INTERVIEW
 
Directrice de la communication
IBM/E&M
Catherine Ladousse
"Les directions de communication doivent s'approprier les outils technologiques pour les mettre au service de la stratégie"
Communication interne, externe ou financière : Internet et les nouvelles technologies de l'information ont évidemment un impact majeur sur la façon dont les entreprises prennent la parole et font passer leur(s) message(s). Ces nouveaux enjeux font partie des grands dossiers étudiés par Entreprises & médias, une association de directeurs de communication, qui leur a consacré une enquête détaillée. Retour sur cette enquête avec Catherine Ladousse, administratrice de l'association, qui fait aussi part de son expérience en tant que directrice de la communication d'IBM France.
10 mars 2003
 
          
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Article Dir'Com + NTIC : état des lieux (17/03/03)
Le site
IBM France

JDN. Vous êtes administratrice d'Entreprises & Médias. Quel est le but de cette association?
Catherine Ladousse. Elle regroupe des directeur de communication d'entreprises françaises ou étrangères installées en France et recouvre l'ensemble des secteurs du marché et des industries. L'association a pour objectif de partager nos expériences et de réfléchir sur nos métiers et leur évolution. C'est aussi un club "professionnel" qui permet de faire jouer une solidarité entre nous.

Que représente E&M aujourd'hui ?
Aujourd'hui, nous avons 120 membres actuellement directeurs de communication et une cinquantaine de personnes qui l'ont été et restent dans l'association. Elle est dirigée par une douzaine d'administrateurs élus pour cinq ans en assemblée générale et présidée par Isabelle Ockrent, la directrice de la communication d'Altadis.

Quelles sont les réalisations ?
Chaque année, nous menons un certain nombre d'études sur des thèmes prioritaires qui nous concernent en tant que communiquants d'une entreprise. Et nous avons un séminaire annuel de réflexion sur nos métiers. Chaque année, nous organisons aussi un voyage à l'étranger pour voir comment nos collègues européens gèrent ce métier. Nous faisons beaucoup de benchmarking.

E&M vient de réaliser une étude sur l'usage des technologies de l'information dans les directions de la communication. Quelle en a été la genèse ?
Cette étude est née d'un travail mené depuis trois ans par l'association et qui a démarré par un atelier sur les intranets, durant lequel nous avons comparé nos pratiques. Il y a deux ans, j'ai mené un groupe de travail d'une vingtaine de directeurs de communication sur l'utilisation des technologies dans de notre métier. J'ai fait venir des spécialistes, des experts pour voir les utilisations possibles de l'Internet dans notre métier (communication interne, externe, etc). A l'issue de ce groupe de travail, nous avons décidé d'analyser ce phénomène de façon beaucoup plus précise, de juger quelle était la réalité de l'utilisation de ces outils et surtout d'analyser les changements, puisque les entreprises transforment leurs processus pour tirer parti de la puissance de la technologie.

Peut-on parler d'un bouleversement ou simplement d'une évolution ?
Je pense que le changement est réel. C'est un phénomène aujourd'hui incontournable, même si l'étude montre qu'il y a des entreprises pionnières, car le marché dans lequel elles opèrent était plus propice, et d'autres qui sont allées plus prudemment. En revanche, il n'y a pas de changement profonds dans les principes et les objectifs de notre métier, qui sont d'obtenir la meilleure adéquation entre le message porté par l'entreprise et sa réception et l'adhésion du public. Nous sommes des médiateurs et nous devons utiliser le meilleur média pour que cette médiation soit la plus efficace, la plus conforme à l'image que veut donner l'entreprise à l'extérieur.

Où ont eu lieu les changements les plus notables ?
Prenez par exemple le cas d'une gestion de crise aujourd'hui : elle est obligatoirement touchée par le phénomène Internet. L'information circule à une vitesse importante, elle est amplifiée, difficile à maîtriser. C'est un inconvénient mais en même temps un avantage fantastique pour des groupes comme le notre qui disposent d'intranets permettant d'informer, par le biais de la messagerie, tous les employés en même temps. On peut immédiatement apporter une information, une réponse.

Comment se passe cette "e-transformation" de la communication dans les entreprises françaises?
On a vraiment dépassé le phénomène de mode, mais on est souvent dans des phases transitoires. Les supports traditionnels restent et sont parfois difficiles à remplacer par des supports en ligne. D'ailleurs, certains ne doivent pas être remplacés. Il n'y a pas de dogmatisme et si on est tous très conscients qu' il faut en tirer parti, ce n'est pas la panacée non plus. Le métier de la communication reste un métier, dans lequel on va s'approprier ces outils, les maîtriser pour les mettre au service de la stratégie.

Quels sont les grandes tendances dans chacun des aspects de votre activité ?
A une époque, on créait des intranets à l'intérieur de chaque division : dès qu'il y avait une communauté, ou presque, il y avait un intranet. Il y a certes une richesse et une démocratisation de l'information, mais le revers de la médaille est évidemment que le collaborateur ne sait plus où la trouver. Aujourd'hui, je dirais que la meilleure des tendances est la consolidation des intranets dans des portails d'entreprise et la personnalisation. L'autre point important est l'intégration via l'intranet de l'ensemble des services, qui du coup ne sont plus seulement l'affaire de la direction de la communication.

Le challenge aujourd'hui pour le management est de donner du sens au contenu, lui apporter, comme le dit l'étude, une "chaleur ajoutée". Ce n'est pas parce que qu'on va développer la communication en ligne, tant à l'interne qu'à l'externe, qu'on ne va pas valoriser le face à face, la rencontre. Mais la rencontre aura un sens plus fort et plus efficace et c'est pour ça qu'on considère que c'est une avancée. Le vrai sujet est de savoir comment le management peut non pas dominer l'outil mais le maîtriser et en profiter.

En matière de relations presse, la tendance est de proposer un maximum d'informations aux médias via les espaces presse, qui deviennent de plus en plus sophistiqués, pour que la relation directe avec les journalistes apporte une véritable valeur ajoutée. Je ne vais pas perdre du temps - ou en faire perdre à un journaliste - avec des éléments qui sont disponibles sur mon site, mais au contraire je vais donner du sens, faciliter la compréhension de ce qui est accessible. C'est exactement la même démarche qu'à l'interne.

A l'issue de cette étude, allez-vous faire des recommandations aux membres de l'association ?
On l'a présentée lors de notre séminaire et elle a été très appréciée. Il y a une forte prise conscience de l'importance de l'utilisation de l'Internet et des technologies dans notre métier, même si certaines entreprises l'utilisent moins que celles qui sont sur un marché international et sur des secteurs plus concernés comme les télécoms, la high-tech, etc. Mais on peut noter par exemple qu'au TopCom, nous avons donné le prix du site intranet à celui de la RATP pour les conducteurs de bus, qui est un site très intéressant, très pertinent, avec toute une série de services associés, de formations, etc.. Cela prouve qu'aujourd'hui, même dans les entreprises les plus traditionnelles, il y a un vrai changement. A La Poste par exemple, ils ont je ne sais combien d'intranets…

Vous êtes aussi directrice de la communication d'IBM, qui est à sa manière une entreprise traditionnelle. Quelles ont été les grandes étapes de la stratégie de communication en ligne d'IBM France ?
Dès 1984, IBM monde avait déjà un réseau interne de communication, via une messagerie interne sous Lotus, entre les 320.000 collaborateurs du groupe. En 1996, on a créé un intranet au niveau mondial, et ensuite, de 1996 à 1998 se sont créés de façon régulière des intranets dans les grandes régions, puis dans les pays. Aujourd'hui, il y a 2.000 sites intranets chez IBM, mais nous sommes dans une phase de transformation, allant notamment vers une plus grande personnalisation. Le collaborateur qui s'est référencé et a donné des informations sur son métier, ses goûts, ses intérêts va sur la page d'accueil de l'intranet mondial, qui est construite en fonction de ces centres d'intérêt, avec des informations françaises, par exemple sur les ressources humaines. Mais nous maintenons l'existence de sites intranet par pays. Notre intranet France par exemple, créé en 1998, joue un rôle de portail corporate, de relais vers les autres sites de la compagnie avec une intégration et une coordination très profondes. Nous avons été les premiers à supprimer toute publication papier régulière depuis maintenant trois ans. Je dirais que l'intranet est aujourd'hui le premier média de communication interne de la compagnie à travers le monde et présente tous les processus de l'entreprise, comme la gestion des demandes de voyage, tout ce qui fait la vie de l'entreprise. Le challenge aujourd'hui est de faire en sorte que l'intranet devienne l'outil qui donne le plus de bénéfices au collaborateur mais qu'en même temps, la communication interne puisse aider le manager à en tirer profit et jouer son rôle de "donneur de sens". C'est un point très important lorsque l'information est accessible, transparente et réactive.

Et sur la communication externe?
Nous avons crée un espace presse que l'on peut toujours améliorer. A coté des informations sur le groupe présentes sur le site mondial, nous essayons d'enrichir au maximum le site français via des dossiers de presse, des biographies, des photos. Pour faciliter la tâche des journalistes, nous avons crée une lettre électronique que nous sommes en train de revoir pour la rendre plus attractive. Même chose à l'interne où l'on a créé beaucoup des lettres électronique. L'idée n'est pas de remplacer la publication papier mais de proposer des liens, car ce support électronique n'est pas une copie conforme du support papier.

Dans les différents aspects de la communication d'IBM, l'effet des NTIC s'est-il fait sentir de la même façon?
La situation d'IBM est très spécifique, puisque c'est une entreprise e-Business. Nous nous sommes transformés et nous avons transformé tous nos processus, l'ensemble des relations de l'entreprise avec ses publics, fournisseurs, employés, clients, leaders d'opinion. Il y a donc eu un changement culturel très axé sur l'interne, car le collaborateur devenait celui d'une entreprise ayant orienté sa stratégie sur l'e-Business et nous devions appliquer ce que nous vendions et disions à nos clients : vous allez transformer votre entreprise, la rendre plus productive et plus efficace. Il est clair qu'à l'interne, nous avons mis plus de moyens pour permettre au collaborateur de devenir lui même acteur de la transformation e-business, en tant qu'intranaute par exemple. En revanche, pour la partie presse, nous n'avons pas complètement bouleversé nos méthodes de relation presse, de face à face, etc.

De quelle manière appréhendez-vous ces outils en terme de gestion de crise?
Dans la gestion de crise, le bénéfice majeur est la rapidité de l'information, ce dont on dispose pour expliquer à l'interne ce qui se passe. Chaque crise a un impact vis à vis de l'extérieur évidemment, des actionnaires, des clients, mais aussi vis à vis de l'interne. Grâce au développement des outils intranet et de messageries, on a une puissance de feu extraordinaire parce qu'on peut, quelques heures après une crise quelconque relayée par les médias, immédiatement donner un certain nombre d'informations et communiquer auprès des collaborateurs.

Concrètement, comment avez-vous réagi par exemple lors de l'affaire du système de notation des salariés révélée par Le Monde? (Lire l'article du Monde du 07/02/02)
Le fait de disposer de ces outils nous a permis d'expliquer aux collaborateurs quelle était la réalité de la situation par rapport à ce petit litige. Nous avons fait une vidéo avec notre présidente que nous avons mise sur l'intranet, donc accessible à tous nos collaborateurs, et 8.000 d'entre eux l'ont vue en 48 heures. Pour prendre un autre exemple, le 11 septembre 2001, tous les collaborateurs d'IBM à travers le monde ont reçu une heure après le drame un message du président du groupe expliquant ce que faisait IBM, quelle était notre réaction vis à vis des entreprises concernées et vis à vis du personnel. Ca a été un moment d'émotion partagée, vous pouviez surfer sur tous les intranets à travers les pays et tout le monde avait la même Une avec le message du président. Là, vous avez un sentiment d'appartenance impressionnant.

Qu'est-ce que vous aimez dans l'Internet au sens large ?
C'est passer du temps à surfer et découvrir parfois des informations que je n'avais pas du tout cherchées.

Et que n'aimez-vous pas ?
Les messages qui viennent me perturber et que je ne peux pas maîtriser et choisir. Tout ce qui vient perturber ma recherche m'agace.

 
Propos recueillis par François Bourboulon

PARCOURS
 
Catherine Ladousse est directrice de la dommunication d'IBM France depuis 1998. Elle est en charge de la communication institutionnelle, des relations avec les médias et les leaders d'opinion, de la communication interne, l'intranet et du mécénat. Elle est arrivée en 1995, chez IBM France en tant que responsable du service presse et des relations publiques de la division micro informatique pour la région Europe, Moyen Orient et Afrique. Auparavant, elle était directrice de la communication et de la satisfaction clientèle pour l'American Express Bank. Elle est diplômée de philosophie à l'université d'Aix-en-Provence et de l'Institut Français de Presse de l'université Paris II.

   
 
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