Il ne se passe presque plus
une semaine qui n'apporte son lot d'annonces et de lancements
dans le secteur bouillonnant de la musique en ligne. Vendredi
dernier, CNet Networks annonçait le rachat des actifs
de MP3.com, autrefois précurseur de la distribution gratuite
de musique en ligne. Hier, lundi, c'était au tour d'un
porte-parole de Microsoft de révéler au Wall Street
Journal le lancement d'un service de téléchargement
payant courant 2004. Le distributeur Wal-Mart devrait
quant à lui inaugurer son offre de musique en ligne dès
cette semaine.
Même
s'il faut se méfier des effets d'annonce, les nouveaux
entrants pratiquant allègrement l'intox à l'égard de
leurs concurrents, cette annonce de Microsoft augure
une mise en route proche. D'autant plus que le processus
de recrutement d'un directeur marketing pour ce nouveau
produit a déjà commencé, comme l'indique la présence
d'une annonce sur le site corporate de Microsoft depuis
la semaine dernière. L'annonce précise qu'une des missions
du candidat sera de finaliser le business-plan du service.
Par ailleurs, selon des sources citées par le Wall
Street Journal, les
négociations entre Microsoft et les majors du disque
seraient déjà avancées.
La porte-parole de Microsoft
a laissé entendre que le service de téléchargement serait
accessible depuis le portail MSN. Pour l'instant, MSN
ne dispose d'aucune offre de téléchargement payant.
Le portail est tout juste partenaire de Neurotic Media,
qui permet aux utilisateurs de télécharger gratuitement
une trentaine de titres. En Europe en revanche, et notamment
en France, MSN travaille OD2 et propose aux internautes
une offre payante via la chaîne MSN Music Club. Le portail
affiche également un lien vers le service e-Compil,
édité par Universal Music France.
Avec ce projet, Microsoft
s'attaque à un marché qui frôle la saturation, étant
donné la relative faiblesse de la demande et l'augmentation
rapide de l'offre. En 2003, pas moins de cinq services
de première importance se sont ainsi lancés sur le marché
américain (iTunes, Napster, Musicmatch, Buymusic, et
Musicnow), à la faveur d'un environnement rendu plus
propice grâce à la campagne de la RIAA.
A l'heure actuelle, c'est iTunes, la plate-forme opérée
par le concurrent le plus direct de Microsoft (Apple),
qui mène la danse avec des ventes cumulées de 17 millions
de titres depuis son lancement.
Depuis quelques semaines,
les autres plates-formes commencent elles aussi à avancer
des chiffres, preuve qu'elles remportent plus de succès
qu'auparavant. Malheureusement, ces chiffres sont peu
comparables : il s'agit d'un nombre d'abonnés et
non du nombre total de titres vendus. RealNetworks revendique
ainsi 250 000 abonnés en cumulant ceux de Rhapsody
et de RealOne RadioPass (radio en ligne). MusicNet,
le service d'AOL, revendique pour sa part 150 000
abonnés, MusicMatch 160 000 et eMusic 70 000
selon CNet. On est encore loin des 100 millions d'utilisateurs
estimés des logiciels de téléchargement P2P. Selon un
sondage d'E-Poll, paru en novembre, une majorité d'internautes
américains (52,6 % de l'ensemble des sondés, et
67,4 % des 13-17 ans) considèrent encore que télécharger
de la musique protégée par un copyright n'est pas "mal".
Si Microsoft ne dispose
pas des atouts du "first mover", la société
a d'autres cartes en main pour conquérir des parts de
marché. Tout d'abord, comme pour tous les produits qu'elle
met sur le marché (ce qui lui vaut d'être l'objet d'une
procédure d'enquête pour abus de position dominante
de la part de la Commission européenne), Microsoft peut
se baser sur Windows, son système d'exploitation quasi-omniprésent
sur les PC des internautes. Windows Media Player est
par ailleurs le lecteur multimédia et le format de compression
utilisé par la plupart des sites de téléchargement légaux.
En France, MSN distribue déjà directement de la musique
via ce player. Reste
à savoir à quel prix Microsoft choisira de distribuer
ses morceaux. Alors que les sites lancés dernièrement
se sont tous alignés sur le leader iTunes, la société
de Bill Gates dispose de la puissance nécessaire pour
imposer ses propres règles.
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