INTERVIEW
 
Directeur délégué à l'innovation
Air France
Bertrand Lebel
"Titre"
En juin dernier, Air France dévoilait un chantier ambitieux sur l'Internet (lire l'article JDNet du 10/06/2000). Placé sous le signe de la réorganisation et du redéploiement, ce projet vise le lancement d'une nouvelle génération de sites Air France au plan international. Avec ce chantier, la compagnie aérienne, qui détient à ce jour 36 sites différents sur la Toile, affiche clairement sa volonté : faire de l'Internet un nouveau canal capable d'épauler à la fois sa stratégie commerciale et ses différents métiers (fret, maintenance, approvisionnements...). Pour marquer un peu plus cette volonté, Jean-Cyril Spinetta, le PDG d'Air France, a présenté pour la première fois mercredi 29 novembre à 18h, en direct sur le Net, les résultats de la compagnie pour le 1er semestre 2000. Au coeur de ce vaste chantier, Bertrand Lebel, "l'homme-orchestre" du développement e-business d'Air France.28 novembre 2000
 
          

JDNet. Quel est le constat qui a poussé Air France à refondre complétement sa stratégie Internet ?
Bertrand Lebel. Le constat a été dressé par la direction générale au cours du premier trimestre 2000. Air France possède un grand nombre de sites qui ont vu le jour au fur et à mesure de nos développement sur Internet. Or ces sites sont souvent nés de manière indépendante. Pour Air France, cette première phase était celle du défrichage sur Internet. Maintenant, nous passons à l'étape suivante. Et pour monter en puissance, il nous faut faire preuve de cohérence et avoir une démarche plus structurée. Car nous étions dans une situation où la gestion des projets Internet ne permettait plus d'aller assez vite et où les interconnexions avec les différents métiers de l'entreprise n'étaient pas assez développées.

Cette phase "numéro deux" englobe-t-elle également une refonte du système d'information ?
Comme l'explique notre directeur informatique, avec ou sans Internet, la remise à plat de notre système d'information était nécessaire ! Cela fait trois années consécutives que les budgets alloués à l'informatique chez Air France sont en constante augmentation. Il y a eu une réelle prise de conscience de la part du comité exécutif sur la nécessité de mettre à niveau notre système d'information. C'est un vaste chantier en profondeur.

Sur quelle structure s'appuie ce chantier Internet ?
A partir du début 2001, nous allons créer un accélérateur en interne. Il s'agit d'un plateau implanté à Roissy où toutes les compétences seront réunies : marketing, chefs de projet, webmastering, design... Les effectifs de cet accélérateur devraient être d'une vingtaine de personnes à sa création pour atteindre rapidement la quarantaine. Nous travaillerons également avec des prestataires externes qui nous appuieront sur tel ou tel projet.

A l'image du Crédit Lyonnais, n'avez-vous pas l'intention de racheter une Web-agency pour internaliser certaines compétences ?
C'est une solution que nous aurions pu étudier, notamment pour gagner du temps et aller plus vite dans la réforme de nos activités Internet. Mais l'intégration d'un corps étranger est aussi quelque chose de très délicat et qui peut prendre beaucoup de temps avant d'être opérationnel.

De quelle manière cette structure va-t-elle irradier la logique Internet au sein de l'entreprise ?
Faire de l'Internet c'est être capable d'aller vite et d'avoir les bons interlocuteurs. Nous avons donc mis en place quatre personnes dans des services clés qui sont les relais pour nos activités Internet. Nous avons ainsi un "e-communication", un "e-informatique", un "e-venture" et un "e-DRH". Ces quatre personnes sont nos interfaces privilégiées et nous permettent d'être plus efficaces pour déployer un plan de communication, pour être en phase avec le système d'information, pour avoir les moyens financiers nécessaires et pour disposer des bonnes ressources humaines.

La possibilité qu'Air France fournisse un ordinateur à l'ensemble du personnel a été récemment évoquée. Où en êtes-vous ?
C'est toujours un sujet d'actualité, qui devrait voir le jour dans le courant 2001. C'est pour nous une opération nécessaire. Il ne faut pas oublier qu'une partie de notre personnel, les naviguants, sont des nomades permanents qui passent peu de temps dans les locaux d'Air France. Pour cette catégorie, et pour l'ensemble du personnel, il est donc très important que la sensibilisation à l'Internet puisse avoir lieu. Le fait de proposer un ordinateur est un très bon levier.

Au niveau grand public, quels vont être les impacts de cette nouvelle stratégie Internet ?
Le chantier des sites grand public va se dérouler en deux temps. Tout d'abord, pour le printemps 2001, nous visons l'harmonisation complète de nos sites avec une base technique commune. Cette première phase correspond également avec une extension géographique de nos activités online. Nous allons ouvrir un site Air France dans 14 nouveaux pays, soit un total de 20 sites grand public. La seconde phase est, elle, celle de la refonte complète des sites et devrait voir le jour au cours de l'été 2001. Pour cela, nous travaillons sur la fiabilisation, sur le développement d'un nouveau moteur de recherche sur les vols, sur l'ergonomie et sur le concept de paiement. Notre objectif est de s'approcher du "one clic shopping" en permettant de réserver un vol en 4 clics. Nous devons donc travailler sur la personnalisation du site pour que celui-ci réponde le mieux possible aux attentes des internautes. Pour être le plus efficace possible, notre idée est, par exemple, de proposer la réservation en ligne sans paiement. Nous allons aussi enrichir le contenu des sites et proposer des produits conjoints : location de voiture, réservation d'hôtel...

Avec cette nouvelle version, le site Air France va-t-il devenir un véritable outil commercial ?
C'est un de nos objectifs. Nous allons clairement utiliser le site comme un nouveau support de communication. Il nous reste à définir la politique commerciale que nous allons mettre en oeuvre sur Internet. Ce volet passe notamment par une réflexion sur les tarifs qui seront proposés en ligne. Il se peut que pour amorcer la pompe, nous favorisions les sites avec des tarifs plus attractifs.

Qu'attendez-vous en termes de résultats de cette future version ?
Aujourd'hui, les ventes en ligne représentent 1% des volumes chez Air France. Pour la fin 2001, nous misons sur une fourchette de 3 à 5% et, à l'horizon 2004, nous souhaitons atteindre les 20%. Au-delà de 20%, je pense que les parts seront plus difficiles à conquérir. Le call-center reste en effet un outil très performant pour la réservation des vols.

Quel est le budget prévu pour cette nouvelle version ?
Il est très difficile de répondre, tant les ramifications de l'Internet sont nombreuses notamment dans le domaine informatique. Si on se focalise strictement à la mise en place du nouveau site, nous sommes sur un budget de quelque dizaines de millions de francs.

Vous avez lancé pendant l'été la vente aux enchères et des opérations promotionnelles. Quels en sont les retours ?
Ces modes de commercialisation permettent surtout d'augmenter la fréquentation du site. Ils représentent aujourd'hui 20% des ventes que nous réalisons en ligne. Mais je ne crois pas en la pérennité de telles opérations. Ce sont des coups de communication qui seront peu à peu noyés dans des offres beaucoup plus riches et performantes.

En mai dernier, onze compagnies aériennes européennes, dont Air France, annonçaient le lancement futur d'un portail Internet de vente de produits et de services liés aux voyages. Quel est l'objectif de cette initiative ?
Cette venture correspond surtout à la volonté des compagnies de marquer leur présence sur le marché des agences virtuelles. Tout comme dans la vente physique, où les compagnies disposent de leur propre agence, nous devons être présents dans le virtuel afin d'orienter ce nouveau modèle de distribution.

Dans le cadre de cette refonte des activités Internet, allez-vous adresser les marchés professionnels ?
Nous allons lancer des activités à destination des grands comptes. Ce système viendra s'interfacer avec les intranets des entreprises afin de proposer de la vente directe pour les voyages d'affaires. Nous étudions également une solution qui répondrait aux demandes des PME-PMI.

Est-ce facile d'être le "monsieur Internet" au sein d'une entreprise de la taille d'Air France ?
Il est vrai qu'Internet bouscule un peu les habitudes, dérange et perturbe l'organisation. Par nature, nous devons en effet travailler de manière très transversale sur les projets Internet. Mais la prise de conscience au niveau de la direction générale est très forte quant aux enjeux de l'Internet. Tout va donc très vite et je crois que l'Internet apporte un nouveau souffle et une nouvelle façon de travailler. C'est d'ailleurs ma seconde mission au sein d'Air France : réfléchir sur l'organisation et la structuration de l'entreprise.

Quels sont vos sites préférés ?
J'aime beaucoup le site du Monde et celui de l'AFP pour être tenu au courant de l'actualité. Sinon, je regarde très souvent les sites de nos concurrents !

Achetez-vous sur Internet ?
Très peu. J'utilise juste Télémarket pour les courses, mais je le faisais déjà à l'époque du Minitel.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
L'ubiquité et les ressources disponibles grâce aux moteurs de recherche. Ce sont vraiment les plus belles réalisations aujourd'hui disponibles sur la Toile.

A l'inverse, que détestez-vous ?
Le côté "mode" que développe parfois l'Internet. Mais les choses deviennent aujourd'hui plus sérieuses. Il y a aussi les temps d'affichage trop longs, qui me laissent penser que nous en sommes vraiment au début...

 
Propos recueillis par Ludovic Desautez

PARCOURS
 
Agé de 45 ans, Bertrand Lebel est docteur en physique et titulaire d'un MBA. Il crée en 1982 une entreprise spécialisée dans la fourniture des outils d'analyse informatique pour les directions du Marketing. Il intègre ensuite le cabinet Bernard Krief en tant que manager chargé de développer la clientèle dans le domaine des hautes technologies. En 1991, il rejoint le cabinet S2Com Consulting en tant qu'associé en charge du développement. Il rejoint Air France en 1998 en tant que directeur de l'organisation. En avril 2000, il est nommé Directeur de l'innovation auprès du Directeur Général, il est notamment chargé d'impulser et de promouvoir l'Internet dans tous les domaines d'activité de la compagnie.

   
 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International