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Solutions. Peut-on dire que les outils de travail collaboratif
sont très performants, mais que leur usage est
pauvre ?
Laurent Heslaut. Cela
se vérifie souvent sur le terrain. Nous proposons
depuis de nombreuses années des fonctions de
travail collaboratif avancées, mais les entreprises
les utilisent peu ou mal. Or, c'est l'utilisation qui
donne sa valeur à la technologie. Deux grands
obstacles empêchent les usages avancés
de se généraliser : le manque de
motivation, qui retient les employés de s'approprier
ces outils, et le manque de formation, qui les décourage
rapidement d'en dénicher l'intérêt.
Faut-il
en déduire que le travail collaboratif avancé
est un mythe ?
Pas du tout ! Chez Lotus,
nous avons trois divisions. L'une d'entre elle s'occupe
de l'advanced collaboration. Et je peux vous
dire qu'elle ne chôme pas. La majorité
des demandes que nous reçevons concernent ces
mêmes outils - Sametime et Quickplace pour
l'essentiel. Sametime permet par exemple à des
collaborateurs de communiquer en temps réél -
par Instant Messaging, réunion virtuelle en chat,
audio, ou vidéo, par tableau blanc, ou en partageant
une application, etc... Les entreprises ont compris
l'intérêt du chat : c'est un produit
qui connaît une croissance de 300 % cette
année.
Est-ce
à dire qu'on peut remplacer toute forme de réunion
physique par une réunion virtuelle ?
Assurément pas.
La réunion physique reste irremplaçable
dans certains cas. Par exemple lorsque l'on souhaite
lancer un projet : il faut alors marquer le coup.
Mais dans la plupart des cas, la réunion virtuelle
peut remplacer avantageusement la réunion physique.
Prenons un exemple : si je souhaite vérifier
l'état d'avancement d'un projet mené par
une équipe éclatée - comme
c'est le cas de plus en plus souvent -, j'économise
un temps considérable. Pourquoi dépenser
du temps et de l'énergie à attraper un
avion tous les mois ? Pourquoi me déplacer
à l'autre bout de l'entreprise pour poser une
question à trois collègues ? Les
entreprises commencent à comprendre que les outils
collaboratifs avancés accélèrent
le travail. Et les entreprises recherchent précisément
tout ce qui apporte de la vitesse à leurs processus.
La
réunion virtuelle n'atténue-t-elle pas
tout ce que la communication peut avoir d'affect ?
C'est effectivement l'un des problèmes
qu'elle rencontre. Il est plus difficile de redresser
les bretelles d'un employé par mail, de même
qu'il est plus difficile de séduire - ou
de contraindre - un collègue autour d'un
chat. En conséquence, il faut avoir une bonne
connaissance des possibilités de chaque outil
de travail collaboratif, afin de les employer
à bon escient. Les outils de chat sont peut-être
faibles dans certaines situations, mais ils sont un
média fantastique en cas de crise. Ne perdons
pas de vue que les outils de travail collaboratif ne
remplacent pas toujours des usages existants :
ils en créent également. Ils permettent
par exemple de réunir des personnes qui n'auraient
jamais pu se rencontrer auparavant, faute de moyens.
Le
grand enjeu du collaboratif n'est-il pas la formation,
si importante pour donner leur chance aux outils collaboratifs ?
Je le pense : c'est la formation qui permet aux
utilisateurs de savoir quand et pourquoi utiliser un
outil de réunion virtuelle. C'est elle qui leur
permet d'utiliser ces outils avec doigté -
ce qui ne va pas de soi. Sur le terrain, on voit encore
trop souvent des chefs de projet se laisser aller à
une forme de "techno utopie" : j'installe
les outils, et le résultat arrive automatiquement.
Il y a un gros effort de formation à faire, il
faut écouter les utilisateurs finaux, mobiliser
des consultants, mettre en place des méthodes
et apprendre à tout un chacun comment se servir
de ces excellents outils.
Pour
un grand compte, n'est-ce pas un peu lourd de former
des milliers d'utilisateurs ?
Tout dépend du canal de formation que l'on emprunte.
Par les voies traditionnelles, la processus risque en
effet de s'éterniser. Mais si l'on utilise un
outil d'e-learning, les choses se passent sans douleur.
Quel
est le sommet de l'art en matière de collaboration ?
A mon sens, ce sont les outils de gestion
de projet - qui permettent de déployer en
quelques heures un espace de communication, d'échange
de fichiers et de coordination des taches tout intégré.
Mais force est de constater que les entreprises utilisent
rarement ce type d'outils. Lotus a pris son baton de
pélerin, et nous comptons bien évangéliser
les entreprises avec assiduïté. Il serait
dommage de passer à côté d'un tel
outil.
Quid
de la gestion des expertises ?
C'est un outil fantastique, mais je n'ai
pas d'exemple d'une société qui l'utilise
en France. Ces solutions fonctionnent bien désormais,
il est même devenu relativement facile d'élire
des experts : on peut pour cela attribuer des points
d'expertise à chaque individu dès qu'il
apporte une contribution au savoir général,
puis demander l'accord de chaque expert potentiel une
fois qu'il a franchi un certain seuil. Mais c'est là
que les choses se compliquent : là où
un américain serait ravi qu'on le désigne
comme expert, un français grincerait des dents.
C'est sans doute un problème de culture -
le savoir est très précieux chez les latins :
l'adage ne dit il pas que savoir rime avec pouvoir ?
Quel
avenir pour Lotus ?
Il se décline en deux grandes
orientations : la personalisation des interfaces
de travail collaboratif d'abord. L'ensemble des outils
devra être accessible depuis n'importe quel poste,
via une interface web puisque le marché a plébiscité
cette norme. Nous ferons en sorte que chaque employé
puisse disposer d'une interface Web personalisée
et calquée sur ses besoins.
Quant au deuxième axe, il s'agit des Web Services.
Nous travaillons en ce moment au développement
de services web pour chaque application de notre gamme
de produits collaboratifs. Le but étant bien
entendu qu'on puisse appeler n'importe quelle application
via une interface web, peu importe le middleware d'où
part la requête. Notons au passage que la révolution
des Web Services devrait faciliter grandement le travail
de personalisation : il suffira d'aller piocher
tel ou tel service web pour construire une interface
web.
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- Source : IDC
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