JDN.
D'où vient votre passion pour les créations
liées aux nouveaux médias ?
Philippe Andrevon. Je me suis spécialisé
en communication audiovisuelle à l'Ecole nationale
des Beaux-Arts de Lyon. Au début des années
90, je m'intéressais beaucoup aux médias
de masse et aux outils, notamment graphiques, qui ouvraient
de nouvelles possibilités de créativité.
J'ai intégré le milieu de la télévision
en collaborant avec la société Getris
Images. Je formais ses clients sur un moteur 2D/3D,
son produit phare destiné à la production de plateaux
virtuels et à la création de programmes télévisés.
Ensuite, je suis devenu infographiste pour plusieurs
chaînes, telles que TF1, LCI, France Télévision,
Canal Plus ou TV5. Je réalisais l'habillage de
génériques d'émissions et de programmes
courts.
Pourquoi avoir choisi un
statut de professionnel indépendant dans ce domaine
?
En 1997, j'ai monté une agence de design interactif,
Studio V. Avec mes collaborateurs, nous réalisions
des sites Internet, pour la plupart institutionnels.
Nous avons également développé
un système de forum installé sur le site
gouvernemental de l'époque. Mais, en pleine euphorie
Internet en 1999, tout a tourné court alors que
nous avions la possibilité de nous faire racheter.
La société s'est arrêtée
à cause de mésententes entre collaborateurs.
Avec l'un des associés, j'ai poursuivi l'aventure
des nouveaux médias en créant Streaming
Box, spécialiste de la vidéo sur Internet,
en collaboration avec le groupe Transatlantic. J'espérais
alors que nous aurions l'occasion de mener des projets
très créatifs. Mais il s'est avéré
que l'essentiel des demandes tournaient autour de retransmissions
d'assemblées générales de groupes
industriels. Les programmes plus élaborés
que nous proposions aux sociétés étaient
réalisables dans l'absolu, mais en pratique,
ils se révélaient trop chers. Aujourd'hui
ce genre de projet peut vraiment marcher avec la dernière
version de Flash, à condition bien sûr
que ce soit en accord avec le produit présenté
et que cela lui apporte une réelle valeur ajoutée.
Un peu déçu donc par notre activité,
j'ai quitté mes fonctions. Depuis trois ans,
je travaille comme professionnel indépendant.
Vous
travailllez pour quels types de clients ? Pourquoi fait-on
appel à vous ?
J'ai gardé mon réseau de relations essentiellement
au sein de France Télévisions et du groupe
Transatlantic. Je participe à la création
de sites événementiels liés à
des émissions dites de prestige : les séries
ou feuilletons comme "Napoléon", "L'odyssée
de l'espace" ou "Les Thibault" par exemple,
qui sont destinés à faire beaucoup d'audience.
Ces sites sont essentiellement actifs au moment de la
diffusion de la série, mais ils restent en ligne
pendant environ un an. Pour France 5, il s'agit plutôt
de sites éducatifs, reliés ou non à
la programmation télévisée. J'estime
que ma valeur ajoutée - ce pour quoi on m'appelle
- est liée à ma capacité d'adaptation
à diverses situations. Mes clients apprécient
mon côté généraliste.
De manière synthétique,
comment se déroule un projet "nouveaux médias"
?
Généralement, un chef de projet d'une
chaîne de télévision m'appelle pour
me demander de réaliser un site. Il me fournit
l'arborescence, les contenus et des éléments
visuels, des images, des extraits vidéo liés
ou non à la série et qui apportent des
éléments sur l'époque à
laquelle se déroule le film, des extraits de
making-off, etc. Je propose un univers graphique, une
navigation et nous travaillons ensemble pour finaliser
le projet. Je travaille seul sur les projets de sites
Internet liés à des séries télévisés.
Pour d'autres projets, je peux prendre en charge uniquement
les parties graphiques et ergonomiques. La création
en elle-même peut prendre environ six jours, ensuite
il faut environ un mois pour déployer la totalité
du site.
Parmi vos réalisations,
quel projet vous a particulièrement plu ?
Pour Ariane
Espace, j'ai réalisé un projet très
intéressant, et qui est toujours en ligne sur
le site du groupe lanceur de fusées. C'est un
module en Flash qui explique les étapes du lancement
de la fusée, l'arrivée à Kourou,
etc. C'est un peu didactique, très illustré,
avec très peu de texte, car il est destiné
au grand public.
A votre avis, l'utilisation
de la vidéo est-elle possible sur tous les sites
Internet ?
Cela varie en fonction des besoins du client. Pour les
sites Internet de France Télévisions qui
constituent des relais d'émissions en général,
la vidéo s'intègre assez logiquement dans
les projets sous forme d'extraits et de bandes annonces.
Elle peut également être inséré
sur des sites de dossiers thématiques. Dans ce
cas, la vidéo apporte une plus-value au texte.
En revanche, elle s'intègre plus difficilement
sur des sites plus institutionnels, où le contenu
est souvent très basique. Finalement, je pense
que la vidéo n'a pas encore trouvé sa
place sur le Web. C'est le mode de consommation sur
Internet qui n'est peut-être pas encore adaptée,
en terme de format, de débit et de qualité.
La vidéo reste encore davantage un vecteur de
diffusion que de création. Et pour la création,
Flash l'a largement supplantée. Je pense que
c'est aussi un problème de débit. Dès
que nous aurons beaucoup plus que de l'ADSL à
512 Kbit/s, nous pourrons dépasser les contraintes
actuelles qui limitent les possibilités de la
vidéo sur Internet.
|
|
Avantage
et inconvénient du Net : il permet
de diffuser n'importe quoi à n'importe
qui." |
|
Quel regard portez-vous
sur la création en ligne par rapport à
d'autres supports ?
Internet est un media très puissant qui offre
des possibilités impressionnantes de création.
Sa caractéristique, au-delà de l'interactivité,
est qu'il est à la portée de tous. Son
avantage - et aussi inconvénient - est qu'il
permet à n'importe qui de créer n'importe
quel programme et de le diffuser. Il n'impose aucune
contrainte de format ou de durée, à l'opposé
des supports vidéo et télévisuel.
En revanche, une fois un programme mis en ligne, il
n'est pas si simple de parvenir à toucher une
forte audience d'internautes. Il est alors nécessaire
d'engager tout un travail de communication pour se distinguer.
Quels sont vos nouveaux
projets ?
Je travaille en ce moment avec un opérateur de
téléphonie mobile sur l'habillage de jeux
en Java et la diffusion de contenus vidéos sur
téléphone mobile. Sur un plan personnel,
j'ai un autre projet plus créatif : l'édition
d'un livre pour enfant associé à un site
Internet comportant des animations interactives. J'ai
déjà trouvé un éditeur pour
la version papier, et je cherche des partenaires, éventuellement
un diffuseur, pour la version en ligne. J'y travaille
depuis déjà quelques temps et il me permet
de sortir un peu de ce que je fais quotidiennement.
J'ai en effet un peu l'impression de tourner en rond,
de résoudre toujours les mêmes problématiques,
et puis ce n'est généralement pas très
riche sur le plan créatif.
Quels sont vos sources d'inspiration
et les sites que vous consultez régulièrement
?
Mes influences sont celles du pop-art américain.
J'apprécie aussi beaucoup les dessins animés
japonais d'Hayao Miyazaki [NDLR, réalisateur
de Princesse Monoke et du Voyage de Chihiro], et
l'oeuvre de Windsor McCay, Little Nemo in Slumberland.
Sur le Net, je me connecte souvent sur designiskinky.net,
surfstation.lu
et inertia.d2.hu/en.
Ce sont des magazines en ligne qui brossent un panel
de tendances graphiques et qui présentent des dossiers
thématiques et des sélections de liens régulièrement
actualisés.
|