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Michel Sapin
(Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme de l'Etat)

Le sculpteur de "l'e-administration"


En prenant possession de son ministère, l'homme avait une idée en tête : utiliser Internet pour faconner de nouveaux services publics, plus ouverts et plus proches des attentes des administrés. Loin des turbulences financières, Michel Sapin donne une dimension citoyenne au Web.

Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme de l'Etat. Il y a quelques années encore, seule la première partie du titre aurait animé les conversations et suscité des commentaires. Mais pour Michel Sapin, la casquette "réforme de l'Etat" sonne juste et fort. Tout comme l'épineux dossier des 35 heures dans l'administration ou les négociations salariales avec les fonctionnaires. "Avec le développement de l'Internet, certaines personnes ont pris un raccourci idéologique en se disant que l'occasion était belle pour qu'il y ait moins d'Etat, que le système s'autogére. C'est tout le contraire. L'Internet est un formidable moyen pour moderniser l'Etat."

"La classe politique et l'Internet ? Vous savez elle est à l'image de la société. Il y a ceux qui ne comprennent rien à rien au Web, ceux qui essayent de suivre et ceux qui ont de l'avance…"

A 48 ans, l'homme fait partie de l'équipe baptisée "Jospin II". En mars 2000, en même temps que Catherine Tasca ou que Jean-Luc Mélenchon, il arrive à un ministère occupé jusqu'alors par Emile Zuccarelli. Une mission qui n'est pas vraiment une nouveauté pour ce rocardien déjà habitué aux équipes gouvernementales. Il a occupé en 1991 le poste de ministre délégué chargé de la Justice avant d'endosser le ministère de l'Economie et des Finances entre 1992 et 1993. De ce passage, il laissera notamment une loi éponyme relative à la corruption politique. Sept ans plus tard, le sujet est toujours d'actualité. Au début de cette trajectoire, on retrouve Normale Sup et l'ENA, en 1978, "promotion Voltaire". Le parcours d'un vrai politique. "La classe politique et l'Internet ? Vous savez elle est à l'image de la société. Il y a ceux qui ne comprennent rien à rien au Web, ceux qui essayent de suivre et ceux qui ont de l'avance…" Visiblement, le ministre a décidé de jouer dans cette dernière catégorie, même s'il concède ne pas être un gros surfeur. "L'Internet est surtout pour moi un moyen d'information, pour suivre les dépêches AFP."

En octobre dernier, Michel Sapin avance un pion dans le dossier "réforme de l'Etat". Il inaugure alors le portail de l'administration française, Service-Public.fr. 2.600 sites publics, 11.000 services, 13.000 interlocuteurs directs et 600 formulaires en ligne composent ce kiosque mis à la disposition des citoyens. "Internet permet de créer un nouveau dialogue avec les administrés. Mais ce premier portail n'est qu'une étape, un chantier permanent." Deux mois après son lancement, le portail affiche déjà une audience de 400.000 visiteurs uniques par mois et reçoit quelques 1.000 e-mails chaque jour. Aux yeux de Michel Sapin, ce "chantier Internet" est aussi un support pour insuffler une autre façon de travailler au sein de l'Etat. "Par nature, l'administration est hiérarchique et cloisonnée. Internet est un aiguillon, qui permet de créer des rapports directs en interne et oblige les personnes à travailler ensemble." Cette partie cachée de l'iceberg Service-Public.fr est une action en profondeur, "dans laquelle nous avons investi 5,6 milliards de francs pour informatiser l'administration". Résultat : 25% des fonctionnaires sont aujourd'hui connectés à la Toile et 40% reliés à un Intranet.

Cette fameuse réforme de l'Etat, ce statut du citoyen virtuel, sont des missions de longue haleine. A l'image du fossé qui sépare l'écran informatique LCD posé sur le bureau Louis XVI du ministre.

Ne cherchez pourtant pas dans l'homme une croyance aveugle dans les nouvelles technologies. "Les gardes-fous sont très importants. En permettant aux citoyens avec l'Internet d'avoir un accès direct avec l'administration il faut être très vigilent sur le fait que la réponse ou le service donné par l'Etat reste identique pour tout le monde. L'égalité électronique est très importante." Cette réflexion sur le statut de "l'e-citoyen", Michel Sapin l'ancre aussi dans ses attaches berrichonnes, en qualité de maire d'Argenton-sur-Creuse et d'ancien président du Conseil régional du Centre. "Internet a un vrai rôle à jouer dans les zones plus enclavées. Tenez, par exemple, c'est incroyable de voir à quel point les agriculteurs s'intéressent au Web. En revanche, le véritable problème dans ces zones, c'est qu'il est impossible d'avoir un accès haut débit à un bon prix…"

Cette fameuse réforme de l'Etat, ce statut du citoyen virtuel, sont des missions de longue haleine. A l'image du fossé qui sépare l'écran informatique LCD posé sur le bureau Louis XVI du ministre. Ce qui n'empêche pas Michel Sapin de savourer la Toile, guidé par ces trois enfants. "La première fois que je suis allé sur Internet, c'était pour trouver des solutions à des jeux. Myst ou Raven, je ne sais plus… La deuxième fois, alors que je cherchais des informations sur Laetitia Casta, je me suis retrouvé envahi de fenêtres de sites adultes. Impossible de les fermer... Maintenant, j'en suis aux Pokemon. Mais c'est très difficile de jouer ici. Cela fait trop de bruit !".

[Ludovic Desautez, JDNet]