Après
dix années passées chez Dégriftour,
Pierre Alzon quitte la présidence du groupe
français, racheté au cours de l'été
2000 par le britannique Lastminute. Concurrence,
conséquences des attentats du 11 septembre,
rachat de Promovacances par Karavel, publicité,
offre produits... Pendant plus d'une heure, Pierre
Alzon a répondu en direct aux questions
des lecteurs du JDNet avant de s'envoler pour
le Pérou.
JDNet
Chat
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Invité
: Pierre Alzon, Président de Dégriftour-Lastminute
France (voir
son parcours) |
Date
: mercredi 24 octobre, 18h-19h05 |
Nombre
de questions posées :
197
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Nombre
de questions retenues : 50 |
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Pierre Alzon :
Bonjour !
Considérez-vous
vraiment la fusion Lastminute-Dégriftour comme
une réussite ?
Une réussite, je ne sais pas, mais une nécessité
c'est sûr. Cela donne les meilleures chances de
réussite dans un marché hyper concurrentiel.
Franchement,
pourquoi quittez-vous Dégriftour ? Ca n'allait
vraiment plus avec vos amis britanniques ?
Avec
les amis britanniques, ça va très bien. Ils sont
même assez tristes de mon départ ! A titre
personnel, j'ai vraiment besoin de me ressourcer
après dix ans de course frénétique.
Cela
représente quoi dix années passées chez Dégriftour ?
Une aventure qui donne le sentiment d'avoir
défriché de nouveaux territoires. C'est à la fois
la maturité du Minitel et toute l'émergence de
l'Internet, avec une expérience à créer au jour
le jour.
Quels
sont vos projets maintenant ?
Décollage pour le Pérou demain 16h40. J'ai
fait voyager plus d'un million de personnes. A
moi d'en profiter :-)
Ne
regrettez-vous pas le temps du Minitel maintenant
que tout le monde passe au payant ?
Le transfert s'est effectué sur 3 ans. Aujourd'hui
le Minitel représente moins de 10% du trafic.
Quel
est le plus beau voyage que vous ayez jamais fait
?
J'espère toujours que c'est le prochain que
je vais faire. Ceci dit, je garde un souvenir
ému de mes plongées aux Comores.
Quel
est le concurrent le plus sérieux de Degritour-Lastminute
?
Il a été racheté hier (mardi 23 octobre, Ndlr)
pour le plus agressif. Pour le plus sérieux, il
me semble que c'est toujours, et encore, Nouvelles
Frontières.
Pourquoi
Dégriftour n'est-il pas entré en Bourse ?
Dégriftour est une marque franco-française.
Son introduction en Bourse aurait probablement
été un succès, mais un gros chèque n'aurait pas
compensé la faiblesse de la marque en dehors de
l'Hexagone. N'oublions pas que la Bourse recherchait
des business plans internationaux. De ce fait,
l'alliance stratégique était la solution la plus
adaptée.
Que
devient Francis Reversé, le fondateur de Dégriftour
?
Il est toujours au conseil de surveillance
et suit les affaires régulièrement.
Après
une telle success-story, vous avez encore des
rêves professionnels ?
Oui toujours, qui s'appuient sur l'expérience
humaine que Dégriftour m'a permis de vivre. Mes
prochains choix seront certainement déterminés
par la passion. En attendant, je fais une vraie
cure de désintoxication de boulot.
L'aventure
de Dégriftour vous a-t-elle rendue riche ? (ou
même un peu riche) ?
Disons qu'elle me permet de ne pas avoir la
pression quotidienne, de devoir "tuer le Mammouth"
pour nourrir ma famille:-).
On
voit les poids lourds américains (Expedia, Travelocity...)
arriver en Europe. Que pensez-vous de leurs stratégies
respectives ? Peuvent-ils faire mal aux e-voyagistes
en place ?
Les américains arrivent mais pas du tout de
manière tonitruante. Au contraire, c'est au travers
de joint-ventures à coûts partagés, donc avec
des canines limées. Ils peuvent néanmoins toujours
faire mal, car il y a toujours de la place pour
quelqu'un de créatif.
Et
depuis les attentats aux USA, pensez-vous que
les gens vont reprendre le goût du voyage ?
Oui, ce n'est qu'une question de temps. Il
n'y a pas de raisons profondes qui empêcheront
les gens de revoyager. Le voyage c'est du loisir,
c'est de l'accessoire. Sa consommation suit le
moral des troupes. Les acteurs en présence doivent
avoir aujourd'hui les reins solides pour tenir
assez longtemps.
Est-ce
le bon moment pour partir à New York ? Autrement
dit, les prix des vols et surtout des hôtels ont-ils
baissé ?
Les prix y sont effectivement très bas et
vous pourrez vous allonger dans l'avion...
Les
35 heures (le début en tout cas) changent-ils
quelque chose à la façon dont les Français consomment
les voyages selon vous ? Bon ou mauvais pour les
voyagistes ?
Il y a des changements ressentis dès l'année
dernière avec la linéarisation de la saisonnalité.
Par ailleurs, le développement des courts séjours
se fait au détriment des forfaits à plus forte
valeur ajoutée. Avoir du temps libre coûte cher.
Le pouvoir d'achat n'a pas augmenté dans la même
proportion que le temps libéré.
A
titre personnel, vous surfez ? Quesl sont vos
sites favoris ?
Caloweb, BDparadisio, Voila, Météo France.....
Un extrait de mes favoris.
Comment
analysez-vous le nouveau couple Promovac-Karavel
?
A titre strictement personnel, je pense que
c'est une erreur.
Que
pensez-vous du site de la SNCF, un des plus consultés
dans le domaine du voyage ?
C'est un des plus consultés, à mon sens, dans
le domaine du transport. Ils devront faire leurs
preuves dans le domaine du voyage.
Sur
le marché du voyage on dit que la menace est surtout
allemande. Vous confirmez ?
Oui, citez plus de trois tour-opérators qui
ne soient pas à capitaux allemands en France aujourd'hui
:-)... Par ailleurs l'Allemagne est une vraie
citadelle pour les opérateurs étrangers.
Pourquoi
le couple Promovac-Karavel est-il une erreur ?
Promovac a choisi un modèle de production
à haut risque avec un pricing très agressif. Dans
ces conditions, la sensibilité au marché est énorme.
Cette stratégie leur a été fatale. D'autre
part, la fidélisation de la clientèle me semble
d'abord drivée par le prix. Encore une fois, à
titre personnel, j'ai peur que Karavel ait beaucoup
de mal à garder la clientèle de Promovac, celle-ci
étant parmi la plus volage du Web. Mais je souhaite
bonne chance à Karavel qui, jusque-là, a fait
un parcours remarquable.
N'avez-vous
pas pensé à vous rallier au Guide du Routard pour
faire un couple "service-contenu" idéal
?
Ca a été étudié plusieurs mois avant le mariage
avec Lastminute.
Lastminute-Dégriftour
est-il le moins cher sur la place ? Merci de nous
répondre franchement ?
Il y a environ 30 personnes dont le métier
est de positionner une offre la plus compétitive
possible. Mais nous nous sommes toujours interdits
de vendre à perte ou bien de vendre des produits
à multiples options. Attention au prix facial,
car les produits sont compliqués à comparer dans
le voyage.
Achetez-vous
aussi vos CD, livres et autres vêtements en ligne
?
CD et livres oui. J'ai vendu ma moto par Internet.
D'ailleurs, j'ai un blouson à vendre... Je le
fais surtout quand je ne suis pas pressé. Mais
j'avoue avoir un réel plaisir à faire des courses
maintenant.
Vous
avez parlé du Pérou comme projet... Mais après
???
Et bien on verra après :-).
Sur
un site de voyage, qu'est-ce qui marche le mieux
? Les billets ? Les séjours ? Les formules ?
Les vols en général. De manière un peu hors
norme, Dégriftour a toujours eu une répartition
équilibrée entre vols, forfaits et hébergements
secs.
Les
enchères en ligne de Nouvelles frontières, vous
en pensez quoi ?
Pour embêter mon ami Michel Bré, nous avions
lancé des contre-enchères en son temps. Aujourd'hui,
nous faisons des enchères aussi, mais ce n'est
pas ça qui fait vivre un site de voyage. Aussi,
je pense que les enchères de NF ont été un extraordinaire
coup promotionnel, mais demeurent prépondérantes
dans le business du site. Et c'est dangereux.
Que
pensez-vous de la stratégie de Go Voyages dans
le vol sec sur Internet ?
Remarquable ! Une vraie spécialité. Des prix,
du stock, un budget technique modéré... Bravo
!
Comment
avez-vous géré la crise Air Liberté avec vos clients
?
Par des contacts très fréquents et très proches
avec les équipes d'Air Liberté pour commercialiser
des vols à départ garanti. Comme nous vendons
en dernière minute, nous avions très peu de gens
ayant réservé sur des vols annulés.
Après
les échecs successifs du club Aquarius d'Air Liberté,
Lofti Belhassime est quand même parvenu à créer
Liberty-Tv ; vous en pensez quoi ? Projet viable
ou non ?
Je pense que Lotfi est une des personne les
plus créatives du tourisme français. Sur le papier,
ça me semble viable et puissant. L'internationalisation
est toujours difficile dans le tourisme, mais
la télévision devrait avoir son heure de gloire.
Croyez-vous
au e-ticket dans l`aérien ?
A fond !
Le
projet Opodo des compagnies européenes vous inquiète-t-il
?
Pas vraiment, car il est très difficile de
rendre compétitif un consortium. Par ailleurs,
depuis le 11 septembre, je pense que les compagnies
aériennes ont d'autres priorités.
Les
offres des voyagistes du Web font-elles du mal
aux agences classiques ? Ou, au fond, ce type
de distribution n'arrange-t-il pas tout le monde
(le Web, c'est les fins de séries - les agences,
c'est le haut de gamme...) ?
C'est l'éternel débat. Je pense que chaque
jour qui passe, la frontière est moins tranchée.
Ce n'est pas un conflit direct. Et ce n'est pas,
non plus, deux mondes à part. Ce qui est sûr,
c'est que les deux mondes sont indispensables,
incontournables et complémentaires. Le succès
à terme est dans l'intégration judicieuse des
deux canaux.
Il
y a eu beaucoup de départs de cadres dirigeants
après la fusion Dégriftour et LastMinute. Comment
expliquez-vous ce phénomène ?
Dirigeants ? Pour moi, il n'y a pas eu de
départ de dirigeants, sauf pour des raisons de
distances, lors du regroupement des équipes sur
Cergy-Pontoise.
Dans
l'univers du voyage, dans quel mesure la plate-forme
techno apporte-t-elle un avantage concurrentiel
?
Toute l'efficacité de l'entreprise dépend
des performances technologiques. Les produits
sont complexes et à géométrie variable. Les références
de dates se comptent par millions et l'efficacité
économique dépend de la capacité du site à capter
tous les détails nécessaires pour assurer le départ
du client en minimisant le travail du back office.
Ce que voit le client en ligne, ce n'est que 25%
du système informatique...
Parmi
les centrales de réservation de voyages,
qui a pris un avantage techno décisif ?
Expedia pour le vol. Personne pour le reste.
Le trafic est un atout considérable pour faire
patienter le client en attendant que de nouvelles
fonctionnalités deviennent opérationnelles.
C'est
possible de travailler dix ans comme un fou et
de bien élever ses (nombreux) enfants ?
Non, c'est pourquoi je fais un pause :-)
Vous
rêviez de faire quoi quand vous étiez petit
?
Pilote de chasse.
Le
profil des clients est-il différent ? Plus ciblé
? Plus jeune ?...
Oui. Plus autonome, plus urbain, un peu plus
jeune, technophile...
L'agence
de voyages en ligne de la SNCF avec Expedia, attendue
pour le mois de novembre prochain, est-elle une
menace pour Lastminutes/Dégriftour ?
Bien sûr, car elle a deux avantages significatifs
: un trafic conséquent et une technologie éprouvée.
A nous d'aller toujours plus vite.
Dernière
minute ! Jacques Maillot est licencié de chez
Nouvelles Frontières. Il part avec un chèque de
300 millions de francs ? et vous ? c'est combien
?
Beaucoup moins que Jacques Maillot :-)
Est-ce
que cela a un sens pour un voyagiste de proposer
de l'éditorial sur son site ? Est-ce consulté
?
Ca a un sens, car le client en veut ; mais
il en consomme peu et c'est le grand paradoxe
que chacun gère différemment.
Pourquoi
n'y a t-il pas davantage d`offres de vols secs
de dernière minute sachant que de nombreuses lignes
ne font pas le plein ?
Justement,
nous sommes aujourd'hui dans une situation où
nous essayons de réguler une chute dramatique
des prix pour un problème conjoncturel alors que
toute l'industrie mettrait des années à s'en remettre.
Sur
quels secteurs arrivez-vous à percer en dehors
des vols secs ?
Les forfaits.
Pourquoi
faîtes-vous de la pub pour Lastminute ? Ne vaut-il
pas mieux capitaliser sur l'image forte de Dégriftour
en France ?
Lastminute est la marque internationale. Elle
se nourrit de la référence Dégriftour en France.
Quel
est l'ordre de grandeur du CA PUB (j`ai bien dit
PUB) des sites de voyagistes ?
Insignifiant. Ce sont des revenus complémentaires.
Quelques MF.
Avez-vous
envie d'investir dans des projets ?
J'ai encore beaucoup d'actions dans Lastminute
:-)
Vous
êtes un grand annonceur, on et offline...
Qu'est-ce qui marche ? De quel(s) campagne/support/technique
êtes-vous le plus satisfait en matière de promotion
?
Offline, j'aime bien les petits encarts presse.
Online, encore et toujours les partenariats du
type Fnac-Dégriftour. Longs à mettre en place,
mais efficaces.
Pensez-vous
à un développement offline pour
améliorer la visibilité de vos marques
(ex : Travelocity qui s'allie à Otto et
qui pense utiliser des Kiosques offline) ?
Oui, bien sûr. C'est d'ailleurs pour cela
que nous avons ouvert, à Paris près de
Pyramide, un "corner" dans une agence
de voyage partenaire, African Safari Club, à titre
de test.
Le
passage à l`euro... Quel effet prévisible pour
les voyagistes ?
A court terme, des dispositifs d'encaissement
d'espèces :-) A long terme, une concurrence accrue
surtout pour l'hébergement sec, mais pas vraiment
pour le vol ou pour les forfaits, car le marché
unique européen est encore loin d'exister au niveau
des touristes.
En
moto, vous êtes quoi ? Kawa, anglaise ? Pour rouler
où ?
Kawa ZX12R :-)
Pierre Alzon :
Merci
à tous et à la fin de l'année !
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