La loi Sarbanes-Oxley,
entrée en vigueur l'été dernier aux Etats-Unis, a considérablement
durci le dispositif juridique concernant la transparence
financière des sociétés cotées. Cette loi taillée
sur mesure par le gouvernement américain fait
évidemment suite aux scandales financiers d'Enron et
de Worldcom.
L'un
des volets de la loi, dont les règles d'application
ont été publiées par la SEC (l'équivalent américain
de la COB), oblige les entreprises cotées à mettre en
place un système permettant aux employés d'effectuer
des témoignages anonymes et confidentiels, concernant
des pratiques d'audit ou comptables qu'ils jugeraient
suspectes.
Concrètement, dans chaque
entreprise cotée, un "Comité d'Audit",
indépendant de la direction, devra fournir aux salariés
d'ici la fin de l'exercice comptable 2003-2004 un Numéro
Vert ou une adresse Web pour permettre de témoigner
de façon confidentielle.
Selon
le Wall Street Journal, des dizaines de sociétés
se sont déjà positionnées sur ce marché de la transmission
anonyme. Certaines sont issues de l'univers de la protection
des données privées. C'est le cas d'Anonymizer, une
société spécialisée à l'origine
dans les logiciels anti-cookies et anti-spam ainsi que
dans les solutions permettant de surfer de façon
anonyme. D'autres
prestataires,
comme Tell the Board,
se sont créés pour répondre au nouveau besoin.
L'entreprise
cotée qui souscrit au service de l'un de ces
prestataires, pour environ 1.000 dollars par an [NDLR
: et non par mois,, comme indiqué précédemment
par erreur), reçoit un identifiant qu'elle doit
transmettre à ses employés. Ceux-ci peuvent ensuite
déposer leurs témoignages en utilisant cet identifiant.
Seuls les responsables du Comité d'Audit de l'entreprise
ont accès aux témoignages.
L'utilisation du Net comme
moyen légal de dénonciation anonyme n'est pas une nouveauté
dans le monde anglo-saxon. Au Royaume-Uni par exemple,
la BSA (Business Software Alliance), l'association de
lutte contre le piratage de logiciels, propose un formulaire
en ligne permettant de dénoncer une entreprise ou un
site vendant ou exploitant des logiciels piratés. La
procédure peut se réaliser en tout anonymat, sauf si
l'auteur de la dénonciation souhaite briguer la récompense
de 10 000 livres offerte par la BSA.
En France, où l'on discute
actuellement d'un projet de loi de sécurité financière
(consacré à la modernisation du contrôle légal des comptes
et au renforcement des règles de transparence pour les
sociétés anonymes), aucun projet de ce type n'est pour
l'instant à l'ordre du jour. Lors de son examen par
la Commission des Lois en avril dernier, Philippe Houillon,
rapporteur pour avis, a notamment souligné que ce projet
de loi n'était pas "une sorte de loi Sarbanes-Oxley
à la française". On pouvait s'y attendre tant le
concept de dénonciation légale n'est pas
perçu de la même manière en France
et aux Etats-Unis.
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