CHAT
 
17/01/2008

"Comment réussir le financement de sa start-up"

Conseils en matière de business plan, secteurs prisés par les VCs, le rôle de l'incubateur, du leveur de fond... Jean-François Galloüin, partner chez AGF Private Equity, s'est prêté au jeu des questions réponses lors d'un chat.
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Jean-François Galloüin
 
 
  • Partner chez AGF Private Equity
 

Quels fonds sont actifs aujourd'hui dans l'amorçage en France ?

Jean-François Galloüin. Bonjour à tous, ravi d'être ici aujourd'hui. Bonne question. Assez peu en vérité. Cela dépend également du secteur sur lequel vous travaillez... Je penserais à Emertec, Cap Décisif, Bioam, I Source. Au fait, nous-mêmes, AGF PE, nous faisons un peu d'amorçage.

 

Quelles sont les erreurs à éviter dans l'élaboration d'un business plan ?

Wouaou ! Elles sont multiples... Essayez de faire un business plan qui puisse se lire à plusieurs vitesses : un executive Summary (2 à 3 pages max), un document plus long (8 à 10 pages), des annexes. Pensez dans le document à balayer : activité, marché, offre, business model, équipe, chiffres clés, réalisations.

 

Les organismes publics chargés de faciliter la création d'entreprise et l'innovation (Oseo par exemple) sont assez inefficaces. On a à faire à des fonctionnaires qui ne comprennent ni l'esprit entrepreneurial, ni les atouts d'une innovation.

Vous êtes dur ! Il ne faut sans doute pas généraliser. J'ai rencontré des gens supers chez OSEO Anvar. De plus, ils fournissent des aides financières. Pas négligeable lorsque l'on sait qu'il y a peu de fonds d'amorçage en France (voir ma réponse plus haut).

 

Lever des fonds est le parcours du combattant. Pourquoi y a-t-il si peu de gens prêts à prendre des risques financiers pour un projet ? Comment changer les mentalités ? Comment développer le K-risque ?

 
Photo JDN © Cécile Genest
 

Vous avez raison sur le parcours du combattant. En fait, cela dépend du type de projet que vous avez. Certains trouvent plus facilement que d'autres. Faire évoluer les mentalités... Beau programme. Agir dans des universités/écoles... entre autres.

 

Venir d'un incubateur est-il un avantage pour réussir un tour de table ?

Je pense que cela aide. C'est une première validation du projet. Certains incubateurs ont des réseaux et savent vous mettre dans les mains des bonnes personnes. Ils vous aident financièrement à passer de l'anté-création ou de l'amorçage à un stade plus finançable.

 

Justement à propos d'Oséo, nous avons élaboré un document assez complet sur notre projet. Faut-il le reformater pour d'autres partenaires financiers ?

Dans un premier temps, pas forcément. On devrait trouver dans le dossier ANVAR les mêmes choses que ce que les investisseurs attendent. C'est vrai que c'est toujours chronophage pour un entrepreneur de passer son temps à faire des documents. Il faut abuser du copier-coller.

 

Quelle levée vous a le plus impressionné au cours de l'année 2007 ?

Je suis un peu juge et parti. Chez nous AGFPE, c'est Dailymotion ; ailleurs, ce serait Twenga ou Aldebaran. Il y en quelques-uns quand même.

 

Comment valoriser les parts d'une société ?

"Les incubateurs permettent de passer de l'anté-création à un stade plus finançable"

Sur amorçage, on valorise le potentiel de l'entreprise à 5 ans, et le niveau de risque que l'on estime d'arriver à faire le plan. Par exemple, si l'on pense que l'entreprise peut valoir 100 dans cinq ans, mais que le risque est fort d'y arriver, on jugera que pour faire le deal, il faut être en capacité de faire un multiple de 10, et on valisera la boîte 10. Est-ce clair ? Pour une société plus mature, on peut appliquer des règles classiques de valorisation (actif net, cash flow, etc.) et on recherche des comparables.

 

Quelle est la bonne stratégie : passer par un leveur de fonds ou y aller en direct ?

Je pense que si vous ne connaissez pas le monde des investisseurs, il vaut mieux passer par un leveur. En effet, lever des fonds prend beaucoup de temps. Pendant ce temps, le business tourne au ralenti. Ils peuvent vous aider à structurer le business plan. Ils connaissent bien les VC et sauront à qui adresser votre dossier. Ils vous aideront à négocier, en jouant le rôle du méchant. Quelques noms : Chausson Finance, Aelios, MGT, Go4Venture, Tykya, etc.

 

Y a-t-il à votre avis des fonds susceptibles d'intervenir sur des montants de 300 à 400.000 euros, en dehors des Business Angels ?

Oui. Les fonds régionaux, les FIP, certains family office.

 

Quels sont les principaux fonds corporate (grandes entreprises industrielles) en France, actifs dans le high-tech ?

Je ne les connais pas bien. Je pense à Schneider, Intel, d'autres sans doute. Je vous invite à aller sur le site de l'AFIC, ou celui de la CDC.

 

 

Est-ce que un projet qui porte sur un site d'e-commerce a des chances de séduire des investisseurs aujourd'hui ?

Oui certainement. Par exemple 24H que nous avons financé.

 

 

 
Photo JDN © Cécile Genest
 

Quels sont les secteurs du logiciel qui aujourd'hui intéressent les VC ?

Evidemment, il y a des secteurs tels que l'Open Source (vous avez vu la valo de MYSQL ?). Nous avons fait Talend chez AGF PE (excusez-moi de vendre ma soupe !). Il y a aussi le SAS qui intéresse les VC.

 

Comment contacter les leveurs ? Avec quels documents ? Quelle transparence ?

La transparence... Vaste sujet. Très délicat. En fait, il faut garder la confiance de l'investisseur... Mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Quel niveau de transparence avez-vous entre associés (hors investisseurs) ? Ou avec vos salariés ?

 

Quels sont les avantages et les inconvénients d'avoir un ou plusieurs VC dans son tour ?

Tout dépend de ce que vous recherchez. Attention lorsqu'il y a trop de VC, il faut s'assurer que les intérêts de tous sont alignés. D'un autre côté, en tant qu'entrepreneur, vous pouvez être intéressé par avoir dans votre tour de table des contre-pouvoirs. La réponse est sans doute entre deux et trois.

 

Certains leveurs demandent aussi "à arranger" les données chiffrées... Jusqu'où aller ?

Bonne question. C'est vrai qu'on peut être tenté de "faire rêver". Mais attention, les VCs ne sont pas idiots, ils savent lire des chiffres et analyser un marché. Il ne faut pas donner des chiffres qui vous décrédibilisent. Attention aussi à ne pas être déceptif une fois que le deal est fait. Pour autant, pour un patron qui a eu l'habitude d'anticiper la croissance, il faut changer de point de vue et se mettre dans la situation d'anticiper la croissance. On constate souvent que l'argent appelle l'argent.

 

Les investisseurs prennent-ils les décisions à la place des entrepreneurs une fois qu'ils sont entrés au capital ?

"C'est vrai qu'on peut être tenté de 'faire rêver'. Mais attention, les VCs savent analyser un marché"

En principe, non. Les investisseurs participent à la stratégie. Ils peuvent parfois demander à valider certaines décisions qui ont un impact direct sur la valeur de la société (cession d'un actif par exemple). Mais ils n'interviennent pas sur l'opérationnel.

 

On dit que les fonds américains sont plus impliqués dans l'opérationnel auprès des entrepreneurs que les fonds français. Qu'en pensez-vous ?

Ca dépend des fonds. Certains sont en France assez impliqués. Mais c'est vrai que les VC américains se voient en Financial Entrepreneur. Ca veut dire beaucoup de choses.

 

Quelles sont les erreurs les plus courantes à ne pas commettre lors de la négociation du pacte d'actionnaires ?

Il y a quelque chose d'important à considérer. Les entrepreneurs se posent souvent la question du partage du pouvoir, alors que les investisseurs se posent la question du partage de la valeur créée. Attention à ne pas avoir à annoncer de mauvaises nouvelles business entre le premier contact avec les VC et la fin de la négociation (cela peut durer six mois). Il ne faut pas être déceptif pendant cette période. Mieux, prévoyez d'avoir à annoncer des bonnes nouvelles.

 

Dans quelle mesure est-il possible de vraiment négocier le pacte d'actionnaires ?

Très bonne question. On négocie bien quand on a la possibilité de dire non. Le mieux est d'essayer, lorsque cela est possible, de mettre plusieurs VC en compétition. C'est pas toujours facile. Lorsque l'on a un VC en face de soi et que l'on n'a pas le choix, on est obligé de composer. Mais les VC ont aussi besoin d'avoir un entrepreneur motivé et bien dans sa tête. C'est lui qui va faire le boulot. C'est là leur limite dans la négo.

 

Quelle politique de bons de souscription recommandez-vous pour les fondateurs afin de ne pas se faire diluer lors d'une augmentation de capital ?

 
Photo JDN © Cécile Genest
 

Est-ce que votre question c'est : faut-il ou pas utiliser de clauses de ratchet ou de préférence ? Si c'est le cas, attention à ne pas monter des usines à gaz qui désalignent les intérêts des financiers et du management. Il vaut mieux se mettre d'accord sur un prix dès le départ que d'avoir à le renégocier en fonction de milestones atteints ou pas.

 

On dit que l'équipe est la plus importante partie du business plan. Que faire si on n'a pas d'équipe et qu'on cherche à lever justement pour monter cette équipe ?

Dur dur. C'est vrai que l'on investit sur des hommes, sur une équipe. Je ne vois pas la solution.

 

Que pensez-vous du marché des LBO aujourd'hui aux Etats-Unis ?

Je n'ai pas vraiment de données précises sur le sujet. Je lis comme vous que cela devient dur de trouver de la dette. Quel impact cela aura-t-il ? En durée ? En profondeur ?

 

Quel est le pays en Europe le plus proche des Etats-Unis en termes de mentalité et de facilité de levée de fonds ?

Sans doute le Royaume-Uni. Mais je vous dirais qu'en France on n'est pas mauvais non plus.

 

Dans un portefeuille, toutes les participations ne seront pas des réussites. Qu'advient-il aux "moutons noirs" une fois que le VC s'aperçoit qu'il ne fera pas un super multiple avec ces sociétés ? Il les délaisse ?

"C'est vrai que l'on investit sur des hommes, sur une équipe"

A vrai dire, oui. Il passe en mode défensif. Il interviendra pour protéger la valeur de la boîte. Pour être clair, si aucun autre financier ne s'y intéresse, il arrive qu'il laisse aller au tapis dans les cas extrêmes.

 

Investisseurs industriels vs investisseurs financiers : vos conseils ?

On n'est pas à mon avis sur le même type de projet. L'industriel cherche autre chose que la plus value financière (synergie, veille techno, etc.). Cela peut être un frein en cas de sortie. Laissera-t-il partir la boîte chez ses concurrents ? Mais il peut apporter des choses à l'entreprise : réseau, marché, techno. L'investisseur financier sera beaucoup plus "libre" vis-à-vis du marché.

 

Quels types de projets financez-vous aujourd'hui prioritairement ?

On intervient sur la Biotech/Santé, sur l'IT, sur l'internet et sur les cleantech. Plutôt en capital risque, avec un peu d'amorçage.

 

Quel VC est capable en France de faire une opération de 15 millions d'euros ?

Il y en a pas mal : 3I, APAX, Sofinnova, et tous ceux qui vont se "syndiquer" sur un tour de table. Un VC comme AGF PE peut facilement trouver des partenaires pour réunir ce type de montant. A deux ou trois.

 

Au bout de combien de levées devient-il impossible de lever ?

 
Photo JDN © Cécile Genest
 

Cela dépend de la dynamique de l'entreprise. Tant que les signes de développement sont positifs et qu'il y a une création de valeur possible, on peut trouver de l'argent.

 

Vous êtes dans le capital de Meetic depuis pratiquement le début. Avez-vous le sentiment d'avoir dans votre portefeuille le "nouveau Meetic" ?

On en a plein ! C'est vrai que Meetic a été une superbe opération.

 

Etes-vous OK pour vous associer à rejoindre un industriel déjà présent dans le tour de table ?

Oui dans certaines conditions. On sera vigilant sur l'impact possible en termes de sortie. Mais cela s'étudie.

 

Aux Etats-Unis, quand un projet intéresse au minimum 100.000 personnes, on fait un tour de table. En France, il faut prouver qu'on est rentable... Est-ce à dire qu'il vaut mieux fuir la France et tenter sa chance aux Etats-Unis ?

Je vous trouve dur. On fait en France de nombreux deals sur des boîtes non rentables. C'est même en Capital Risque, la majorité des cas. Non, il faut se battre ici. Et contribuer à faire changer les mentalités. C'est parce que l'on aura de belles réussites ici que les choses évolueront.

 

Est-ce que le fait d'avoir fait une valorisation à un million d'euros pour un bridge lié à des soucis de trésorerie avec les actionnaires historiques permet de faire recherche de fonds de développement avec une valorisation à 5 millions d'euros en juin de l'année suivante ?

Je comprends que le bridge s'est fait sur une valo d'un million d'euros et que vous voulez lever un an après de l'argent sur une valo de 5 millions d'euros. Tout dépend de ce qui s'est passé dans l'entreprise au cours de cette année. Si vous avez de superbes résultats, pourquoi pas. Mais si la boîte a créé peu de valeur, ce sera dur de convaincre les nouveaux entrants.

 

"C'est parce que l'on aura de belles réussites en France que les choses évolueront"

Les entrepreneurs ont peur de trop en dire sur leur projet de peur de se faire voler l'idée. Notamment dans les conférences de VC où il n'y a finalement pas que des VC.

Oui. Mais il faut en dire suffisamment pour séduire. Pouvez-vous protéger votre projet par des brevets ? Sinon, que pouvez-vous dire aux financiers qui ne vous découvre pas trop ? Il faut quand même se dévoiler un peu.

 

A votre avis, comment se dessine l'année 2008 vue la conjoncture internationale ? Plus ou moins de levées de fonds dans le secteur high tech ?

On a en France un super outil qui sont les FCPI. Ils sont tenus d'investir les sommes levées dans les deux ans qui suivent leur propre souscription. Il y aura donc à mon avis toujours de beaux deals en capital risque. Ce qui risque de souffrir plus, c'est le secteur des LBO, bien sûr. Il sera plus dur sans doute de trouver de la dette.

 

Pensez-vous qu'une entreprise peut croître internationalement sans appel aux VC mais uniquement avec un soutien des banques ?

Cela dépend bien sûr du projet et plus précisément de son "intensité en capital". Difficile de faire une réponse plus tranchée. J'ai personnellement connu une entreprise éditeur de logiciel qui s'est développée en autofinancement jusqu'à 25 millions d'euros.

 

 
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Quelles compétences pour travailler avec vous ?

Un profil plutôt technique, une vraie expérience dans le monde de l'entreprise, une bonne connaissance du monde des start-up ou des PME.

Jean-François Galloüin. Merci à tous pour vos questions. A suivre... C'est la période des vœux : plein de bonnes choses dans vos projets d'entreprises !

 


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