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Associé
Deloitte
& Touche |
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Olivier
Jacquinot
"Titre"
Après avoir encaissé
une chute de 38 % depuis le début de l'année,
la Bourse de Paris ne voit toujours pas le bout du tunnel.
Au manque de visibilité sur les indicateurs macro-économiques
se sont ajoutées les répercussions directes,
et indirectes, de l'e-krach. Parmi elles, les conséquences
financières des opérations de croissance
menées ces dernières années par
les grands acteurs TMT. Une tornade qui a englouti,
tour à tour, France Télécom, Vivendi
Universal ou encore AOL Time Warner. Olivier
Jacquinot, associé de Deloitte & Touche, est responsable
de la ligne de service "Strategic advisory services"
au sein de l'activité corporate finance. Ancien membre
de la direction de la stratégie de France Télécom, il
est un observateur attentif du parcours du secteur TMT.
Analyse d'une mécanique qui s'est emballée,
au point de dérailler.
Partenaire
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Technology Fast
50 : J-4
Les inscriptions
pour la deuxième édition du Technology
Fast 50 France, le classement des entreprises
technologiques à forte croissante, seront
closes le 11 octobre prochain. Pour participer
à cet événement, organisé
par Deloitte & Touche, en partenariat avec
Euronext, Bfinance et Le Journal du Net,
les entreprises ont encore la possibilité
de s'inscrire en ligne sur le site
dédié. L'édition
2002 du Technology Fast 50 France comprendra
trois palmarès régionaux (Nantes,
Grenoble et Sophia-Antipolis) et un classement
national, présenté le 19 décembre
prochain au Palais Brongniart.
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07
octobre 2002 |
JDNet.
Malgré des soubresauts, les marchés financiers
n'émettent toujours pas de signaux de reprise. Jusqu'où
peut aller la purge ?
Olivier Jacquinot.
La réponse est délicate : nous sommes dans une période
où l'aveuglement collectif est aussi fort que celui
dont a bénéficié la bulle Internet. En deux ans, nous
sommes passés de l'euphorie générale à la défiance absolue.
Et si le concept de la Nouvelle Economie est mort, ses
conséquences courent toujours. En l'état, la seule certitude
reste que les ingrédients pour une reprise sont là car
les liquidités sont importantes et il y a de nombreux
projets de valeur. Pour certaines valeurs TMT, la solution
passera sûrement par des opérations de "public to private"
(NDLR : sorties de cotation après l'acquisition d'un
bloc significatif d'actions par un investisseur).
Les valorisations sont basses alors que certaines sociétés
disposent d'opportunités réelles en terme de marché.
Ce
retour de flammes touche des valeurs de référence
comme France Télécom. L'opérateur
historique a-t-il tout simplement commis les mêmes
erreurs que tout le monde ?
Le parcours réalisé par France Télécom
depuis sept ans est remarquable. L'opérateur a réussi
à développer un comportement commercial en s'appuyant
sur des évolutions tarifaires et une formidable transformation
de son organisation et de sa culture. Aujourd'hui, ses
résultats opérationnels sont d'ailleurs bons. En cela,
la chute des marchés n'est pas raisonnée, ni discriminante.
Elle touche de la même manière des entreprises qui ont
une réalité industrielle. En outre, il y a un point
à ne pas oublier dans le cas de France Télécom : si
sa dette reflète une politique de croissance externe
au moment des valorisations folles, elle reflète aussi
son statut hybride. Pour ne pas diluer la part de l'Etat
dans son capital, l'opérateur a été contraint de payer
ses acquisitions en numéraire. Des opérations menées
par échanges de titres n'auraient pas eu le même impact.
Au-delà
de l'explosion de la bulle Internet, il y a aussi la
suspicion provoquée par les affaires Enron ou
WorldCom...
Ces deux affaires ne doivent pas
être prises pour une situation générale. Avec la Nouvelle
Economie, les perspectives de croissance sont devenues
une nouvelle religion financière. A force de vouloir
offrir aux marchés les indicateurs et les prévisionnels
qu'ils attendaient, afin de décrocher des valorisations
excessives, les dérapages étaient inéluctables. La solution
passe aujourd'hui par un renforcement des audits mais
aussi par un retour à la réalité. Des indicateurs comme
l'Ebitda, très en vogue depuis quatre ans, ne doivent
plus être considérés seuls. La prise en compte des investissements,
et donc du coût du capital, est essentiel dans ces industries
très capitalistiques.
Le
retournement boursier n'épargne les géants
nés de la Nouvelle Economie comme AOL Time Warner
et Vivendi Universal. Leur modèle a-t-il vécu ?
Le fameux concept de convergence
entre tuyaux et contenus est lui aussi en voie d'extinction.
Ce concept peut avoir de la valeur dans une période
d'innovation où il faut inventer de nouvelles offres
et structurer le marché, donc pouvoir intervenir tout
au long de la chaîne de la valeur. Aujourd'hui, nous
n'en sommes plus là et chaque métier reprend, indépendamment,
de la valeur, d'où une nécessaire désintégration verticale.
Pour un groupe de diffusion, la logique est d'accueillir
le plus grand nombre de contenus. Et pour un groupe
de production, la logique est d'écouler ses contenus
sur le plus grand nombre de réseaux. Les synergies s'arrêtent
là.
Au
sein du secteur TMT, chaque acteur doit donc reprendre sa
place...
Absolument. Ce que doivent affronter
AOL Time Warner et Vivendi Universal est comparable
aux dérives recontrées dans le secteur
des télécoms. Avec l'Internet et le mobile,
les opérateurs et les fabricants de terminaux
ont également eu l'ambition de mettre un pied
dans le monde des contenus. Les grands networks qui
ont résisté à ce concept bénéficient
aujourd'hui d'une position stable et forte.
Un
autre marché a pris de l'essor dans le secteur
des télécoms : celui de l'accès
Internet. Les positions vous paraissent-elles établies
parmi les FAI ?
Nous sommes sur un marché neuf
où, en Europe, les opérateurs historiques
jouent un rôle clef. Les possibilités de
concentration sur ce marché sont encore possibles,
tant au niveau national qu'au niveau européen.
Et la situation financière de certains acteurs,
conjuguée à un manque de stratégie,
devrait favoriser des mouvements d'envergure dans les
mois qui viennent.
Estimez-vous
que les services mobiles, comme les SMS surtaxés
ou l'i-Mode, vont offrir une nouvelle marge de manoeuvre
aux opérateurs ?
Les opérateurs ont tiré les leçons
du Wap : pour que les services mobiles décollent, il
faut mettre en place une chaîne de valeurs qui s'appuie
aussi bien sur les fabricants de terminaux que sur les
éditeurs de services. Le Wap a commis une autre erreur
en cherchant à vendre une transposition brute de l'Internet
sur les mobiles. Il faut au contraire repenser l'Internet
pour les applications nomades, créer de nouveaux services
qui correspondent à d'autres besoins. Quoi qu'il en
soit, les nouveaux services mobiles ne connaîtront pas
un développement aussi rapide que celui que nous avons
connu en 1997-2000 avec le GSM. Nous sommes dans une
logique d'extension de marché et de développement de
nouveaux services, plus dans une révolution.
Au
milieu de cette bourrasque financière, que deviennent
les start-up ?
Pour les start-up, il y a une double
réalité. D'un côté, les investissements
sont devenus rares, surtout en seed capital. De l'autre,
l'e-transformation est un mouvement de fond qui continue.
Et nous sommes encore loin d'avoir trouvé les
bons modèles économiques et d'avoir fait
le tour des développements possibles. Il y a
donc de la place pour les start-up. Il faut être
patient et attendre que la mécanique d'investissement
se dégrippe.
Quelle
est la situation française en matière
de high-tech ?
Ce n'est pas une grande révélation
que de dire que la France n'est pas en pointe dans ce
domaine. En Europe, le Royaume-Uni et l'Allemagne restent
encore les marchés forts. Sinon, en matière
de veille, les Etats-Unis et le Japon sont les deux
marchés les plus avancés qu'il convient
de suivre attentivement.
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