JDNet.
Comment est née Cyberdeck et pourquoi s'être
lancé dans l'Internet par le biais des bornes interactives ?
Alain Villenave.
A la création
de Cyberdeck, plutôt que de créer une dotcom,
nous pensions qu'il fallait tout d'abord démocratiser
l'Internet. Notre volonté a donc été
de créer un média qui puisse jouer ce rôle.
Le tout en faisant le pari de la gratuité.
Nous avons donc fait un très large effort en recherche
et développement pour mettre au point ces bornes et
pour pouvoir les piloter à distance en cas de dysfonctionnement.
Nous avions de bonnes compétences technologiques puisque
j'avais créé précédemment une
société qui
établissait des passerelles entre les messagers Tam-Tam
et les téléphones mobiles.
Ensuite nous avons opté pour un modèle publicitaire
avec un système d'affichage, au-dessus de nos bornes,
que nous louons à des annonceurs.
Est-ce
que cela a été difficile de convaincre les investisseurs
de vous suivre ?
Oui, car dans notre
cas il n'y avait pas de sociétés comparables.
Donc il était difficile de les convaincre sans aucun
repère possible. Il fallait expliquer beaucoup plus
notre métier car pour les investisseurs notre idéee
était de la quincaillerie et beaucoup trop "hardware"
par rapport aux dotcoms qui brillaient sur les marchés.
Mais comme nous tenions nos objectifs en termes d'installation
et de perfectionnement de la technologie, ils sont venus petit
à petit.
Avant l'introduction
en Bourse, vous avez réalisé trois tours de
tables avec au total une dizaine d'investisseurs différents.
Pourquoi ce choix du morcelage ?
Pour le financement,
nous avions deux solutions. Soit mettre tous les oeufs dans
le même panier en acceptant de faire entrer un éléphant
dans le capital. Soit dire "c'est moi le chef de file"
et s'entourer d'une palette d'investisseurs capables d'apporter,
chacun, leur pierre à l'édifice. J'ai opté
pour le second choix car je préfèrais de plus
que le management reste interne à Cyberdeck. Mais si
je n'avais pas eu 15 ans d'expérience dans la création
d'entreprises, j'aurai peut-être fonctionné différement
en me laissant croquer d'entrée par un industriel pour
qu'il me guide dans ma démarche...
Au mois
d'avril 2000, vous rentrez en Bourse. Beaucoup ont estimé
que le prix d'introduction était trop cher et il semble
que vous en payez les conséquences en étant
désormais largement en dessous de votre cours de première
cotation...
Quand on est rentré
en Bourse, le marché était vraiment maussade.
Nous nous étions préparés depuis quatre
mois car cette introduction était nécéssaire
pour notre développement. Nous ne pouvions plus reculer
et je comprends que le titre soit apparu cher pour les investisseurs,
même si nous avons abaissé la valorisation puisque
nous avons reporté notre introduction d'une semaine.
Mais, comme je le disais précédemment, le problème
de Cyberdeck est que la société ne peut pas
être comparée et que notre modèle est
totalement nouveau. La valeur se retrouve donc maltraitée...
Et je le comprends, car les gens sont maintenant doublement
méfiants. Mais je suis sûr que dès que
nous ferons des annonces, le cours se redressera. Je tiens
également à rappeler que Cyberdeck n'est pas
une valeur de court terme mais bien de long terme, comme nous
l'avons expliqué lors de notre introduction. Par ailleurs
nous disposons de 50 millions d'euros en cash et nous pouvons
ainsi tenir jusqu'en 2003. L'enjeu pour nous maintenant est
de délivrer de bons résultats. Et cela repartira.
L'arrivée
de France Télécom sur votre marché, avec
son modèle payant Netanoo, et celle de Photomaton vous
ont-elles aussi pénalisé ?
Pas vraiment. Pour
ce qui est de Photomaton, ils ne pèsent pas grand chose
et n'ont aucune expérience dans le domaine, même
s' ils ont effectivement déjà des emplacements.
France Télécom a, lui, adopté un modèle
payant et ne vise pas tout à fait les mêmes segments
de marché.De toute façon
l'arrivée d'un géant comme France Télécom
est une excellente chose car cela donne encore plus de crédit
au secteur au niveau financier. Cela va également permettre
de démocratiser plus rapidement l'usage des bornes.
Enfin, l'entrée de l'opérateur national dans
ce marché va aiguiser les appétits des autres
acteurs qui vont forcément vouloir se positionner sur
ce créneau.
Dans cette
optique, avez-vous songé à vendre votre société
à un opérateur ?
Non, pas pour l'instant. Nous
avons les moyens financiers et l'état d'esprit pour
continuer à développer tranquillement la société.
En revanche, nous envisageons des alliances. La bataille dans
le secteur ne se gagnera sans doute pas en solitaire.
Du point
du vue opérationnel, où en est Cyberdeck à
l'heure actuelle ?
Nous avons pour l'instant cibler
quatre types d'implantation où nous allons installer
nos bornes : les sites militaires, les lieux de distribution
(Cora, Carrefour ou les galeries marchandes), les universités
et les transports, avec notamment la RATP. A ce jour, 370
bornes sont installées et nous visons 2.500 implantations
fin 2002. Pour ce qui est de la publicité, nous venons
de muscler notre régie en recrutant quatre personnes, dont
Béatrice Fabre Michel, ancienne chef de publicité au sein
du Groupe Les Echos et ancienne chef des ventes de l'afficheur
Giraudy. Quant à l'implantation internationale, nous
nous y préparons et nous souhaitons ouvrir une ou deux
filiales à l'étranger au début de l'année
2001.
Vos revenus
proviennent de la publicité. Pourquoi ne pas avoir
également songé à vendre vos bornes à
l'heure où le modèle publicitaire est critiqué ?
Vendre des bornes est très compliqué, car tout
le monde souhaiterait une personnalisation de la machine.
Les marges seraient donc très faibles en raison d'importants
coûts de fabrication. Mais effectivement, nous nous
posons régulièrement la question et nous le
ferons peut-être dans des cas ponctuels, mais pas tout
de suite. Nous n'avons pas intérêt à brouiller
l'image qui est la nôtre. Nous voulons vraiment être
classés comme un média interactif et non pas
comme un fabricant de bornes.
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