INTERVIEW
 
PDG
Reuters France
Christian Lévesque
"Titre"
Internet est dorénavant au coeur de la stratégie de Reuters. L'agence de presse mondiale compte actuellement 900 sites Internet clients et toucherait 50 millions d'utilisateurs. En France, Reuters alimente 29 webs. Le service photos couvre des sites comme Yahoo, Nomade, la Poste, AOL ou Boursorama. Reuters Worlwide prévoit un investissement de 500 millions de livres sterling en quatre ans destiné à accompagner ses clients dans la migration réseaux privés-Internet. Par exemple, Reuters compte ouvrir un portail financier multilingue MyPersonal Finance (le projet démarrera en Grande-Bretagne, puis touchera l'Allemagne avant la zone francophone courant 2001). D'ici à la fin de l'année, Reuters disposera de 21 services en ligne. L'objectif est de conquérir de nouveaux marchés, qui se rapprochent de plus en plus du grand public. L'agence de presse d'origine britannique n'hésite pas à investir dans de nouvelles technologies autour de la diffusion de l'information en ligne. C'est le cas avec le langage NewsML (basé sur le XML et qui permet de créer des dépêches mêlant textes, images et vidéos). Reuters France devrait réaliser un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de francs (3,5% du chiffre d'affaires global).09 novembre 2000
 
          

JDNet. Reuters a dédié l'année 2000 à Internet. Pourquoi ne l'avoir pas fait plus tôt ?
Christian Lévesque. L'année dernière, nous avions annoncé notre engagement. La stratégie Internet a été annoncée au marché en février 2000 par notre PDG, Peter Job. Nous appréhendons maintenant beaucoup mieux les enjeux. Nous avons plus de technologie afin que l'information soit bien livrée et que la transaction soit assurée.

Quels types de clients s'abonnent à Reuters pour leurs activités en ligne ?

Il y a deux types d'acteurs. Les premiers sont les journaux qui créent leurs sites en ligne. Nous avons avec eux des accords contractuels tradionnels qui nécessitent un avenant pour l'exploitation en ligne des dépêches. Les autres sites sont essentiellement ceux dédiés aux conseils financiers ou les redistributeurs professionnels, comme les courtiers en ligne. Il y a beaucoup d'informations sur le Net mais nous pensons que les acteurs vont avoir besoin d'une information estampillée, labellisée. Les portails comme AOL, Yahoo, Wanadoo sont des clients importants.

Vous entrez en concurrence avec les fils de l'AFP. Comment vous différenciez-vous?
Il est vrai que pour des sites grand public, la présence de deux agences de presse n'est peut-être pas jugée importante. Il ne faut pas oublier que notre point fort, ce sont les clients professionnels. Parfois, je dis que nous ne sommes pas concurrents de l'AFP, nous sommes complémentaires. Dans les grandes rédactions comme Le Figaro, Le Monde et Libération, il est utile d'avoir deux vues. Reuters a une vue peut-être plus internationale et nous présentons des angles différents.

Comment voulez-vous accompagner vos clients dans la transition Internet ?

Nous allons commencer en 2001. Je pense que les clients vont en profiter car ces changements vont leur permettre de réaliser des économies de coût. Les liaisons Internet, globalement, sont moins chères que nos réseaux privés. Le client n'aura plus besoin d'acheter un équipement à Reuters. En principe, il paiera moins cher mais il faut espérer que la performance réseau soit aussi bonne en terme de "streaming".

Comment s'organise le desk multimédia de Reuters France ?
Nous avons huit journalistes qui font du contenu, c'est à dire qui prennent les dépêches de la rédaction pour les repackager, voir ce qui a un sens pour l'Internet et pour le marché de masse. Ils marient la photo et le texte.

Quelle est la fonction de Greenhouse Fund, le fonds d'investissement de Reuters ?
C'est une pépinière pour les nouvelles technologies. On a commencé à investir à Palo Alto à la recherche de start-up (ça a été le cas avec Yahoo). On a pris des participations dans des "garages" (petites structures), dans des technologie autour de la sécurité en ligne, des moyens de paiement. A terme, l'objectif est d'implanter ces technologies dans nos produits. Nous voulons que ces investissements soient lucratifs. Quelques années, plus tard, nous sortons de ces sociétés en ayant tiré des bénéfices.

Il y a beaucoup de médias en ligne qui empiètent sur votre terrain, celui de l'immédiateté de l'information...
Nous l'observons avec beaucoup de sérénité. Effectivement, avec l'Internet, les journalistes n'ont plus besoin de faire des gros investissements en équipement et en infrastructure. L'avantage que nous conservons, c'est le réseau global avec nos bureaux dans le monde entier.

En terme d'information continue, les médias en ligne ont anticipé l'élection de George W. Bush le jour des résultats. N'avez-vous pas peur que la diffusion de dépêches d'agences de presse sur les médias en ligne amplifie l'écho et, du coup, la confusion ?
Les hésitations et les incertitudes constituent une nouvelle en soi. Il est clair que cela a un effet amplificateur mais on observe le même phénomène pour les chaînes de télévisions d'information en continu. Nous y sommes habitués car nous avons l'obligation du temps réel. Reuters est présent dans les salles de marché depuis des années. Les enjeux financiers sur ces places sont considérables. Nous avons appris à ne pas nous tromper. Il y a beaucoup de rumeurs sur les places de marché et nous voulons créer un réflexe, que les gens se disent : "L'information n'est pas sûre, attendons sa diffusion par Reuters".

Connaissez-vous des problèmes de diffusion illicite d'informations estampillées Reuters sur Internet ?
Il faut être très vigilant. Nous effectuons une veille en la matière, pour les textes ou les photos. Nous trouvons souvent de petits sites qui se lancent et qui prennent nos informations. Nous leur envoyons un courrier pour leur indiquer les droits à payer s'ils veulent diffuser nos informations. Sinon, on poursuit. C'est arrivé une ou deux fois en France mais rien de significatif.

Eric Giuly a récemment démissionné de ses fonctions de PDG de l'AFP, dénonçant notamment les carences en matière de stratégie multimédia. Qu'en pensez-vous ?
J'ai beaucoup de sympathie pour ce qu'a essayé de faire Giuly. L'AFP produit aussi des services de qualité mais ils sont un problème fondamental au niveau du management.

Reuters France dispose de quatre filiales détenues à 100% : Effix Systems (développeurs de systèmes), Marvin (créateur et éditeur d'applications financiers), Agence de Presse Médicale et ORT (informations sur les sociétés). Il possède également une participation de 34,2% dans GL Trade (solutions de négociation sur les Bourses).

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Christian Lévesque, 54 ans, a trente ans d'ancienneté dans le groupe Reuters où il a été engagé à Paris en qualité d'attaché commercial en avril 1970. De 1973 à 1976, il prend diverses fonctions de direction des ventes pour la Suisse. En 1979, il prend les fonctions de directeur général du Brésil puis directeur des ventes et du marketing pour l'Espagne. En 1987, Christian Lévesque devient directeur des ventes au Luxembourg. En 1991, il exerce ces fonctions pour l'Espagne. Depuis juillet 1998, il occupe le poste de Directeur pour la France.

   
 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International