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Co-directeur
général
Vivendi Universal Net |
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Frank
Boulben
"Titre"
Vivendi Universal Net, la division Internet du groupe de communication,
est présente dans de nombreux secteurs, même si
elle se concentre sur deux chantiers prioritaires : le développement
du portail multi-accès Vizzavi et la musique en ligne
(dont le projet Duet, en collaboration avec Sony). A l'occasion
des résultats du premier trimestre 2001 du groupe Vivendi
Universal, son PDG, Jean-Marie Messier a indiqué
que les pertes liées à l'Internet s'élevaient
à 49 millions d'euros. Sur l'année 2000, elles
s'étaient élevés à 183,7 millions
d'euros. L'objectif fixé est de réduire ce montant
d'un tiers dans le courant de l'année, une orientation
qui oblige Vivendi Universal Net à un contrôle
financier plus drastique des projets. Son
co-directeur général fait le point sur les différents
chantiers Internet d'un groupe qui n'en manque pas.25
avril 2001 |
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JDNet. Vivendi Universal vient de publier ses résultats
pour le premier semestre 2001. Quels commentaires globaux apportez-vous
aux activités Internet du groupe ?
Frank Boulben.
Si 2000 a été euphorique
en matière de publicité, les sites qui ont centré
leur développement autour de ce type de revenus ont maintenant
du mal à générer le chiffre d'affaires
escompté. En conséquence, nous avons pris des
décisions pour l'ensemble de nos sites afin de réduire
nos structures de coûts et de diversifier nos sources
de revenus. Tous les sites ont pour objectif d'atteindre l'équilibre
en trois ans.Certains vont y parvenir cette année. C'est
le cas de Flipside (jeux en ligne) et Scoot UK (annuaire en
ligne).
Réduire
les structures de coûts passe-t-il par des plans de licenciement
?
Non. Il s'agit, pour la plupart
des sites, de ne plus recruter. Ou, dans une moindre mesure,
de ralentir les recrutements par rapport à ce qui a été
prévu initialement. Toutefois, il y a un projet où
l'on a procédé à une forte réduction
des effectifs, c'est @Viso
[NDLR, joint-venture entre VivendiNet et Sofbank, dont l'objectif
était d'aider des sociétés "high tech"
américaines à s'implanter en Europe]. Compte
tenu de la conjoncture actuelle, les sociétés
Internet américaines ont moins d'appétit pour
se développer en Europe, alors qu'on avait dimensionné
@viso pour incuber 20 à 25 sociétés par
an.
Que reste-t-il
de cette structure ?
Aujourd'hui, il reste 6 à 8 personnes et quatre sociétés
en portefeuille. Pour PeoplePC Europe, on a déjà
négocié la conversion de notre participation dans
la maison-mère à l'avance selon des modalités
un peu complexes. PeoplePC dispose de contrats européens
avec Vivendi Universal et Ford, une extension du contrat signé
aux Etats-Unis. Il reste trois autres projets qui continuent
à travailler leur développement : Evoke, MessageMedia
et Interliant. Les maison-mères américaines recontrent
actuellement des dificultés mais elles se sont tous fixées
des objectifs de rentabilité à l'échéance
de deux à trois ans en Europe. Si nous voyons que ces
sociétés n'en prennent pas le chemin, nous arrêterons.
C'est ce que nous avons décidé avec la liquidation
d'eLoan Europe (Lire l'article
du JDNet du 22/01/01).
Quelles
leçons tirez-vous de l'expérience @Viso?
Pendant trois ans aux Etats-Unis, la ressource la moins chère
a été le capital. Cela a induit un certain nombre
de comportements irrationnels. Le premier étant le fait
que l'argent des capitaux-risqueurs allait vers la publicité.
Le deuxième était que les sociétés
songeaient à un développement international avant
de se concentrer sur leurs fondamentaux aux Etats-Unis. Nous
sommes conscients que nous avons fait partie de cette vague.
On entend
davantage parler des projets Internet de Vivendi Universal que
de la structure Vivendi Universal Net (VU Net). Comment s'organise-t-elle
?
VU Net est la division Internet de Vivendi Universal et nous
avons déjà investi 1,5 milliard d'euros en créations
et acquisitions. Aujourd'hui, elle a quatre pôles d'activité
: les services d'informations et les portails généralistes
(Vizzavi, iFrance, Scoot, Bonjour, etc.). Nous avons des relations
privilégiées avec USA Networks [NDLR : qui
regroupe les sites Universal : TicketMaster (billeterie en ligne),
CitySearch (city guides) et HotelReservation Network (réservation
de chambres d'hôtels)]. Nous commençons à
travailler avec eux. Nous regardons notamment les déploiements
de ces projets en Europe qui auraient un sens. Dans VU Net figure
également un pôle "entertainment et éducation"
(avec Flipside, Education.com, CanalNumedia, Divento). On travaille
actuellement à la formation d'un unité d'affaires
spécifique "musique". Troisième centre
: les supports ("enablers"), comme la régie
publicitaire Ad2-One, le fournisseur d'accès en marque
blanche eBrands, etc. Enfin, il existe un pôle capital-risque
avec Viventures. Le rôle de VU Net est de piloter chacune
de ces "business units" et de mettre en oeuvre un
certain nombre de synergies dans le réseau (partage des
coûts, des techniques comme la mutualisation de l'hébergement,
des ressources marketing.). Par exemple, le portail multiservices
iFrance a élaboré des partenariats avec une dizaine
de sites dans le groupe. VU Net dispose d'un effectif de cinquante
personnes et de deux grandes directions, technique et marketing.
A terme, VU Net aura un pôle européen et américain.
Pourquoi
avoir récemment nommé un deuxième directeur
général pour VU Net ?
Je prends en charge la direction générale centrale
(finances, techniques et marketing). J'ai également la
responsabilité des pôles portails généralistes/services
et supports. Agnès Audier, qui vient de nous rejoindre,
supervise l'ensemble du pôle "entertainment",
côté Europe et Etats-Unis, dont les projets autour
de la musique. Philippe Germond, PDG de Cegetel, a les fonctions
de PDG de VU Net.
De
quelle capacité d'investissement disposez-vous ?
Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous avons engagé
1,5 milliard d'euros en capitaux depuis la création de
VivendiNet en septembre 99. Nous sommes en bonne position pour
acquérir d'autres "dotcoms" et actuellement,
il y a des affaires à réaliser. Récemment,
nous avons acquis eMusic aux Etats-Unis par exemple.
Estimez-vous
que votre stratégie Internet est totalement maîtrisée
dans un univers où tout va très vite ?
Je pense que tout est maîtrisé. Mais avec l'acquisition
de Seagram-Universal, nous avons entamé de grands chantiers
sur la musique en ligne. C'est dans ce secteur que l'on trouve
le plus de problématiques et d'enjeux à court
terme. Tout en gardant un oeil sur d'autres dossiers prioritaires,
comme Vizzavi, CanalNumedia ou Flipside.
Si
la stratégie Internet est maîtrisée, comment
expliquez-vous que CanalNumedia a décidé de retirer
la gestion publicitaire de ses sites à Ad2-One pour la
confier à IP Interactive ?
La limite des synergies mises en place par VU Net est économique.
Au cours de l'appel d'offres, IP Interactive a fait une proposition
très agressive que CanalNumedia a retenue. J'ai demandé
à Ad2-One de ne pas surenchérir. Thierry Laval
(PDG d'Ad2-One) et moi avons jugé que le minimum garanti
de chiffre d'affaires proposé par IP Interactive est
trop élevé. L'accord signé est valable
un an. Nous ferons un bilan à ce moment-là (Lire
l'article
du JDNet du 18/04/01).
Quelles relations
entretenez-vous avec CanalNumedia ? Parfois, on a l'impression
que la filiale Internet de Canal Plus veut préserver
son esprit indépendant...
Non, je ne crois pas. Philippe Bismut, PDG de CanalNumedia,
est membre du Comité de direction de VU Net et assiste
à nos réunions hebdomadaires. Nos directeurs -
technique et marketing - collaborent chaque semaine avec les
équipes de CanalNumedia. Nous travaillons pour la réutilisation
des solutions qu'ils ont développées. Même
si CanalNumedia a une spécificité et une signature
éditoriale, elle fournit le contenu "sport"
à Vizzavi. Je peux multiplier les exemples de collaborations.
Il existe vraiment une différence entre les rumeurs que
rapportent les médias et la réalité que
je constate sur le terrain.
A propos de
rumeurs, certaines circulent souvent sur le rachat par Vivendi
Universal de Yahoo, et plus récemment de Excite Europe.
Qu'en pensez-vous ?
Nous ne commentons pas les rumeurs. Au niveau des portails généralistes,
la priorité en Europe est donnée à Vizzavi.
Nous avons un accord avec Vodafone avec des clauses de non-concurrence
et d'exclusivité. Nous nous dédions au développement
opérationnel de Vizzavi en Europe. Aux Etats-Unis, en
revanche, nous sommes libres. Notre priorité est de développer
des accords de distribution de notre contenu avec des portails.
C'est le cas de Yahoo dans le projet de musique en ligne Duet.
Prenons
les projets de VU Net, secteur par secteur. Comment comptez-vous
développer le service d'accès Internet ?
Nos activités ISP via Vizzavi vont véritablement
commencer en septembre. A priori, seuls Vizzavi et iFrance ont
une vocation à proposer une offre d'accès Internet
mais si nous trouvons pertinent de proposer ce type d'offres
via d'autres marques du réseau, nous aurons la possibilité
de le faire, notamment par le biais de notre prestataire de
services eBrands. Ce type de services est bon pour des sites
qui disposent d'une large audience et donc d'une base de données
clients qui permet de réduire le coût de recrutement.
.
Le
projet Vizzavi a été lancé en juin 2000.
Fin mai, le portail français offrira les premières
convergences PC-mobiles. Vous ne pensez pas que le projet a
été lancé trop tôt ?
Je propose une autre lecture. Il y a un an, les acteurs du Net
considéraient que le Wap allait décoller très
rapidement. Mais l'ergonomie des terminaux n'est pas comparable
à celle que l'on peut observer sur les produits japonais.
La connexion n'est pas permanente et le client paie à
la minute. Vous réunissez ces conditions et on aboutit
à un rejet du Wap de la part du consommateur. Parallèlement,
nous nous devions d'être présents lors de l'étape
du Wap, entre autres pour des raisons concurrentielles. L'Internet
mobile va réellement décoller cette année
en Europe avec l'arrivée du GPRS et de nouveaux terminaux
pour Noël.
Dans son livre,
"J6M.com", Jean-Marie Messier évoque la possibilité
de proposer un accès Internet via les supports CD de
musique...
Nous sommes en train d'étudier le projet. Cela pose des
problèmes de droits d'auteurs et d'accords avec des distributeurs.
Que comptez-vous
faire de votre participation dans AOL Europe ?
Ce que l'on a négocié avec AOL, c'est une sortie
pure et simple. Nous ne resterons pas actionnaires. Il faut
être clair : Cegetel et Canal Plus détenaient 55%
de AOL France. Ces parts ont été échangées
contre des obligations AOL Europe, qui seront payées
soit en cash, soit en titre AOL Inc, soit en titres AOL Europe,
si la structure est cotée. Immédiatement après,
nous les vendrons aux meilleures conditions de marché.
Dans
le secteur de la musique en ligne, vous avez lancé le
projet de téléchargement musical Duet en vous
fondant sur une alliance Sony-Universal Music. Une autre
plate-forme, MusicNet, a été lancée par
trois autres majors (Warner-EMI-BMG). Estimez-vous que vous
êtes désormais des concurrents ou des partenaires
potentiels ?
Je fais toujours un parallèle avec les compagnies aériennes.
Pour atteindre les clients finaux, celles-ci font appel à
des systèmes intermédiaires qui recensent tous
les vols et les horaires, des GDS comme Sabre ou Amadeus. Pour
la musique en ligne, l'approche est similaire. Avec Sony, nous
nous mettons d'accord sur certains points : le système
des droits digitaux, le paiement sécurisé et des
normes communes avec Duet. C'est un peu comme si on réservait
un billet d'avion. Nous nous trouvons vraiment à un étage
"grossiste". Tous les contenus passent par des systèmes
intermédiaires comme Duet. Ensuite, il faut trouver des
distributeurs. En ce qui
concerne la cohabitation avec MusicNet, je pense qu'à
long terme, soit les deux plate-formes seront interopérables
ou alors elle fusionneront. Duet sera lancé dans le courant
de l'année aux Etats-Unis. Il viendra ensuite en Europe
(Lire l'article
du JDNet du 23/02/01).
Pensez-vous
que Napster pourrait devenir un partenaire de Duet ?
Lorsque Napster deviendra légal, il pourra être
un partenaire affilié à Duet.
Dans
le domaine des annuaires en ligne, estimez-vous que Scoot Europe,
dans lequel vous êtes impliqué, doive trouver un
allié stratégique pour assurer son développement
?
Nous nous concentrons plutôt sur une approche locale.
Pour chaque pays, Scoot a besoin de partenaires en matière
d'accès aux clients (typiquement un opérateur
mobile) et un autre pour constituer la base de marchands dans
l'annuaire. On peut les trouver par des accords commerciaux.
Pour un pays donné, Scoot n'a pas besoin d'avoir des
millions de professionnels dans sa base. En disposer de 150.000
à 200.000 suffit. Après, les utilisateurs peuvent
faire appel aux Pages Jaunes. L'avantage que les professionnels
peuvent avoir avec Scoot, c'est un abonnement réduit.
Nous ne sommes pas dans la même logique que les Pages
Jaunes. On voit à travers l'Europe des rapprochements
entre les éditeurs d'annuaires et les ISP des opérateurs
historiques (ex : Wanadoo-Pages Jaunes en France, Tin et Seat
en Italie, etc.). Les partenaires naturels de Scoot sont plutôt
les journaux gratuits. Quant à Scoot France, qui a été
lancé en mars, on fera le bilan à la fin du deuxième
trimestre pour prendre un peu de recul (Lire l'article
du JDNet du 21/03/01).
Les jeux en ligne : le portail Flipside avait l'ambition de
s'appuyer essentiellement sur la publicité pour son financement.
Comment comptez-vous réajuster le tir ?
Flipside compte s'appuyer sur la publicité mais aussi
sur le marketing direct, grâce à sa base de données
d'utilisateurs qualifiés. Il vend également son
contenu à des tiers (Par exemple, TerraLycos en Amérique
du sud). Flipside aux
Etats-Unis va atteindre son point d'équilibre entre le
troisième et quatrième trimestres de cette année.
[NDLR, à noter que l'intégration de UpRoar
dans Flipside a entrainé un plan de licenciement, soit
les trois quart de l'effectif aux Etats-Unis sur un total de
150 personnes, selon ZDNet].
Parmi
la multitude de projets de VU Net, quelle est la plus grande
réussite et votre plus grande déception ?
Je trouve que Flipside est le projet le plus élaboré.
Pour le deuxième cas, je citerais @viso pour les raisons
que j'ai évoquées auparavant.
Y'a
t-il un secteur que vous n'avez pas encore investi et dans lequel
vous voudriez percer ?
Sans doute l'automobile. Nous avons signé un accord avec
Peugeot pour développer l'Internet embarqué.
Quel son vos
sites favoris ?
Boursorama.com
et Nasdaq.com
pour l'information financière. Sinon, j'aime
bien le site KasparovChess.com
ou le site
Echecs de Libération.fr. J'achète également
en ligne des livres sur les échecs dans une libraire
en ligne spécialisée en Angleterre.
Qu'aimez-vous sur Internet ?
Tous les services en ligne qui me permettent de réaliser
des gains de productivité. Ma denrée la plus rare
actuellement, c'est le temps, et Internet me fait aller plus
vite.
Que
détestez-vous ?
La lenteur des connexions.
Utilisez-vous
souvent votre portable wap ?
Oui. Pour consulter les cours de Bourse.
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Propos recueillis par Philippe Guerrier |
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PARCOURS
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Frank
Boulben, 34 ans, est diplômé de l'Ecole Polytechnique (1988)
et de l'Ecole Nationale Supérieure des Ponts et Chaussées (1990).
Avant de rejoindre Vivendi en 1994, il a été consultant pendant
cinq ans chez Corporate Value Associates, une filiale du Boston
Consulting Group. Il a ensuite pris les fonctions de vice-président
de la stratégie chez Cegetel, filiale Télécommunications de
Vivendi. En septembre 1999, il a dirigé le lancement
de VivendiNet (devenu en avril 2001 Vivendi Universal Net).
Depuis, Frank Boulben a joué un rôle important dans l'élaboration
de la stratégie Internet multi-accès du groupe et dans la création
de Vizzavi, détenu à parité par Vivendi Universal et Vodafone.
Il est membre du conseil d'administration de Vizzavi Ltd et
de Scoot.com plc. |
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