IA et trading de matières premières, la révolution

Certaines entreprises commencent à utiliser des outils IA pour trader des matières premières... avec succès.

Inutile de répéter les fondamentaux : la tendance actuelle pousse à l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) au sein de nombreuses industries. Cela se traduit par plus de 5 milliards d'euros d’investissements en capital-risque[1] pour cette technologie en 2017 au niveau mondial. 

Plus particulièrement pour le trading, l’IA a été déployée pour de nombreuses applications comme par exemple l’identification prédictive des signaux haussiers ou baissiers sur les marchés, le pilotage autogéré des stratégies d’arbitrages ou encore l’automatisation du passage d’ordres intelligents sur les différents marchés boursiers. 

Cependant, le trading de matières premières physiques, qui est fortement couplé aux marchés financiers, n’a pas encore bénéficié, ou très marginalement, du déploiement d’applications d’IA. Dans cette industrie, il existe une large dépendance à l’intervention et intuition des traders pour l’interprétation des fondamentaux de marché ainsi que pour la prise de décision commerciale de gestion du risque de prix (décider d’acheter ou vendre à terme ses matières premières pour se soustraire à la volatilité des prix de marché). 

Une question demeure : pourquoi, alors même que le trading d’actions et obligations font la part belle à l’IA, le trading de matières premières physiques maintient cette dépendance ? Plusieurs raisons existent : des données sur les fondamentaux de marché très fragmentées, des marchés moins liquides et très orientés OTC (échanges bilatéraux plutôt que sur des plateformes boursières) et des contraintes physiques majeures (logistique, qualité, standards) qui doivent être prises en compte dans la chaîne de décision de trading. 

Mais les choses changent…

Commençons par l’énergie. Un distributeur de carburants dans un pays nordique a déployé l’IA sur une base de big data (très large source de données) pour mettre à jour ses prix à la pompe plus de 20 fois par jour. L’IA a été greffée à plus de 15 sources de données aussi variées que les prévisions météorologiques, le volume et la distribution du trafic dans les villes, les prix des concurrents, les niveaux d’inventaires des dépôts carburants par imagerie satellite ou encore les volumes de transactions de consommateurs. Le résultat : une marge brute qui a progressé de l’ordre de 20 à 30%.

Dans le domaine agricole, un des plus grands négociants mondiaux a déployé une nouvelle plateforme de donnée big data sur la base d’imagerie satellitaire couplée à des données de l’IoT (Internet des objets) qui donne des prévisions au niveau mondial du rendement attendu à l’hectare pour le soja, maïs, blé ou orge. Ces données sont par la suite traitées par un algorithme d’IA qui identifie des dizaines de corrélations entre l’offre projetée et la demande anticipée pour en déduire l’impact à court et moyen terme sur les prix. Il permet par la suite de calibrer la stratégie d’achat et de stockage des négociants ou consommateurs pour optimiser la gestion de leurs risques.

Dans le domaine des métaux, un géant minier a investi dans le big data pour extraire le nombre de mise en chantier actuel et anticipé d’immeubles et usines qui utilisent l’acier comme composante principale avec une estimation de cette quantité. Cette information est utilisée en conjonction avec les niveaux de stocks d’acier et de production des aciéries mondiales pour prédire via l’IA le niveau de demande anticipé et les mouvements de prix haussiers ou baissiers auxquels on peut s’attendre. Ceci devient un avantage stratégique majeur pour planifier et optimiser le niveau de production et de stockage.

Finalement, dans plusieurs sociétés exposées aux matières premières diversifiées qu’elles soient acheteurs, vendeurs ou négociants, l’IA va bouleverser le cœur des activités de trading. Alors que les traders étaient là pour identifier les signaux de marché, dû à leur longue expérience, et prendre une position haussière ou baissière en fonction, l’IA peut le faire aussi facilement sur la base de gigantesques bases de données et en une fraction de temps. Les données très amont du cycle de vie des commodités (par exemple niveau de rendement prédictif des cultures céréalières et oléagineuses) ou très en aval (par exemple, le trafic automobile ou nombre de mises en chantiers et matières premières associées) vont conditionner une approche beaucoup plus automatisée et prédictive des cycles d’achat et de vente de matières premières et en résultera une mécanique des prix de plus en plus autonome…

Le temps est à l’action !

Les acteurs de l’industrie des matières premières, qu’ils soient dans le domaine de l’énergie, métaux ou agricole, et qui sont au cœur de la négociation des prix, doivent s’interroger sur leur capacité à embrasser cette révolution technologique. Ceux qui le feront en amont seront les plus aptes à anticiper et maîtriser les risques liés à la volatilité des prix de marché. Ils pourront ainsi optimiser leurs marges et planifier leurs stratégies commerciales de manière proactive, plutôt que réactive, par rapports aux dernières nouvelles du marché.

[1]Analyse Accenture, base de données Pitchbook