JDN.
Quelle est votre définition du piratage électronique
?
Jean Grenier. Nous nous concentrons sur
la lutte contre le piratage audiovisuel à partir
d'outils électroniques illicites comme les cartes
pirates à intégrer dans les décodeurs
de bouquet satellite. C'est un combat permanent que
nous menons. L'Aepoc n'a pas vocation à combattre
les pirates sur le front technique. C'est un forum de
discussion entre groupes ayant des intérêts
dans le développement de services audiovisuels
cryptés et qui doivent faire face à ce
fléau social.
De quelle manière
l'Aepoc intervient-t-elle ?
Nous cherchons à convaincre les autorités
des pays européens d'ériger des législations
efficaces contre les pirates et de sensibiliser le grand
public aux risques encourus en cas de découverte
de l'infraction de piratage électronique. La
France est de ce point de vue l'un des pays les mieux protégés
au sein de l'Union européenne.
Quel
est le profil des pirates électroniques ?
L'Aepoc estime à 4 millions le nombre de
pirates en Europe. Ce nombre pourrait doubler dans les
six prochaines années. Nous pouvons ranger les
pirates dans deux grandes catégories de profil
: ceux qui fournissent les instruments de piratage et
les consommateurs lambda. En règle générale,
nous avons du mal à convaincre les autoritées
européennes de l'ampleur du phénomène
du piratage électronique. Pourtant, des modèles
économiques ont été mis à
mal à cause de ce fléau. Cela a été
le cas pour Canal Plus Horizons par exemple [NDLR
: chaîne francophone de télévision à péage destinés
au public africain].
Peut-on parler de filières
souterraines organisées ?
Nous n'avons plus de doute sur l'implication d'organisations
criminelles en Europe de l'Est et dans l'ex-Union soviétique.
Mais, faute de preuves tangibles, il est difficile
de remonter les pistes. Il est établi que les
pirates qui travaillent sur les cartes réseaux
de télévision payante sont les mêmes
que ceux qui tentent de détourner les cartes bancaires.
Les technologies de cartes à puce sont
assez voisines. Le piratage nécessite des compétences
poussées de reverse ingénierie et une connaissance
assez pointue des techniques de décryptage. En
parallèle, nous devons également traiter
le piratage artisanal et amateur qui est encore plus
diffus.
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Internet est
responsable de manière connexe à
la piraterie électronique" |
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Quelles responsabilités
attribuez-vous à l'Internet dans la piraterie
électronique ?
Elle est connexe. Nous considérons que c'est
un outil essentiel dans la chaîne du piratage.
Internet permet de diffuser tous les éléments
nécessaires à la fabrication de matériel
illicite. Je ne remet pas en cause l'existence de l'Internet
mais, en tout état de cause, le réseau
des réseaux et sa capacité de propagation
d'informations à l'échelle mondiale ne
facilite pas notre combat. Des personnes disposant de
compétences techniques très pointues se
retrouvent en cercles très fermées sur
des forums de discussion et communiquent avec des pseudos.
Pourquoi avoir rajouté
les services audioviosuels cryptés sur IP dans
vos domaines de compétences ?
L'Aepoc a commencé à s'intéresser
à ce sujet l'année dernière. Des
formes nouvelles de diffusion audiovisuelle apparaissent
comme la télévision ADSL. Il est nécessaire
de protéger également les contenus distribués
sur IP, à l'instar de ceux qui sont diffusés
par câble ou satellite. Les droits des producteurs,
des créateurs et des éditeurs doivent
être protégés en évitant
le phénonème de la copie privée
non autorisée et le développement d'accès
frauduleux aux services audiovisuels cryptés.
Le peer to peer entre-t-il
dans vos centres d'intérêt ?
Nos membres s'y intéressent. Mais l'Aepoc n'a
pas engagé de réflexion particulière sur le
sujet.
Obtenez-vous facilement
la collaboration des fournisseurs d'accès Internet
dans votre lutte ?
Nous n'avons rien à demander directement aux
FAI. Les prestataires de services audiovisuels cryptés
peuvent se constituer partie civile devant la justice
pour réclamer une enquête en cas de soupçons.
C'est à la justice de décider ou non de
se tourner avec les fournisseurs d'accès pour
récupérer des éléments d'enquêtes.
A partir de ce moment, les FAI ne collaborent avec les
officiers de police judiciaire qu'en cas de commission
rogatoire émise par les juges d'instruction.
Ressentez-vous des craintes
de la part des ayants droits de l'audiovisuel sur le
risque de détournement des flux IP ?
Les lobbys audiovisuels comme la Movie Picture Association
aux Etats-Unis sont de plus en plus attentifs à
ce type de risque, compte tenu de l'éclosion
des offres de télévision via ADSL. L'environnement
Internet est plus ouvert que celui des bouquets numériques,
ce qui nécessite des systèmes de protection
spécifiques. Le développement d'applications
de télévision numérique à
haute définition (TVHD), sur lesquelles le groupes
TF1 et TPS se sont positionnés, attire l'attention
des ayant-droits. Si une personne recopie sur un DVD
des contenus audiovisuels TVHD obtenus sans autorisation
des ayant-droits, elle dispose de ressources vidéos
de qualité bien meilleure que celle obtenue en
broadcast. Toutes ces nouvelles formes de diffusion
rendent nerveux le petit monde d'Hollywood.
L'interview a été réalisée
avec la participation de deux membres français
de l'Aepoc : Jean-Pierre Coustel, CEO de Viacess, et
d'Olivier Segbo, Security Department Manager de TPS.
L'Aepoc,
"think tank" des grands de l'audiovisuel
en mode crypté
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Créée en 1995, l'Association
européenne pour la protection des uvres et
services cryptés regroupe aujourd'hui 31 entreprises
de télévision numérique et de télécommunication
que l'on peut répartir dans quatre grandes
catégories : producteurs de services
audiovisuels cryptés (groupe Canal Plus
et TPS par exemple), fournisseurs de solutions
de contrôle d'accès conditionnel
(Viacess), fournisseurs d'infrastructures réseaux
(Eutelsat) et fabricants d'équipements
matériems comme les décodeurs
(Thomson). Le câblo-opérateur français
Noos devrait prochainement entrer dans les rangs.
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