JDNet.
Quel est le constat qui a poussé Air France à
refondre complétement sa stratégie Internet ?
Bertrand Lebel.
Le constat a été
dressé par la direction générale au cours
du premier trimestre 2000. Air France possède un grand
nombre de sites qui ont vu le jour au fur et à mesure
de nos développement sur Internet. Or ces sites sont
souvent nés de manière indépendante.
Pour Air France, cette première phase était
celle du défrichage sur Internet. Maintenant, nous
passons à l'étape suivante. Et pour monter en
puissance, il nous faut faire preuve de cohérence et
avoir une démarche plus structurée. Car nous
étions dans une situation où la gestion des
projets Internet ne permettait plus d'aller assez vite et
où les interconnexions avec les différents métiers
de l'entreprise n'étaient pas assez développées.
Cette phase
"numéro deux" englobe-t-elle également
une refonte du système d'information ?
Comme
l'explique notre directeur informatique, avec ou sans Internet,
la remise à plat de notre système d'information
était nécessaire ! Cela fait trois années
consécutives que les budgets alloués à
l'informatique chez Air France sont en constante augmentation.
Il y a eu une réelle prise de conscience de la part
du comité exécutif sur la nécessité
de mettre à niveau notre système d'information.
C'est un vaste chantier en profondeur.
Sur quelle
structure s'appuie ce chantier Internet ?
A
partir du début 2001, nous allons créer un accélérateur
en interne. Il s'agit d'un plateau implanté à
Roissy où toutes les compétences seront réunies :
marketing, chefs de projet, webmastering, design... Les effectifs
de cet accélérateur devraient être d'une
vingtaine de personnes à sa création pour atteindre
rapidement la quarantaine. Nous travaillerons également
avec des prestataires externes qui nous appuieront sur tel
ou tel projet.
A l'image
du Crédit Lyonnais, n'avez-vous pas l'intention de
racheter une Web-agency pour internaliser certaines compétences ?
C'est
une solution que nous aurions pu étudier, notamment
pour gagner du temps et aller plus vite dans la réforme
de nos activités Internet. Mais l'intégration
d'un corps étranger est aussi quelque chose de très
délicat et qui peut prendre beaucoup de temps avant
d'être opérationnel.
De quelle
manière cette structure va-t-elle irradier la logique
Internet au sein de l'entreprise ?
Faire
de l'Internet c'est être capable d'aller vite et d'avoir
les bons interlocuteurs. Nous avons donc mis en place quatre
personnes dans des services clés qui sont les relais
pour nos activités Internet. Nous avons ainsi un "e-communication",
un "e-informatique", un "e-venture" et
un "e-DRH". Ces quatre personnes sont nos interfaces
privilégiées et nous permettent d'être
plus efficaces pour déployer un plan de communication,
pour être en phase avec le système d'information,
pour avoir les moyens financiers nécessaires et pour
disposer des bonnes ressources humaines.
La possibilité
qu'Air France fournisse un ordinateur à l'ensemble
du personnel a été récemment évoquée.
Où en êtes-vous ?
C'est
toujours un sujet d'actualité, qui devrait voir le
jour dans le courant 2001. C'est pour nous une opération
nécessaire. Il ne faut pas oublier qu'une partie de
notre personnel, les naviguants, sont des nomades permanents
qui passent peu de temps dans les locaux d'Air France. Pour
cette catégorie, et pour l'ensemble du personnel, il
est donc très important que la sensibilisation à
l'Internet puisse avoir lieu. Le fait de proposer un ordinateur
est un très bon levier.
Au niveau
grand public, quels vont être les impacts de cette nouvelle
stratégie Internet ?
Le
chantier des sites grand public va se dérouler en deux
temps. Tout d'abord, pour le printemps 2001, nous visons l'harmonisation
complète de nos sites avec une base technique commune.
Cette première phase correspond également avec
une extension géographique de nos activités
online. Nous allons ouvrir un site Air France dans 14 nouveaux
pays, soit un total de 20 sites grand public. La seconde phase
est, elle, celle de la refonte complète des sites et
devrait voir le jour au cours de l'été 2001.
Pour cela, nous travaillons sur la fiabilisation, sur le développement
d'un nouveau moteur de recherche sur les vols, sur l'ergonomie
et sur le concept de paiement. Notre objectif est de s'approcher
du "one clic shopping" en permettant de réserver
un vol en 4 clics. Nous devons donc travailler sur la personnalisation
du site pour que celui-ci réponde le mieux possible
aux attentes des internautes. Pour être le plus efficace
possible, notre idée est, par exemple, de proposer
la réservation en ligne sans paiement. Nous allons
aussi enrichir le contenu des sites et proposer des produits
conjoints : location de voiture, réservation d'hôtel...
Avec cette
nouvelle version, le site Air France va-t-il devenir un véritable
outil commercial ?
C'est
un de nos objectifs. Nous allons clairement utiliser le site
comme un nouveau support de communication. Il nous reste à
définir la politique commerciale que nous allons mettre
en oeuvre sur Internet. Ce volet passe notamment par une réflexion
sur les tarifs qui seront proposés en ligne. Il se
peut que pour amorcer la pompe, nous favorisions les sites
avec des tarifs plus attractifs.
Qu'attendez-vous
en termes de résultats de cette future version ?
Aujourd'hui,
les ventes en ligne représentent 1% des volumes chez
Air France. Pour la fin 2001, nous misons sur une fourchette
de 3 à 5% et, à l'horizon 2004, nous souhaitons
atteindre les 20%. Au-delà de 20%, je pense que les
parts seront plus difficiles à conquérir. Le
call-center reste en effet un outil très performant
pour la réservation des vols.
Quel est
le budget prévu pour cette nouvelle version ?
Il
est très difficile de répondre, tant les ramifications
de l'Internet sont nombreuses notamment dans le domaine informatique.
Si on se focalise strictement à la mise en place du
nouveau site, nous sommes sur un budget de quelque dizaines
de millions de francs.
Vous avez
lancé pendant l'été la vente aux enchères
et des opérations promotionnelles. Quels en sont les
retours ?
Ces
modes de commercialisation permettent surtout d'augmenter
la fréquentation du site. Ils représentent aujourd'hui
20% des ventes que nous réalisons en ligne. Mais je
ne crois pas en la pérennité de telles opérations.
Ce sont des coups de communication qui seront peu à
peu noyés dans des offres beaucoup plus riches et performantes.
En mai
dernier, onze compagnies aériennes européennes,
dont Air France, annonçaient le lancement futur d'un
portail Internet de vente de produits et de services liés
aux voyages. Quel est l'objectif de cette initiative ?
Cette
venture correspond surtout à la volonté des
compagnies de marquer leur présence sur le marché
des agences virtuelles. Tout comme dans la vente physique,
où les compagnies disposent de leur propre agence,
nous devons être présents dans le virtuel afin
d'orienter ce nouveau modèle de distribution.
Dans le
cadre de cette refonte des activités Internet, allez-vous
adresser les marchés professionnels ?
Nous
allons lancer des activités à destination des
grands comptes. Ce système viendra s'interfacer avec
les intranets des entreprises afin de proposer de la vente
directe pour les voyages d'affaires. Nous étudions
également une solution qui répondrait aux demandes
des PME-PMI.
Est-ce
facile d'être le "monsieur Internet" au sein
d'une entreprise de la taille d'Air France ?
Il
est vrai qu'Internet bouscule un peu les habitudes, dérange
et perturbe l'organisation. Par nature, nous devons en effet
travailler de manière très transversale sur
les projets Internet. Mais la prise de conscience au niveau
de la direction générale est très forte
quant aux enjeux de l'Internet. Tout va donc très vite
et je crois que l'Internet apporte un nouveau souffle et une
nouvelle façon de travailler. C'est d'ailleurs ma seconde
mission au sein d'Air France : réfléchir
sur l'organisation et la structuration de l'entreprise.
Quels sont
vos sites préférés ?
J'aime
beaucoup le site du Monde et celui de l'AFP pour être
tenu au courant de l'actualité. Sinon, je regarde très
souvent les sites de nos concurrents !
Achetez-vous
sur Internet ?
Très
peu. J'utilise juste Télémarket pour les courses,
mais je le faisais déjà à l'époque
du Minitel.
Qu'aimez-vous
sur Internet ?
L'ubiquité
et les ressources disponibles grâce aux moteurs de recherche.
Ce sont vraiment les plus belles réalisations aujourd'hui
disponibles sur la Toile.
A l'inverse,
que détestez-vous ?
Le
côté "mode" que développe parfois
l'Internet. Mais les choses deviennent aujourd'hui plus sérieuses.
Il y a aussi les temps d'affichage trop longs, qui me laissent
penser que nous en sommes vraiment au début...
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