CHAT
 
21/11/2007

"Le mobile est davantage un média de déclenchement qu'un média d'image"

Quel type de campagne mener sur mobile ? Pour quel budget et quels retours ? Le co-fondateur de l'agence Watisit a détaillé lors d'un chat les techniques et résultats de publicité sur mobile et dressé un panorama objectif, parfois critique, de ce marché encore en devenir en France.
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Emmanuel
de Saint-Bon
 
 
  • Directeur associé Watisit / Publicis Dialog
 

Pourquoi, selon vous, ne parle-t-on du mobile comme outil marketing que depuis quelques années, alors que l'objet est beaucoup plus répandu dans la population que l'Internet fixe ?

Emmanuel de Saint-Bon. Je pense que c'est une question d'usage au sein du grand public. Oui, le mobile a un taux de pénétration très fort dans la population adulte (84 %), mais les usages "professionnels" se sont d'abord orientés sur le Web. Je souligne que l'Internet mobile se transforme profondément et que les perspectives sont fortes.

 

Quelles sont les craintes des annonceurs avant de lancer une première campagne sur le mobile ?

Les annonceurs sont globalement intéressés ; mais leur culture est encore à construire. Les acteurs de cette industrie ont encore un travail d'évangélisation à faire. Par ailleurs, même si la pénétration est plus élevée, le nombre de mobinautes reste inférieur à la population d'internautes.

 

Quels sont les atouts du mobile que vous mettez en avant pour convaincre un annonceur de se lancer sur le média ?

Nous en avons plusieurs. Le mobile est d'abord un média intime qui permet de délivrer un message avec beaucoup d'impact. En outre, la diffusion et la lecture quasi instantanée des messages permettent une prise de parole plus contextuelle pour l'annonceur. Enfin des fonctions telles que la géolocalisation peuvent apporter de la valeur à une campagne, surtout pour des distributeurs. Dernier point, les annonceurs utilisant pleinement le mobile (à l'image de Coca-Cola) sont encore peu nombreux ; d'où une émergence plus forte de leur message sur ce média.

 

Quelle est la différence entre le Wap et l'Internet mobile ?

Dans le quotidien, c'est la même chose. Le Wap est le nom d'un protocole de communication. L'Internet mobile désigne le surf en mobilité et/ou sur un téléphone portable.

 

 
Photo JDN © Cécile Genest
 

A qui s'adresser quand on veut communiquer sur le mobile ? Existe-t-il des compétences spéciales d'agences ?

Oui, des spécialisations apparaissent déjà, comme pour le Web : relationnel, publicité, jeux et promotions, Bluetooth, etc. Tout dépend si vous souhaitez traiter avec un "pure player" ou une agence intégrée qui pourra plus facilement créer un dispositif global pour votre marque. Pour ma part, je crois beaucoup au modèle de l'intégration et aux mécaniques réellement multimédia. Pour votre choix, je vous renvoie vers le site Internet de la Mobile Marketing Association (mmafrance.org, je crois).

 

Comment créer et réaliser un site Internet mobile ? A quoi faut-il penser ? Doit-on limiter le contenu et le nombre de pages ?

En, quelques lignes, c'est difficile à dire. On peut retenir que le surf en mobilité (rue, bus, soirée) se fait dans un contexte différent du surf fixe (maison et bureau). De ce fait, les besoins sont différents ; ainsi, les réponses et les contenus doivent l'être aussi. Le mobile est davantage pour moi un média de déclenchement qu'un média d'image (encore que..). Pour ces raisons (et pour d'autres), les contenus, images, arborescence et traités rédactionnels sont différents.

 

"Un site Internet mobile coûte entre 10 et 35.000 euros"

Combien coûte en moyenne un site Internet mobile ?

Le débat fait rage dans la profession. Vous trouverez des prestataires et/ou des outils vous permettant de construire des sites "de base" (sans beaucoup de conseil) pour moins de 10.000 euros. Pour notre part, la démarche doit être précise, bien encadrée, sous peine de perdre son investissement. Cela nécessite des compétences et des ressources. Ainsi, les sites que nous concevons et construisons valent entre 10 et 35.000 euros. Parfois plus, mais c'est encore rare.

 

Pensez-vous que le caractère nomade du mobile peut compenser le manque de confort de lecture sur un écran de portable ?

Oui, en un sens. Pouvoir disposer d'une information immédiate ou locale peut avoir beaucoup de valeur et cela dans de nombreuses situations. Je n'ose parler par exemple des perspectives offertes par le m-commerce. Toutefois, il me semble que cette absence de confort que vous évoquez est surtout une question d'habitude de la part du mobinaute. J'ajoute que les Smartphones actuels offrent une très bonne lecture et un confort qui me semblent satisfaisant.

 

Quels types de campagnes peut-on mener sur le mobile ?

Là encore, les réponses sont variées. Les campagnes vont de la promotion (pour créer du trafic ou générer des achats additionnels) à la campagne de fidélisation en passant par les lancements de produits. Le viral est selon moi plus difficile à réaliser. Nous utilisons ainsi l'Internet mobile bien sûr, les SMS et MMS, et parfois le Bluetooth et les codes 2D.

 

 

SMS, SMS+, MMS, bannières… quel outil choisir quand on est un annonceur ? Y a-t-il des règles selon les objectifs de communication ?

Les critères qui vont guider notre réponse sont nombreux. Le produit d'abord (nature, valeur faciale) et son circuit de distribution (sélectif, de masse, en ligne) orientent nos recommandations. L'âge et les usages de la cible sont aussi déterminants. Enfin, les autres médias utilisés et, disons-le, le budget que peut allouer un annonceur, entrent en ligne de compte. D'une manière générale, nous essayons d'intervenir le plus en amont possible dans la préparation d'une campagne car c'est ainsi qu'on délivre le plus de valeur pour le client.

 

"Les taux de clic sur les bannières mobiles se situent entre 4 et 7 %"

Quels types de campagnes mobiles mettez-vous en place pour vos clients ? Comment voyez-vous le marché aujourd'hui ?

Les campagnes de "push" (marketing direct par SMS voire MMS) restent les plus demandées car elles sont les plus faciles à appréhender. Chacun de nous a fait l'expérience du SMS interpersonnel. Elles constituent un bon premier pas sur le mobile. Les bannières et le "mobile adervtising" sont plus rares. Certains annonceurs nous demandent de créer des sites mobiles mais n'intègrent pas toujours la nécessité de les clamer et de les valoriser.

 

Quels sont les outils de marketing mobile les plus efficaces en termes de ROI ? Quels taux peut-on espérer ?

Le mobile est un fantastique outils pour "déclencher". Ainsi les taux de clic sur les bannières mobiles se situent souvent entre 4 et 7 et dépassent parfois les 10 % (rappel : 1 % sur le Web fixe est un bon score). Ainsi, les "rendus" sont bons. Ce sont encore les valeurs absolues qui pèchent un peu. Mais sans aller sur ce terrain, une bonne campagne de push SMS ciblée porteuse d'une offre solide déclenche un réel trafic additionnel dans un réseau de vente ; nous l'avons souvent constaté.

 

Peut-on acheter sur le mobile, comme sur le Web, des mots clés ? Google est-il aussi l'acteur incontournable sur ce média ?

On est presque tenté de répondre "hélas non". Plus sérieusement, les choses pourraient changer, mais pour l'instant, ce sont les trois opérateurs historiques qui "font" le marché. Oui, vous pouvez acheter des mots clés sur Gallery. Vous pouvez sans doute aussi le faire sur Google mobile (point à vérifier), mais les volumes de fréquentations ne s'élèvent pas à ceux observés sur les portails des opérateurs.

 

 
Photo JDN © Cécile Genest
 

L'arrivée de l'iPhone en France et dans le monde va-t-elle changer la donne et doper le marché du marketing mobile ?

J'ai la ferme conviction que oui. L'iPhone est enthousiasmant, même s'il n'est pas parfait. En termes d'ergonomie et d'applications, la puissance du marketing d'Apple influence déjà les autres constructeurs et les opérateurs. J'ajoute que l'accord passé avec Orange en France bouscule les modèles économiques établis de longue date. Pour les professionnels, ce point aussi est important.

 

Le modèle de Gallery est-il un frein ou un levier pour le développement de l'Internet mobile et de la publicité sur mobile en France ?

Gallery a été une très bonne initiative lancée par les opérateurs. Toutefois, il a davantage été bâti pour les applications BtoC (jeux, chat...) que pour le BtoB. En l'occurrence, son utilisation pour les agences doit encore gagner en souplesse et en réactivité. Mais surtout, Gallery reflète une omnipotence des opérateurs sur l'Internet mobile, ce qui rend difficile le développement du "off portail" et donc du marché. Je souhaite que les choses puissent évoluer rapidement.

 

En France, les opérateurs restent maîtres de leur portail Internet mobile et des contenus auxquels leurs clients ont accès. Pourront-ils toujours conserver leur monopole ?

C'est l'une des grandes questions du moment. A terme, il me semble que nous devrons nécessairement passer à un modèle ouvert, comme l'est Internet Aujourd'hui. Le modèle actuel s'apparente au modèle AOL des années 1990 (on sait ce qu'il en est advenu). Ces évolutions peuvent prendre toutefois plusieurs années.

 

Le développement du off portail ne risque-t-il pas de menacer l'industrie du mobile en France, les opérateurs se refusant peut-être en conséquence à subventionner les terminaux ?

Je ne le pense pas  je ne crois pas que le développement du off portail aille à l'encontre de leurs intérêts. Au contraire ! Pourquoi l'ARPU (average revenue par user) baisserait-il avec le off ?

 

"Les coûts de routage des SMS et MMS facturés par les opérateurs restent très chers et empêchent la réalisation de campagnes massives"

Je suis un consommateur, je ne veux pas de pub sur mon mobile. Ai-je le choix ? Et si j'accepte de la publicité, il doit bien y avoir une compensation ?

D'une certaine manière oui. Concernant, les messages que vous pourriez recevoir (majoritairement envoyés par nos opérateurs), vous pouvez appeler votre opérateur pour stipuler votre souhait de désinscription de ses listes de push. Si vous recevez un message d'un annonceur, répondez simplement STOP et vous serez désinscrit. Sur l'Internet mobile en revanche, c'est plus délicat. Comme ailleurs, la publicité permet de financer les contenus que vous appréciez (news, météo, trafic, cinéma) et il n'existe pas à ma connaissance de logiciels de blocage de bannières sur le mobile.

 

Si le mobile est un média publicitaire aussi génial, qu'est-ce qui bloque aujourd'hui ?

La masse des mobinautes réels quotidiens est de quelques millions en France. C'est pas mal, mais encore insuffisant pour rivaliser avec l'Internet fixe. En outre, les possibilités de ce média se heurtent à une certaine méconnaissance (difficile de commander un site mobile pour sa marque quand on n'a jamais soi-même surfé sur le Wap), voire à une certaine frilosité (changer les habitudes...). En outre, les annonceurs ne peuvent multiplier à l'envie le nombre de leurs agences et les Web agencies connaissent mal ce média. Enfin, les coûts de routage des SMS et MMS facturés par les opérateurs restent très chers et empêchent la réalisation de campagnes massives. Pourtant, quand l'annonceur met les moyens requis, les résultats sont là !

 

Combien coûte une campagne de communication sur mobile ? Est-ce vrai que les campagnes mobiles sont plus onéreuse que sur le Web ?

Oui, pour le marketing direct. Un push SMS fonctionne très bien avec 5, 10 ou 25.000 personnes. En valeur relative, les retours sont bons. Mais le mobile ne peut pas encore rivaliser avec le Web sur des volumes importants (500.000 par exemple). Pour l'Internet mobile, on ne peut répondre ainsi. Retenons que l'approche est spécifique et que la technologie requise doit tenir compte de la grande diversité de mobiles susceptibles de se connecter à votre site.

 

Qui est, à votre connaissance, le plus gros annonceur sur le mobile ?

Coca-Cola en France me semble-t-il.

 

Que représente aujourd'hui le marché de la pulicité sur mobile en France ?

Je vais être large pour ne pas vous donner d'informations erronées. Pour le BtoB, et en mêlant vente de contacts et de bannières, le marché doit peser quelques dizaines de millions d'euros. Je connais moins le marché du BtoC.

 

 
Photo JDN © Cécile Genest
 

SFR a lancé Illimythics… Que pensez-vous de ces offres ? Vont-elles encourager les usages de l'Internet mobile ? Pourquoi ce type d'offre n'avait-il pas été lancé plus tôt ?

Ce type d'offre est très encourageant et va dans le bon sens. Elles tendent (sans s'y assimiler totalement) au modèle économique de l'ADSL qui a permis le développement de l'Internet fixe. Il me semble que Bouygues a lancé il y a presque un an une formule de ce type. Pourquoi pas plus tôt ? Demandez-le à votre opérateur ! Plus sérieusement, il me semble que l'industrie (qui évolue vite) doit prendre le temps de grandir et d'évoluer. Souvenons-nous que l'Internet a commencé avec des formules payantes à la durée.

 

La Télévision mobile personnelle, vous y croyez ? Est-ce que cela va doper la publicité sur mobile, à l'instar de la pub à la télévision classique ?

Oui, trois fois oui ! Observons ce qui se passe au Japon : le DVB-H (ou mini TNT sur mobile) est impressionnant de fluidité et de qualité. Et c'est de l`illimité. Je crois beaucoup au fait d'avoir en un seul appareil un récepteur de flux et un navigateur Internet. Les possibilités de développement sont immenses. A ce sujet, je vous renvoie sur le site de Quelle.fr (vépéciste allemand) qui mêle sur son site Internet une série TV et un mode de basculement facile vers l'achat des vêtements portés par les acteurs de la série. Bien joué !

 

"Le positionnement de pure player mobile est difficile à tenir."

Beaucoup de grandes marques du Web se lancent sur le m-commerce : eBay, Voyages-sncf, Alapage… est-ce positif ?

Oui, même si aujourd'hui le m-commerce est encore embryonnaire en France. Mais là encore, regardons autour de nous ; en Orient, les femmes mobinautes achètent des sacs à main sur le mobile. Plus généralement, ce qui conditionne le m-commerce (comme en e-commerce), ce sont le prix, le descriptif produit et la disponibilité. Si l'on vous propose d'acheter votre parfum habituel à - 25 %, pas besoin de vous le décrire pour que vous l'achetiez immédiatement.

 

Pourquoi toutes les petites agences indépendantes de marketing mobile (Watisit, Screentonic, Phonevalley) se font-elles une à une racheter par des grands groupes de communication ? Est-ce à dire que le business n'est pas rentable ?

L'intégration des spécialistes chez les gros généralistes est dans l'ordre normal des choses et n'est pas une nouveauté. Pour le mobile, c'est vrai, le positionnement de "pure player" est difficile à tenir. Encore une fois, ce sont les offres de couplages qui génèrent le plus de valeur (SMS + appel téléphonique sortant, ou Web et Wap). Ces offres sont plus difficiles à concevoir et à produire pour les "petits" pure players me semble-t-il.

 

Vous même, vous surfez sur le mobile ? Si oui, aimez-vous recevoir de la pub ? Cliquez-vous ?

Je surfe énormément sur l'Internet mobile. J'en ai des usages multiples, personnels, surtout professionnels et utilitaires. Ce sera encore mieux quand j'aurai un modèle avec GPS (pour bientôt) et un iPhone (pour bientôt aussi). Je clique rarement sur la pub... comme sur le Web.

 

Le mobile atteindra-t-il un jour les niveaux d'investissements publicitaires du Web ?

 
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Je dois dire que face à l'explosion actuelle du Web et de la forte demande observée, nous partons de loin. Je crois que le mobile est appelé à jouer un rôle majeur dans la communication des annonceurs. Mais la question ne se pose peut-être pas en ces termes. Aujourd'hui, le Web fixe s'affranchit de l'ordinateur et ses contenus s'affichent sur des appareils mobiles. Demain, les objets intelligents feront aussi partie du Web (votre montre par exemple). On parlera alors d'Internet au sens large donnant ainsi réalité à la convergence que nous commençons à observer.

Emmanuel de Saint-Bon. Merci à tous pour vos questions et votre intérêt pour le mobile. Je vous souhaite beaucoup de mobilité dans vos campagnes futures, mais aussi pour rentrer chez vous ce soir !

 


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