C'est certainement l'un des
enjeux économique et juridique majeur des prochains mois
sur Internet. La protection des marques déposées dans
les programmes de positionnement publicitaire online proposés
par des poids-lourds comme Google et Overture est une
idée qui gagne progressivement du terrain. La semaine
dernière, eBay a annoncé que Google avait accepté de ne
plus vendre le mot-clé "eBay" aux annonceurs de son programme
AdWords. En l'absence de toute jurisprudence, cette décision
pourrait entraîner une multiplication des contentieux,
à l'heure où le secteur des liens promotionnels est l'un
des plus dynamiques et des plus rentables d'Internet.
Par
une demande écrite adressée en juin, eBay a demandé
à Google de ne plus commercialiser dans son programme
Adwords une liste de mots-clés longue de treize pages,
incluant les termes "ebay", "bay", "vente ebay", et
"sites web d'enchères". AdWords propose aux annonceurs
d'enchérir sur des mots-clés qui, lorsqu'ils sont recherchés
par les internautes sur Google et son réseau de sites
partenaires, leur permettent d'apparaître en tant que
liens sponsorisés. Le positionnement dépend du prix
payé par l'annonceur. Or, un annonceur peut très bien
acheter le nom d'un concurrent pour apparaître en meilleur
position que lui dans les résultats.
Face à ces pratiques, la
position officielle de Google est simple : les
annonceurs sont responsables de leurs choix de mots-clés,
d'autant plus que les dépôts et la publication sont
effectués de manière automatique. Le moteur encourage
les marques qui s'estiment victimes d'abus à contacter
directement les annonceurs en cas de litige, mais accepte
de traiter les plaintes qu'il juge "raisonnables". Overture
et Espotting suscitent moins de contestation :
ils ont adopté un contrôle en amont des enchères déposées
sur les mots-clés.
Pour l'instant, le flou
légal qui entoure la responsabilité des moteurs dans
ce type d'affaire favorise le statu quo. Mais de plus
en plus de voix s'élèvent contre les pratiques du secteur,
jugées illégales par des sociétés pour qui la protection
de la marque est essentielle, notamment dans le secteur
du luxe. En tapant Dior sur Google, par exemple, s'affiche
un lien vers un site commercialisant des copies. Dans
ce contexte, la protection des marques devient même
un marché pour les agences marketing, qui proposent
de plus en plus souvent des services de veille afin
d'éviter le "position squatting".
Dans ce contexte, certains
souhaitent voir les marques écartées du
mécanisme des liens promotionnels. Mais l'interdiction
d'utiliser les mots-clés correspondant à des marques
déposées pourrait avoir des répercussions dangereuses
pour les annonceurs de bonne foi. Cette interdiction
poserait un problème dans le cas des marques qui reposent
sur un nom commun. En outre, les sites qui distribuent
des marques déposées pourraient se trouver dans l'impossibilité
de promouvoir leur activité. C'est le cas d'un revendeur
de logiciels destinés à la gestion des ventes sur eBay,
qui a adressé un courrier au département américain de
la Justice. Il estime que l'action du site d'enchères
face à Google est abusive.
Certes, eBay n'est pas
le mieux placé pour donner des leçons. D'une part, le
site annonce lui-même sur Google en utilisant des noms
de marque (Nike, Ericsson, Playstation, Mattel
). D'autre
part, il a mis en place son propre programme publicitaire,
permettant aux vendeurs de mettre en avant leurs objets
placés aux enchères à l'aide de mots-clés. Enfin, même
si ce dernier point est indépendant de sa volonté, eBay
est un canal par lequel sont quotidiennement écoulées
des contrefaçons.
Reste qu'aux Etats-Unis,
les spécialistes considèrent comme imminentes les premières
actions en justice contre les acteurs du positionnement
publicitaire. En France, le premier jugement devrait
être rendu par le TGI de Nanterre mi-septembre. Le procès
oppose le portail Bourse des Vols/Bourse des Voyages
à Google France, accusé de violer la législation sur
les marques.
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