JDN.
Vous êtes administratrice d'Entreprises & Médias. Quel
est le but de cette association?
Catherine Ladousse. Elle
regroupe des directeur de communication d'entreprises
françaises ou étrangères installées en France et recouvre
l'ensemble des secteurs du marché et des industries.
L'association a pour objectif de partager nos expériences
et de réfléchir sur nos métiers et leur évolution. C'est
aussi un club "professionnel" qui permet de faire jouer
une solidarité entre nous.
Que
représente E&M aujourd'hui ?
Aujourd'hui, nous avons 120 membres
actuellement directeurs de communication et une cinquantaine
de personnes qui l'ont été et restent dans l'association.
Elle est dirigée par une douzaine d'administrateurs
élus pour cinq ans en assemblée générale et présidée
par Isabelle Ockrent, la directrice de la communication
d'Altadis.
Quelles
sont les réalisations ?
Chaque année, nous menons un certain
nombre d'études sur des thèmes prioritaires qui nous
concernent en tant que communiquants d'une entreprise.
Et nous avons un séminaire annuel de réflexion sur nos
métiers. Chaque année, nous organisons aussi un voyage
à l'étranger pour voir comment nos collègues européens
gèrent ce métier. Nous faisons beaucoup de benchmarking.
E&M
vient de réaliser une étude sur l'usage des technologies
de l'information dans les directions de la communication.
Quelle en a été la genèse ?
Cette étude est née d'un travail
mené depuis trois ans par l'association et qui a démarré
par un atelier sur les intranets, durant lequel nous
avons comparé nos pratiques. Il y a deux ans, j'ai mené
un groupe de travail d'une vingtaine de directeurs de
communication sur l'utilisation des technologies dans
de notre métier. J'ai fait venir des spécialistes, des
experts pour voir les utilisations possibles de l'Internet
dans notre métier (communication interne, externe, etc).
A l'issue de ce groupe de travail, nous avons décidé
d'analyser ce phénomène de façon beaucoup plus précise,
de juger quelle était la réalité de l'utilisation de
ces outils et surtout d'analyser les changements, puisque
les entreprises transforment leurs processus pour tirer
parti de la puissance de la technologie.
Peut-on
parler d'un bouleversement ou simplement d'une évolution
?
Je pense que le changement est réel.
C'est un phénomène aujourd'hui incontournable, même
si l'étude montre qu'il y a des entreprises pionnières,
car le marché dans lequel elles opèrent était plus propice,
et d'autres qui sont allées plus prudemment. En revanche,
il n'y a pas de changement profonds dans les principes
et les objectifs de notre métier, qui sont d'obtenir
la meilleure adéquation entre le message porté par l'entreprise
et sa réception et l'adhésion du public. Nous sommes
des médiateurs et nous devons utiliser le meilleur média
pour que cette médiation soit la plus efficace, la plus
conforme à l'image que veut donner l'entreprise à l'extérieur.
Où
ont eu lieu les changements les plus notables ?
Prenez par exemple le cas d'une gestion
de crise aujourd'hui : elle est obligatoirement touchée
par le phénomène Internet. L'information circule à une
vitesse importante, elle est amplifiée, difficile à
maîtriser. C'est un inconvénient mais en même temps
un avantage fantastique pour des groupes comme le notre
qui disposent d'intranets permettant d'informer, par
le biais de la messagerie, tous les employés en même
temps. On peut immédiatement apporter une information,
une réponse.
Comment
se passe cette "e-transformation" de la communication
dans les entreprises françaises?
On a vraiment dépassé le phénomène de
mode, mais on est souvent dans des phases transitoires.
Les supports traditionnels restent et sont parfois difficiles
à remplacer par des supports en ligne. D'ailleurs, certains
ne doivent pas être remplacés. Il n'y a pas de dogmatisme
et si on est tous très conscients qu' il faut en tirer
parti, ce n'est pas la panacée non plus. Le métier de
la communication reste un métier, dans lequel on va
s'approprier ces outils, les maîtriser pour les mettre
au service de la stratégie.
Quels
sont les grandes tendances dans chacun des aspects de
votre activité ?
A une époque, on créait des
intranets à l'intérieur de chaque division : dès qu'il
y avait une communauté, ou presque, il y avait un intranet.
Il y a certes une richesse et une démocratisation de
l'information, mais le revers de la médaille est évidemment
que le collaborateur ne sait plus où la trouver. Aujourd'hui,
je dirais que la meilleure des tendances est la consolidation
des intranets dans des portails d'entreprise et la personnalisation.
L'autre point important est l'intégration via l'intranet
de l'ensemble des services, qui du coup ne sont plus
seulement l'affaire de la direction de la communication.
Le challenge aujourd'hui pour
le management est de donner du sens au contenu, lui
apporter, comme le dit l'étude, une "chaleur ajoutée".
Ce n'est pas parce que qu'on va développer la communication
en ligne, tant à l'interne qu'à l'externe, qu'on ne
va pas valoriser le face à face, la rencontre. Mais
la rencontre aura un sens plus fort et plus efficace
et c'est pour ça qu'on considère que c'est une avancée.
Le vrai sujet est de savoir comment le management peut
non pas dominer l'outil mais le maîtriser et en profiter.
En matière de relations presse,
la tendance est de proposer un maximum d'informations
aux médias via les espaces presse, qui deviennent de
plus en plus sophistiqués, pour que la relation directe
avec les journalistes apporte une véritable valeur ajoutée.
Je ne vais pas perdre du temps - ou en faire perdre
à un journaliste - avec des éléments qui sont disponibles
sur mon site, mais au contraire je vais donner du sens,
faciliter la compréhension de ce qui est accessible.
C'est exactement la même démarche qu'à l'interne.
A
l'issue de cette étude, allez-vous faire des recommandations
aux membres de l'association ?
On l'a présentée lors de notre séminaire
et elle a été très appréciée. Il y a une forte prise
conscience de l'importance de l'utilisation de l'Internet
et des technologies dans notre métier, même si certaines
entreprises l'utilisent moins que celles qui sont sur
un marché international et sur des secteurs plus concernés
comme les télécoms, la high-tech, etc. Mais on peut
noter par exemple qu'au TopCom, nous avons donné le
prix du site intranet à celui de la RATP pour les conducteurs
de bus, qui est un site très intéressant, très pertinent,
avec toute une série de services associés, de formations,
etc.. Cela prouve qu'aujourd'hui, même dans les entreprises
les plus traditionnelles, il y a un vrai changement.
A La Poste par exemple, ils ont je ne sais combien d'intranets
Vous
êtes aussi directrice de la communication d'IBM, qui
est à sa manière une entreprise traditionnelle. Quelles
ont été les grandes étapes de la stratégie de communication
en ligne d'IBM France ?
Dès 1984, IBM monde avait déjà un réseau
interne de communication, via une messagerie interne
sous Lotus, entre les 320.000 collaborateurs du groupe.
En 1996, on a créé un intranet au niveau mondial, et
ensuite, de 1996 à 1998 se sont créés de façon régulière
des intranets dans les grandes régions, puis dans les
pays. Aujourd'hui, il y a 2.000 sites intranets chez
IBM, mais nous sommes dans une phase de transformation,
allant notamment vers une plus grande personnalisation.
Le collaborateur qui s'est référencé et a donné des
informations sur son métier, ses goûts, ses intérêts
va sur la page d'accueil de l'intranet mondial, qui
est construite en fonction de ces centres d'intérêt,
avec des informations françaises, par exemple sur les
ressources humaines. Mais nous maintenons l'existence
de sites intranet par pays. Notre intranet France par
exemple, créé en 1998, joue un rôle de portail corporate,
de relais vers les autres sites de la compagnie avec
une intégration et une coordination très profondes.
Nous avons été les premiers à supprimer toute publication
papier régulière depuis maintenant trois ans. Je dirais
que l'intranet est aujourd'hui le premier média de communication
interne de la compagnie à travers le monde et présente
tous les processus de l'entreprise, comme la gestion
des demandes de voyage, tout ce qui fait la vie de l'entreprise.
Le challenge aujourd'hui est de faire en sorte que l'intranet
devienne l'outil qui donne le plus de bénéfices au collaborateur
mais qu'en même temps, la communication interne puisse
aider le manager à en tirer profit et jouer son rôle
de "donneur de sens". C'est un point très important
lorsque l'information est accessible, transparente et
réactive.
Et
sur la communication externe?
Nous avons crée un espace presse que
l'on peut toujours améliorer. A coté des informations
sur le groupe présentes sur le site mondial, nous essayons
d'enrichir au maximum le site français via des dossiers
de presse, des biographies, des photos. Pour faciliter
la tâche des journalistes, nous avons crée une lettre
électronique que nous sommes en train de revoir pour
la rendre plus attractive. Même chose à l'interne où
l'on a créé beaucoup des lettres électronique. L'idée
n'est pas de remplacer la publication papier mais de
proposer des liens, car ce support électronique n'est
pas une copie conforme du support papier.
Dans
les différents aspects de la communication d'IBM, l'effet
des NTIC s'est-il fait sentir de la même façon?
La situation d'IBM est très
spécifique, puisque c'est une entreprise e-Business.
Nous nous sommes transformés et nous avons transformé
tous nos processus, l'ensemble des relations de l'entreprise
avec ses publics, fournisseurs, employés, clients, leaders
d'opinion. Il y a donc eu un changement culturel très
axé sur l'interne, car le collaborateur devenait celui
d'une entreprise ayant orienté sa stratégie sur l'e-Business
et nous devions appliquer ce que nous vendions et disions
à nos clients : vous allez transformer votre entreprise,
la rendre plus productive et plus efficace. Il est clair
qu'à l'interne, nous avons mis plus de moyens pour permettre
au collaborateur de devenir lui même acteur de la transformation
e-business, en tant qu'intranaute par exemple. En revanche,
pour la partie presse, nous n'avons pas complètement
bouleversé nos méthodes de relation presse, de face
à face, etc.
De
quelle manière appréhendez-vous ces outils en terme
de gestion de crise?
Dans la gestion de crise, le bénéfice
majeur est la rapidité de l'information, ce dont on
dispose pour expliquer à l'interne ce qui se passe.
Chaque crise a un impact vis à vis de l'extérieur évidemment,
des actionnaires, des clients, mais aussi vis à vis
de l'interne. Grâce au développement des outils intranet
et de messageries, on a une puissance de feu extraordinaire
parce qu'on peut, quelques heures après une crise quelconque
relayée par les médias, immédiatement donner un certain
nombre d'informations et communiquer auprès des collaborateurs.
Concrètement,
comment avez-vous réagi par exemple lors de l'affaire
du système de notation des salariés révélée par Le Monde?
(Lire l'article
du Monde du 07/02/02)
Le
fait de disposer de ces outils nous a permis d'expliquer
aux collaborateurs quelle était la réalité de la situation
par rapport à ce petit litige. Nous avons fait une vidéo
avec notre présidente que nous avons mise sur l'intranet,
donc accessible à tous nos collaborateurs, et 8.000
d'entre eux l'ont vue en 48 heures. Pour prendre un
autre exemple, le 11 septembre 2001, tous les collaborateurs
d'IBM à travers le monde ont reçu une heure après le
drame un message du président du groupe expliquant ce
que faisait IBM, quelle était notre réaction vis à vis
des entreprises concernées et vis à vis du personnel.
Ca a été un moment d'émotion partagée, vous pouviez
surfer sur tous les intranets à travers les pays et
tout le monde avait la même Une avec le message du président.
Là, vous avez un sentiment d'appartenance impressionnant.
Qu'est-ce
que vous aimez dans l'Internet au sens large ?
C'est passer du temps à surfer et découvrir
parfois des informations que je n'avais pas du tout
cherchées.
Et
que n'aimez-vous pas ?
Les messages qui viennent me perturber
et que je ne peux pas maîtriser et choisir. Tout ce
qui vient perturber ma recherche m'agace.
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