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Solutions : Quel rôle joue le PLM au sein du système
d'information ?
Jordi Portella :
Un rôle central, qui consiste à gérer
et surtout à préserver le patrimoine intellectuel
de l'entreprise. Face à la pression concurrentielle
à laquelle elles sont soumises, les organisations
cherchent à investir dans des composants qui
leur donnent des avantages compétitifs.
Le PLM y répond sous l'angle de la stratégie
de gestion de l'information produit tout au long de
son cycle de vie. Au sein des bureaux d'études,
il existe des savoir-faire extrêmement riches
qu'il faut faire vivre, exploiter et diffuser de manière
rationnelle. C'est le rôle du PLM.
Quels
sont les impacts organisationnels quand on veut passer
à une démarche PLM ?
Penser PLM transforme les modes opératoires,
les processus organisationnels, les échanges
de données et ce, en profondeur. Au lieu de se
"passer" l'information en série, par
étapes, on fonctionne sur un mode collaboratif
permanent, comme autour d'une table virtuelle, chacun
connaissant le travail de l'autre et son avancement
en temps réel, ou presque.
Cela impacte aussi profondément la définition
du produit car les activités marketing, vente,
industrialisation, support, retours clients, etc. y
contribuent. Ils ont leur mot à dire et, de ce
fait, ont un impact sur les processus métier.
C'est un vrai challenge pour l'entreprise que de faire
collaborer ingénieurs, gens du marketing et vendeurs
!
Autre composante : les budgets d'accompagnement du changement,
tels que ceux liés aux projets PLM, sont trop
souvent réduits à leur portion congrue.
Alors que les budgets plus "logistiques",
c'est-à-dire production, ERP, CRM, etc. eux souffrent
moins souvent de restrictions. C'est là aussi
une approche qui doit changer.
Corollaire du point que je viens d'évoquer :
la question de "qui paie" ? Les entreprises
étant organisées en centres de profit,
les systèmes transversaux qui impactent toute
la société ne veulent être pris
en charge par personne...
La visualisation 3D aide-t-elle
à réduire ces impacts ?
La visualisation 3D occupe une place
de plus en plus importante dans toute la chaîne
d'ingénierie, pas seulement pour ce qui est de
l'infographie en elle-même, mais aussi pour toutes
les informations qui suivent et décrivent le
produit, informations que l'on retrouvait auparavant
dans des bases de données textuelles indépendantes.
En combinant les aspects "dessin" et ce type
d'informations, on peut donner des précisions
sur telle ou telle pièce, son fournisseur ou
sa composition et de ce fait rapprocher les différents
services de l'entreprise.
Est-ce
que finalement le PLM, ce n'est pas purement et simplement
du conseil en organisation adapté à l'industrie
?
Je ne pense pas. Il y a effectivement
une composante conseil et service majoritaire, environ
60 %, mais aussi, pour le reste, une part applicative.
D'un côté, une activité de réflexion
en amont, de définition de la stratégie
et d'accompagnement dans la maîtrise d'ouvrage,
et de l'autre, le déploiement d'applicatifs,
avec des aspects d'infrastructure, d'implantation de
systèmes et de solutions développées pour
chaque profil d'industrie, pour chaque type de client.
Le
PLM couvre aussi le domaine de l'après-vente.
Est-ce stratégique ?
Plus que vous ne le croyez ! Nombre d'industries
voient actuellement leur modèle économique
se transformer radicalement, avec des marges qui se
réduisent dangeureusement mais aussi des opportunités
importantes qui s'ouvrent dans la vente de services
après-vente.
L'enjeu est le suivant : suivre la donnée produit
chez le client. Plus je contrôle cette donnée,
plus je suis à même d'obtenir une traçabilité
précise des produits vendus, de proposer des
services avec plus de marge plus tard, de gérer
le parc, d'avoir des retours réguliers et donc
d'améliorer la conception des futurs produits,
qui sortiront plus vite...
Vous pouvez sacrifier la marge lors de la vente si vous
savez gérer la maintenance par la suite. C'est
particulièrement vrai pour des produits ayant
des cycles de vie longs tels qu'un parc de trains, d'ascenseurs,
d'avions, d'équipements militaires...
Ne pensez-vous pas que l'idéal
serait d'avoir un référentiel produit
unifié, depuis la conception jusqu'à la
production ?
Je ne suis personnellement pas partisan
d'un référentiel unique, sorte de base
de données universelle idéale qui ferait
le lien entre le bureau d'étude et la fabrication.
Ce sont des systèmes dans lesquels de nombreuses
informations n'intéressent absolument pas l'autre
partie. Et puis, il faudrait voir quel coût ce
système unique pourrait avoir. En revanche, comme
je le disais précédemment, ce sont des
systèmes parallèles qui doivent communiquer
en permanence, dans un mode collaboratif avancé,
comme une sorte de "torsade de flux".
Mais au-delà de ça, ce qui me paraît
important de souligner, c'est le déséquilibre
qui existe entre les budgets alloués aux systèmes
d'information "conception" et "production".
Les entreprises ont toujours eu tendance à investir
massivement dans la logistique, la production, les ERP...
mais beaucoup moins dans les flux d'informations liés
à l'ingénierie. A mon sens, il existe
des gisements de productivité et d'économies
à exploiter dans ce domaine, celui du patrimoine
intellectuel.
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