INTERVIEW
 
Fondateur
Nouvelles Frontières
Jacques Maillot
"Titre"
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Le groupe allemand TUI (nouvelle dénomination de Preussag) s'apprête à prendre le contrôle total de Nouvelles Frontières, premier voyagiste français fondé par Jacques Maillot en 1967. Ce dernier va céder progressivement l'ensemble de sa participation, évaluée à 150 millions d'euros. Jacques Maillot revient sur la stratégie de NF sur l'Internet (où il est présent depuis 1995, ce qui a d'ailleurs valu à Jacques Maillot de recevoir un Net 20 du Journal du Net en 1999) et sur les perspectives du tourisme en ligne. Il s'exprime aussi sur ses projets à très court terme dans les médias.
25 juin 2002
 
          

JDNet. Etes-vous familier des nouvelles technologies?
Jacques Maillot. Même si je ne suis pas toujours très compétent, j'ai toujours été un pionnier. En général, je choisis des collabrateurs et je leur fais confiance. Celui que j'avais choisi pour l'informatique, j'aurais mieux fait de le contrôler un peu plus [NDLR : le bug de l'an 2000 a gravement handicapé Nouvelles Frontières qui, à un moment donné, "ne pouvait même plus inscrire les clients", dixit Jacques Maillot]. Je pense qu'il faut qu'il y ait toujours des comités, que ces comités soient efficaces et qu'il y ait vraiment un contrôle. Je ne suis pas très chaud pour les consultants, parce qu'en général, c'est très cher et ça ne vous rapporte rien. Mais je crois que dans les urgences comme celle-ci, il faut un audit externe. C'est ce que j'ai fait après nos mésaventures, d'ailleurs. J'ai utilisé Atos, qui n'a fait que me confirmer ce que je savais… Mais c'était indispensable.

Et quelle est votre connaissance du média Internet ?

Je vais être très franc, pas de pipeau : je ne suis pas un grand utilisateur d'Internet. Mais dès 1995, j'ai poussé pour que ça se développe. Et je trouve qu'actuellement ici, en 2002, on ne développe pas assez Internet. Pour notre métier, pour le voyage, pour tout ce qui est vols secs, semaines en pension complète tout compris, c'est vraiment idéal. A mon avis, les agents de voyage doivent se faire du souci. Tout tour-opérateur qui se respecte doit développer cette formule et éviter les intermédiaires. Il y a un investissement au départ, qu'il faut rentabiliser, mais ça réduit vraiment les coûts de distribution.

Nouvelles Frontières et Internet, vous résumez ça comment ?
Au départ, c'était de l'information, parce qu'en 1995, on ne vendait pas de vol sur Internet. On voulait donner à nos clients une information plus complète, plus percutante. Après, on est passé à la vente. Ma position est qu'il faut une distribution pluraliste : le call center, la vente par téléphone, Internet et le réseau physique, parce qu'il en faudra toujours un. Par ailleurs, ma politique reste de ne pas travailler en dehors de notre réseau intégré.

Un des grands débats dans le secteur est de mêler ou non offre de produits et information. Quelle est votre position ?
Le nombre de Français qui va à l'étranger est insuffisant, et depuis le 11 septembre, il y a encore plus de boulot. Donc à mon avis, il faut aussi de l'information.

Quels sont votre principale satisfaction et votre principal regret en matière d'Internet chez NF ?
C'est très positif et je rend hommage au boulot de Michel Bré et de son équipe. Je n'ai qu'un regret, c'est qu'on n'ait pas été plus offensif. Qu'on continue à développer notre réseau physique, c'est bien, mais je trouve que sur tout ce qui est vols secs, produits simples, on peut faire plus sur Internet.

Qu'en pense TUI ?
Je ne veux pas parler à leur place mais je crois qu'objectivement, ils n'ont pas le même enthousiasme. A leurs yeux, ça existe, il faut continuer, mais il y a une tendance plus forte en faveur du réseau physique. C'est à Michel Bré et à son équipe de leur montrer toutes les perspectives de développement.

Que pensez-vous de la concurrence ?
Le plus sérieux, c'est Dégriftour. Les autres ont un problème d'investissement. Promovac a été repris. Karavel, je ne trouve pas qu'ils font des étincelles. Et les classiques du métier s'y sont mis, mais ils ne pousent pas à fond. Je ne sais pas quelles sont les ventes du Club, mais ça ne doit pas être massif. Je pense que les grands TO, qui ont déjà un potentiel important en nombre de clients, seront les meilleurs. Il ne faut pas oublier que c'est un métier où les marges sont petites et où on fait de la marge pendant les vacances scolaires.

Vous qui avez toujours combattu les monopoles, que pensez-vous d'acteurs comme Opodo ou Orbitz, qui regroupent plusieurs grandes compagnies aériennes ?
Toute ma vie, je me suis battu pour qu'il y ait plus de concurrence. Il faut être vigilant sur ces regroupements, parce qu'on passe toujours d'une phase de concurrence à la concentration, même si après, il se récrée toujours d'autres structures. La concurrence, c'est fondamental. On critique toujours beaucoup l'Europe et Bruxelles. Moi je dis heureusement qu'il y a Bruxelles pour certaines affaires.

Quelles sont à votre avis les grandes tendances du tourisme de demain ?
On a dit que la RTT allait faire un tabac. C'est du pipeau. Avec la RTT, c'est ceux qui ont de l'argent qui voyagent plus, les cadres sup, ceux qui ont du pouvoir d'achat. Celui qui a un faible pouvoir d'achat, il bricole, il est en famille, il ne voyage pas plus. Sinon, le rôle d'un voyagiste est de répondre aux aspirations des voyageurs. A coté des destinations basiques, sur des formules basiques - le vol sec ou séjour -, on voit une tendance très française, le voyage à la carte, formule intermédiaire entre les deux précédantes. A coté des destinations classiques, il faut en développer d'autres. Il faut par exemple relancer l'Afghanistan, développer des destinations comme l'Iran. Il ne faut jamais être statique, mais être curieux et créatif. Il faut aussi faire de la pédagogie après les attentats, pour montrer que l'avion est le mode de transport le plus sûr.

Et comment Internet peut-il en profiter ?
C'est un média idéal pour faire jouer la concurrence. Les voyages à la carte assez répétitifs, on peut facilement les vendre sur Internet. Il y a aussi les groupes constitués, les associations, les comités d'entreprise. Ces gens-là aiment bien rencontrer un commercial, mais pour un groupe type de 60 personnes qui veut aller passer une semaine en Tunisie, franchement, on peut tout mettre sur Internet.

Avec le recul, en tant qu'entrepreneur, comment analysez-vous le phénomène de la nouvelle économie et de la bulle Internet ?
Je trouve que c'était très bien. Ce qui me fait rire, ce sont les banquiers pour qui c'était devenu une mode et qui ne regardaient rien. Mais ils se sont vite ressaisis, ils sont revenus à leur formule "sous-comité et comité frileux". En général, ils vous financent quand il n'y a pas de problème, c'est bien connu. Je pense que la France a un problème : c'est un pays capitaliste, qui se dit libéral, mais qui manque de capitalistes. On a des banquiers pas très imaginatifs et qui n'ont pas tellement le goût du risque. Et je les ai beaucoup pratiqués !

Vous vous apprêtez à quitter Nouvelles Frontières. On vous prête beaucoup de projets, notamment dans les médias.
C'est vrai que j'aime bien la presse et que j'aime bien les journalistes (mais je ne'ai pas dit que tous les journalistes étaient formidables!). Ils m'ont beaucoup aidé à lutter contre les monopoles, contre les pouvoirs publics. Quand je lisais un papier que je trouvais pas tout à fait exact, voire pas tout à fait juste, j'allais en rediscuter avec le journaliste et ça se terminait par un nouveau papier, c'est excellent !

Vous dites vous intéresser à L'Expansion, on cite votre nom pour France-Soir. Concrètement, que voulez-vous faire?
Je me suis toujours intéressé à la presse et là, j'ai reçu à peu près 200 offres. J'ai aussi toute une série d'amis qui m'ont fait des propositions et j'envisage d'investir un peu en septembre-octobre. Au départ, je vais prendre une participation. Je ne suis pas journaliste mais je pourrais très bien avoir un rôle sur le plan commercial et marketing, travailler avec une équipe. Un autre secteur, lié à mon métier, m'intéresse, c'est le marché des seniors, où je peux organiser quelques synergies. En fait, j'irais bien dans deux journaux, un qui n'a rien à voir avec mon métier et un où il y a beaucoup de synergies. Un où je sens que financièrement, il n'y a pas beaucoup de risques, et l'autre ou je prendrai des risques. Ca a toujours été ma tactique de diviser les risques.

S'impliquer dans un média n'est jamais sans risque…
C'est vrai que dans certains journaux, on est encore plus dur avec le propriétaire. Je crois qu'il faut que les choses soient claires au début, mais je n'ai pas l'intention de devenir journaliste, ni de diriger une rédaction. Je suis un entrepreneur et c'est ça qui m'intéresse. Les secteurs difficiles, je connais. J'ai redressé la compagnie Corsair, et je peux vous dire que le Syndicat des Naviguants, c'est pas triste par rapport au Syndicat du Livre ! J'aime bien me battre, j'ai 60 ans, je suis en pleine forme, et j'ai envie de faire autre chose après trente-cinq ans de tourisme, de prendre mon pied. Ce n'est pas défendu, on peut prendre des risques et prendre son pied. Mais des risques calculés, quand même.

Et la convergence des médias, vous y croyez ?
Pourquoi ne pas monter un petit groupe de presse et diversifier : du Net, de la radio, de la presse écrite… Je regarde l'ensemble des médias.

Quels sont vos sites préférés, en dehors du vôtre?
Dégriftour, Anyway et Travelprice !

Qu'est-ce que vous aimez sur Internet ?
Avoir tout de suite des produits clairs et pouvoir faire mon choix le plus rapidement possible. En particulier dans le domaine du voyage.

Et qu'est-ce que vous n'aimez pas ?
Quand c'est lent. Mais ça, ce n'est pas spécifique à Internet. Tout ce qui est lent me fait ch… Je n'aime pas attendre.

 
Propos recueillis par François Bourboulon

PARCOURS
 
Jacques Maillot, 60 ans, a fondé Nouvelles Frontières, une association Loi 1901, en 1967. La société possède aujourd'hui plus de 230 agences dans le monde. En octobre 2000, des difficultés financières contraignent Jacques Maillot à ouvrir le capital de l'entreprise à l'Allemand Preussag, n°1 européen du tourisme. Celui-ci rentre, à hauteur de 13%, puis passe à 30,3% début 2002 et s'apprête à prendre le contrôle de la société. Jacques Maillot a quitté la présidence de Nouvelles Frontières le 1er novembre.

   
 
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