Les sites belges et suisses face à la marée d'internautes français

Si les Français se sont rendus massivement aux urnes dimanche, comme l'indique le taux de participation record de 84,6 %, leur intérêt pour ce premier tour de l'élection présidentielle s'est également traduit sur le Web. Les sites des grands médias francophones, notamment belges et suisses, ont vu ainsi déferler ce week-end une marée d'électeurs internautes, allant souvent jusqu'à en bloquer l'accès.

Ces visiteurs du week-end étaient venus chercher à l'étranger ce qu'ils ne pouvaient plus trouver en France : les sondages, interdits depuis vendredi minuit avec la fin de la campagne officielle (lire Internet menace-t-il la sécurité du scrutin ?, du 23/04/06). Les journaux suisses et belges ont publié ces informations, à partir de sondages qu'ils n'avaient pas commandé mais obtenus le plus souvent par leurs journalistes envoyés en France. "Nous ne commandons jamais de sondages spécifiquement pour la France. Cela est réservé aux élections belges, dont la prochaine a d'ailleurs lieu le 10 juin, explique Philippe Laloux, rédacteur en chef du site du quotidien belge Le Soir.

Un afflux venu des voisins français, dont la proportion atteignait dimanche 90 % et 88 % pour les journaux suisses La Tribune et Le Temps, 85 % et 70 % pour La Libre Belgique et Le Soir.

Des pages statiques bricolées

Avant d'atteindre ces niveaux de trafic, les journaux ont constaté une montée en puissance dans les jours précédents. "Dans la semaine, nous étions environ 25 % au-dessus des chiffres habituels", explique Philippe Laloux. Le trafic a encore progressé le week-end, avec un pic situé globalement entre 18h et l'annonce des résultats à 20h, obligeant les journaux en ligne à s'adapter. La Tribune triple ainsi ses ressources serveurs et sa bande passante le dimanche à 16h et une heure plus tard, la page d'accueil est allégée. A 18h, le site est remplacé par une page statique.

Cet allégement progressif du site vers une page unique a aussi été mis en place par Le Temps, qui pour des raisons techniques, n'avait pas la possibilité de répartir la charge. De son côté, Le Soir a également oscillé entre une version allégée, utilisée 4 à 5 fois par an pour des évènements particuliers, et une page statique, mise en ligne à seulement 19h58.

Ironiquement, les grandes difficultés d'accès au site du premier quotidien belge francophone ne venaient pas de l'afflux de visiteurs, ni d'une attaque de hackers, un temps évoquée, mais d'un module Flash gourmand en bande passante, fourni par l'Agence France Presse. "Nous sommes déçus car nous aurions pu faire facilement 250.000 visiteurs dimanche, alors que le site était très difficilement accessible dès dimanche matin", regrette Philippe Laloux, qui rappelle que le précédent record - lors du canular de la RTBF de l'annonce de la fin de la Belgique - n'était inférieur que de quelques milliers de visiteurs.

Pour le deuxième tour, les médias francophones ne devraient pas révolutionner leurs systèmes. Le Soir, qui avait déjà multiplié par quatre ses ressources serveur en prévision, puis par 60 dimanche à 18h, estime que son dispositif tiendra. Il devrait simplement mieux préparer la page allégée ("bricolée en quelques minutes") et étudier une solution avec l'AFP. Le concurrent La Libre Belgique qui n'a reçu que 536 visiteurs uniques entre 20 et 21 heures après un afflux trop grand, a décidé de faire un audit de son infrastructure. A La Tribune, où l'on se dit "très inquiet" pour le 6 mai, des mesures devraient être prises avec l'hébergeur, et la page d'accueil sera aussi mieux préparée. Le journal a eu l'idée de vendre cette édition à un sponsor unique, à condition qu'elle soit accessible. Résultats le 6 mai.