettre de
partir à la conquête de l'Europe. L'apogée
aura lieu en décembre 2000 avec le rachat du
FAI britannique FreeServe pour 2,7 milliards
d'euros.
Dix-huit mois plus tard,
Wanadoo peut se prévaloir d'une double stature :
celle d'un leader incontesté sur son marché
domestique et d'un challenger de poids sur le plan européen
avec 7,8 millions d'abonnés actifs. La filiale Internet
de FT compte dégager son premier Ebitda consolidé positif
cette année et un résultat net positif en 2003.
Mais ce petit coin de ciel
bleu pour Wanadoo ne masque pas les provisions comptables
nécessaires chez France Télécom
pour rattraper les acquisitions opérées
aux heures folles, notamment dans le mobile. S'y ajoutent
les tensions perceptibles au sein de la maison, à
l'image de la réorganisation en cours dans la
division France Télécom eBusiness, qui pourrait se solder
par la cession de certaines activités. Michel
Bon, deux mois après Jean-Marie Messier, payé
à son tour l'addition de 18 mois de vertige financier.
|