Interview
 
05/06/2007

"Pour faire du profit dans Second Life, il faut trouver une activité en lien avec le réel"

1,3 million d'internautes de plus de 15 ans se sont connectés à Second Life en mars, dont 61 % d'Européens selon ComScore. Les Français sont les deuxièmes plus gros utilisateurs, derrière les Allemands. Attirés par ce nouveau Far West, ils sont de plus en plus nombreux à y tenter l'aventure du e-commerce. Peut-on faire fortune sur Second Life ? Quelles sont les opportunités de création d'entreprise ? Comment se lancer ? Réponses avec l'auteur d'un ouvrage en ligne consacré au sujet.
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Stéphane Pilet
 
 
  • Auteur de "Créer son commerce dans Second Life", 2007, Editions O'Reilly
 

JDN. Combien de commerces ont été créés dans Second Life ? Combien sont rentables ?

Stéphane Pilet. Il est très difficile de le quantifier. Il existe une multitude de boutiques isolées, et énormément de zones commerciales. Les internautes les plus organisés arrivent à en tirer un petit revenu. Je connais plusieurs personnes qui ont monté des boutiques d'accessoires pour avatar. Ils en tirent 10 à 20 euros par semaine. Mais la plupart réinvestissent ces revenus dans l'univers, pour acheter plus grand, par exemple. Il faut gagner beaucoup avant de faire des transferts de fonds. Un cumul de près de 2 milliards de Linden dollars, la monnaie en vigueur dans Second Life, soit environ 5 millions d'euros, avaient été échangés en mars 2007 au sein de l'univers. Mais il y a un rapport de un à dix entre les Linden dollars vendus et les Linden dollars achetés.

 

Que peut-on attendre d'une activité commerciale dans Second Life ?

La majorité des gens qui créent un commerce dans Second Life le fait pour s'amuser. Suite à la médiatisation, il est vrai que d'autres ont des ambitions plus élevées. Mais très vite, cela devient plus un loisir qu'autre chose. Déjà, il faut vraiment passer du temps dans l'univers avant d'imaginer son activité, pour connaître les lieux, analyser la concurrence… Et puis cela change souvent. Je connais par exemple un détective privé dans Second Life qui a dévié vers une activité de casino ! La réalité est souvent loin de ce que l'on imagine.

 

Quelles sont les activités les plus représentées ?

Le commerce d'objets pour avatars : coupes de cheveux, vêtements, bijoux… Et ce qui est lié à l'environnement : maisons, décoration… Les personnes qui créent ce type d'activité ses sont d'abord intéressées à l'outil. Et en créant des éléments, elles ont évolué vers la vente. La création d'objets est l'activité de base dans Second Life et la plus accessible. Après, on trouve tout ce qui est activités de service : agence immobilière, cours d'anglais - pour permettre aux Français de visiter les zones anglo-saxonnes -, etc. Certains sont loufoques : par exemple, on trouve des caricaturistes qui créent des avatars qui ressemblent aux stars, et qui avaient monté un festival de Cannes virtuel il y a quelques semaines.

 

Combien coûtent les objets les plus vendus ?

"Linden Labs ne touche aucune commission sur les transactions"

C'est très variable. Un vêtement complexe peut facilement se vendre 200 à 250 Linden dollars, sachant que 1 euro vaut 350 Linden dollars. Un objet basique s'échange autour de 40 à 50 Linden dollars. Il y a aussi beaucoup de choses qui sont gratuites, mises à disposition par des personnes qui débutent dans Second Life. Une maison de base coûte environ 500 Linden dollars. Après, tout dépend de la taille du terrain. Cela peut monter jusqu'à 1.000, 2.000, 3.000 Linden dollars…

 

Comment se rémunère Linden Labs sur ces transactions ?

Linden Labs ne touche aucune commission sur les transactions, mais prélève 0,3 % sur chaque vente de Linden dollars, et se rémunère également sur les achats de monnaie. Le modèle repose par ailleurs sur les abonnements et les l'entretien mensuel des terrains.

 

Quelle est la plus grande réussite commerciale sur Second Life ?

Anshe Chung, une Allemande qui est aujourd'hui millionnaire en vrais dollars grâce à la spéculation immobilière dans Second Life. On dit que si Anshe Chung vendait tous ses Linden dollars, cela entraînera un krach boursier sur Second Life !

 

Quelles sont les meilleures opportunités commerciales sur Second Life, à l'heure actuelle ?

"Anshe Chung, millionaire grâce à Second Life"

Proposer des services aux entreprises réelles, désireuses de s'investir dans Second Life. C'est ce qu'a fait Anshe Chung. Elle a depuis créé une vraie entreprise qui emploie 60 personnes et conseille les sociétés qui veulent pénétrer dans Second Life. Pour faire du profit, il faut trouver une activité en lien avec le réel.

 

Que peut-on dire de la présence des entreprises du monde réel dans Second Life ?

La plupart y vont pour travailler leur image de marque. Cela leur permet d'essayer de nouvelles formes de marketing et de rentrer en contacts différemment avec leurs clients. Et puis, c'est une vitrine technologique. Citons Adidas, qui a créé un modèle de chaussure qui donnait certaines capacités physiques aux avatars, Jean-paul Gaultier, Dior, AMD, Microsoft, Nissan…

 

Quels sont les frais, pour se lancer ?

On peut soit louer, soit acheter une boutique. Si on dispose d'un abonnement de base, gratuit, on ne peut que louer. Pour acheter un terrain, il faut un abonnement premium, qui coûte 9,95 dollars par mois. Si on résilie, on peut conserver son terrain, à condition qu'il ne nécessite pas de payer des charges. Tout terrain de plus de 512 m² dans le jeu implique le paiement de charges en plus de l'abonnement. En dehors du terrain, on peut embaucher des avatars. Mais les embauches les plus courantes aujourd'hui concernent des emplois de danseuses ou de call girls plutôt que des vendeuses ! En général, dans les commerces, il est inutile d'avoir des employés. Ce qui se faisait beaucoup il y a quelque temps, en revanche, c'était d'embaucher contre rémunération des avatars afin qu'ils fassent hommes-sandwichs, pour faire de la publicité pour une affaire. Aujourd'hui, c'est devenu rare. On trouve plutôt des petits boulots automatisés. D'un simple clic sur un objet, l'internaute peut par exemple devenir barman, son avatar est habillé en serveur automatiquement, et il reste ainsi jusqu'à ce qu'il ait gagné le nombre de Linden dollars qu'il souhaite.

 

Pour progresser plus vite, vous conseillez dans votre livre d'intégrer des "groupes". Que sont ces corporations ?

"En général, dans les commerces, il est inutile d'avoir des employés"

Les groupes fonctionnent comme des guildes ou des canaux de discussion privés : ils regroupent des personnes qui ont des intérêts communs. Il existe beaucoup de groupes dans le domaine de la programmation, par exemple. N'importe qui peut créer son propre groupe. Appartenir à un groupe à de nombreux avantages, dont celui d'afficher le nom du groupe auquel il appartient au-dessus de la tête de l'avatar. Cela sert aussi à faire de la pub ! On trouve les groupes en utilisant le moteur de recherche.

 

Quels sont les autres moyens de faire de la publicité pour son activité dans Second Life ?

Il y a les hommes-sandwiches, les emplacements publicitaires loués auprès d'autres avatars ou achetés et construits sur des parcelles de terrain. La publicité est soumise à des réglementations qui diffèrent selon les zones de l'univers. Certaines zones interdisent toute publicité. Pour apparaître dans le moteur de recherche, il en coûtera quelques dizaines de Linden dollars sur une base hebdomadaire ou mensuelle.

 

 
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Existe-t-il des internautes qui font de la publicité en dehors de Second Life pour leur activité dans l'univers virtuel ?

Oui. D'ailleurs, il y a quelques sites qui vendent des objets virtuels pour un prix en dollars, et inversement. Les frontières sont poreuses. Il y a par exemple une ONG qui a créé un environnement dans Second Life et dans celui-ci, cliquer sur certains objets ramène sur des sites extérieurs. C'est possible aussi dans l'autre sens : on peut être "téléporté" dans Second Life à partir d'un site quelconque. Linden Labs travaille d'ailleurs à un moyen de permettre la consultation du Web sans sortir de Second Life.

 

Parcours

Journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies et le jeu vidéo depuis 1992, Stéphane Pilet a collaboré entre autre avec Player One, PlayPower, Jeux Vidéo Magazine, PlayBoy, Le Monde Diplomatique, Canal+ et Game One.

 


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