ENQUETE 
LCEN : veillée d'armes pour l'e-mailing
Le secteur de l'e-mailing se prépare à mettre ses bases en conformité avec la Loi pour la confiance dans l'économie numérique. 35 à 85 % des adresses e-mails pourraient être perdues.   (20/09/2004)
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 iBase
 Buongiorno France
 Alexis Helcmanocki
Dossier E-mail Marketing

Présentée il y a quelques mois comme un véritable drame par les professionnels de l'e-mailing, et plus largement par les collecteurs d'adresses e-mails, la LCEN (Loi pour la confiance dans l'économie numérique) semble aujourd'hui faire beaucoup de moins vagues. DE prime abord, ce serait même le contraire : la sérénité, voire l'apathie, semble de mise dans les rangs des professionnels, certains allant même jusqu'à dire, à l'instar d'Hakim Benhalima, PDG d'iBase, que "l'effervescence autour du projet de loi n'a réussi qu'à perturber les annonceurs. On a fait vraiment beaucoup de bruit pour pas grand chose."

Alexis Helcmanocki
, PDG de Buongiorno France, voit même une avancée positive dans la LCEN. "La situation des professionnels de l'e-mail marketing dans l'Hexagone n'est pas dramatique, car le spam ne vient pas de France. Nous pensons que la LCEN aura plutôt un impact positif. En imposant la règle du consentement préalable, la 'permission' n'est plus un concept éclairé de stratégie marketing mais une obligation légale qui aura le mérite de clarifier la situation et de donner confiance au marché."

Ce revirement de tendance a de quoi surprendre : la LCEN n'est pas sans conséquence pour les professionnels de l'Internet (lire à ce sujet la tribune juridique de Me Franklin Brousse). La plus immédiate est, comme le rappelle très justement le PDG de Buongiorno France, l'obligation, depuis le 22 juin dernier, de recueillir le consentement direct et préalable des internautes avant toute prospection en ligne. Cette obligation s'applique avant tout aux collecteurs d'adresses. Mais les annonceurs qui louent des bases n'en sont pas exempts et encourent des sanctions pénales s'ils y contreviennent.

Même si cette injonction n'est pas très précise, puisque la loi n'indique pas explicitement le moyen de recueillir cet accord, elle semble d'ores et déjà suivie des faits. "Il y a de moins en moins de formulaires opt-out, assure Stéphane Olaïzola, fondateur de Nextomail.com. Les cases pré-cochées ont été remplacées par des cases non cochées, mais aussi par des boutons 'oui/non', ou encore par des menus déroulants qui sont autant de bons moyens pour recueillir le consentements des internautes". Bref, les professionnels de l'e-mailing seraient donc prêts à affronter l'évolution du cadre législatif.

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 Stéphane Olaïzola
 Edatis

Mais derrière cette apparente sérénité, se cache une tempête sectorielle. Car une autre prescrition de la LCEN est elle, en revanche, nettement moins appliquée à ce jour. Une prescription bien plus lourde de conséquences. Cette mesure enjoint aux propriétaires de fichiers d'adresses e-mails collectées avant le 22 juin, et qui ne répondent pas à la règle de l'opt-in, de recontacter par e-mail, d'ici le 22 décembre prochain, les internautes dont ils ont les coordonnées dans leur base en leur demandant leur accord avant de relancer des opérations de prospection. Au-delà du 22 décembre, les professionnels devront considérer que les personnes n'ayant pas répondu aux mails de confirmation refusent l'utilisation de leurs données personnelles.

Entre 35 et 60 % de perte lors des mises en conformité
Seules les coordonnées de prospects recueillies directement à l'occasion d'une vente ou d'une prestation de service échappent à cette règle. Encore faut-il que l'opération de prospection concerne des produits ou des services analogues à ceux achetés, ce qui restreint considérablement la portée de cette dérogation. Ces dispositions suscitent beaucoup de craintes de la part des collecteurs et des loueurs d'adresses e-mails. Les professionnels de l'e-mailing y voient une menace directe sur leur "capital d'adresses".

Pour Lionel Avot, directeur commercial et marketing d'Edatis, "il reste pour l'instant difficile de mesurer exactement l'impact de cette mesure sur le chiffre d'affaires des loueurs". Alexis Helcmanocki de Buongiorno France ose, lui, une estimation : "selon nos évaluations, une opération de remise en conformité d'une base avec la LCEN présente un taux de succès de 60 % si celle-ci est de bonne qualité, et de 35 % si elle ne l'est pas". Stéphane Olaïzola, fondateur de Nextomail.com, est plus pessimiste et annonce un taux de perte "situé entre 80 et 85 %".

Des chiffres dissuasifs, surtout au regard des risques financiers encourus pour les entreprises. Conséquence : peu de propriétaires de bases se sont déjà lancés dans des opérations de mise en conformité, surtout à l'approche des fêtes de fin d'année, une période clef dans l'activité d'e-mailing. "Tout le monde est dans l'expectative, confirme Lionel Avot d'Edatis. Il n'y a pas encore de réel mouvement : un certain nombre d'éléments de la loi reste flou et nous n'avons toujours pas d'information concernant le décret d'application de la loi. De fait, les principaux acteurs attendent d'avoir plus d'information avant d'agir."

"La prime est à celui qui démarre le plus tôt"
C'est notamment le cas d'Acxiom, né de la fusion entre Claritas et Consodata. Le loueur exploite pour l'instant essentiellement la base de Claritas, dont les adresses sont en opt'in actifs. "Nous ne savons pas encore très bien ce que nous allons faire, avoue Jean-Marc Pichery, directeur marketing Acxiom. Soit nous nous passons de la base de Consodata, qui est en partie en opt-out, soit nous la fusionnons avec celle de Claritas et nous recueillons l'autorisation des personnes dont nous avons l'adresse."

Cet attentisme risque pourtant de coûter très cher aux professionnels de l'e-mailing. L'efficacité des opérations de mise en conformité des bases pourrait très vite se dégrader si tous les acteurs s'y lancent en même temps. Sollicités à outrance, les internautes pourraient saturer et ne plus répondre aux trop nombreux e-mails de confirmation reçus. "Dans ce processus, la prime est à celui qui démarre le plus tôt", martelle Lionel Avot d'Edatis. Mais en attendant ce sprint final, la règle est de ne pas bouger dans les starting-blocks.

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Dossier E-mail Marketing
L'application de la LCEN devrait, au final, se solder par quelques changements structurants pour le secteur. En premier lieu, le volume d'adresses e-mails disponibles dans les bases de données a de forte chance de chuter, et le prix des adresses d'augmenter. "Ce qui ne signifie pas pour autant que les performances de l'e-mailing s'effondreront, soutient Alexis Helcmanocki. Au contraire : dans la mesure où les contacts seront plus qualifiés, les taux de clic et d'ouverture pourraient même être meilleurs." Une thèse qui ne satisfait pas Stéphane Olaïzola pour qui l'e-mailing est déjà en phase de déclin.
Anne-Laure BERANGER, JDN
 
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