L'argument de poids qui
joue en faveur du développement de projets offshore réside dans la croyance, justifiée
ou non, qu'il existe des quantités de personnels qualifiés dans des pays où les
salaires sont bien moins élevés que dans les pays dits industrialisés. Pourtant
les choses ne sont pas si simples : le management d'un projet à distance, impliquant
des équipes de langues, de cultures différentes des nôtres peut se révéler assez
délicat et générer des coûts non négligeables.
En
particulier, les spécifications du projet devront éliminer toute ambiguïté, en
raison de l'éloignement des équipes de développement. Ce travail minutieux reviendra
à déplacer le travail sur des ingénieurs, ressources coûteuses, qui devront éliminer
toute imprécision dans le cahier des charges, afin de confier le travail "prémâché"
aux développeurs à distance. Si le bilan économique de l'opération n'est pas évident,
on aura au moins la certitude d'avoir éliminé des risques d'erreur. D'où des économies
indirectes possibles par la suite. Par ailleurs, la coordination du projet reste
un point délicat. Les différences de culture, de formation sont parfois difficiles
à harmoniser. On devra désigner, dès le départ, un chef de projet dans l'équipe
offshore qui assurera l'interface avec l'équipe.
La qualité des réalisations
semble également remise en cause après quelques années d'expérimentation, comme
le démontre une récente enquête de Information Week aux Etats-Unis. En particulier
lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des technologies relativement émergentes,
comme l'architecture .Net de Microsoft : là les mauvaises surprises peuvent être
fréquentes. Pour surmonter ces problèmes de qualité, les entreprises font de plus
en plus appel au modèle CMM (Capability Maturity Model), mis en oeuvre à l'université
de Carnegie Mellon. Les entreprises indiennes se servent de CMM comme élément
différentiateur par rapport à la concurrence.
Mais au-delà de ces problèmes
d'organisation, ce sont surtout des questions d'ordre éthique qui commencent à
préoccuper les entreprises américaines. Elles craignent en premier lieu que le
recours à des ressources offshore ait un impact négatif sur la motivation de leur
personnel propre. Il n'est pas toujours évident en effet d'expliquer à des équipes
qui ont fait leurs preuves, qui reçoivent donc les salaires à hauteur de leurs
compétences, qu'on préfère désormais confier certains de leurs projets à des inconnus,
dont la législation du travail et la culture sont en complet désaccord avec l'American
Way of life. Relayés par des campagnes politiques, par les médias et par les actionnaires,
ces arguments contre le recours à l'offshore peuvent se montrer assez dissuasifs
pour une entreprise.
A tel point que les consultants
du cabinet McKinsey tentent de rétablir l'équilibre en affirmant dans un récent
article (Who wins in offshoring) que le recours à l'offshore peut créer
de la valeur au sein des entreprises américaines. Comment cela ?
L'offshore réduit les charges
patronales. Le fait d'obtenir des services équivalents pour un investissement
est clairement synonyme de création de valeur, explique-t-on chez McKinsey.
L'offshore crée du chiffre
d'affaires. Les compagnies étrangères - les consultants de Mc Kinsey évoquent
surtout le cas de l'Inde - ont besoin d'équipement informatique et télécommunications
pour remplir leurs contrats. Elles seront également consommatrices d'expertise
légale pour traiter avec les Etats-Unis. Elles s'adresseront en premier lieu aux
fournisseurs et aux avocats américains pour obtenir ces produits et services.
L'offshore redéploie le
travail. McKinsey effectue un parallèle entre le déport d'emplois de production
(en assemblage électronique surtout) auquel on a assisté au cours des vingt dernières
années vers les pays d'Asie et le recours au développement de logiciels offshore
aujourd'hui. Effectivement, certaines fonctions ont disparu du sol américain mais
cela a permis à ceux qui les occupaient d'accéder à des postes à plus grande valeur
ajoutée. Comme pour appuyer ces dires, le Bureau des statistiques du travail estime
que d'ici à 2010 environ 22 millions d'emplois seront créés dans les services
de santé, les services sociaux, les transports et les communications.
Ainsi, le recours à l'offshore
favoriserait le développement économique des pays qui délocalisent certaines de
leurs activités. Il reste à assurer la reconversion de ceux dont les emplois ont
été externalisés. Il serait sage d'engager rapidement une réflexion globale sur
ce thème. A défaut, le phénomène du offshore sera rapidement
synonyme de frustrations.
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