|
M6 m'a tuer :=)
Par Jean-Michel
Planche,
PDG de Witbe
-
Jeudi 23 novembre 2000 -
Ou
comme nous le dit la chanson... " Lénine, reviens... ils sont
devenus fous " ! Bref, que vaut ce courroux, alors que je m'apprêtais
à plutôt parler de désillusion dans les grosses start-ups américaines...
Et bien, il s'agit de l'émission de M6, Capital, dimanche 18 novembre
2000, consacrée aux start-ups... françaises, bien sûr. Il y a
un an, j'avais déjà assisté pétrifié à ce grand moment de télévision
en me disant, bon sang, mais de quoi parlent-ils ? Est-ce vraiment
le regard que portent sur nous nos contemporains ? J'avais un
certain sentiment de malaise, malaise parfaitement partagé par
mes camarades de promotion. Je parle bien sur de promotion Internet,
c'est-à-dire des gens qui ont commencé dans ce secteur avant 1990
et qui, à cette époque, avaient bien du mal à captiver l'attention
de quiconque. Coup de poignard, re-belote, en ce dimanche pluvieux.
Fin
de l'émission, même sentiment nauséeux, même malaise... Là c'est
trop ! Essayons de prendre un instant pour comprendre ce sentiment
et sa cause. Au départ, je me dis, "ahhh, les petits jeunes,
évidemment, c'est de leur faute. Ils sont pathétiques, touchants,
mais tellement amateurs. Mais c'est bien sûr, ils entachent notre
beau concept de "nouvelle économie" d'une aura ridicule. Vade retro
mes frères, ils sont coupables, poussons-les dans la poubelle sans
fond où finissent tous les paquets perdus d'Internet". Mais
est ce si simple ? On voit des jeunes qui se débattent dans l'appartement
de leur copain, qui perdent leur copine, qui ne pensent qu'à leur
"carrière", qui lâchent leur emploi pour l'ombre, qui travaillent
45 heures par semaine et qui ne sont même pas payés. Des fous, ma
bonne dame.
Après
"Qui veut gagner des millions", c'est "Incroyable
mais vrai" |
Mais
il y a pire... Il y en a qui pensent que leur "machin", leur idée
simpliste, leur réalisation embryonnaire vaut, tenez-vous bien,
15 millions... Après "Qui veut gagner des millions", c'est "Incroyable
mais vrai" que l'on nous joue en ce dimanche soir à la télévision.
Peu importe... l'histoire continue... Les petits jeunes se débattent
dans la tourmente... Leur banquier va les mettre en prison car ils
sont à découvert. Mais heureusement, Zorro est arrivé... sans s'presser
... sous les traits de deux (jeunes) entrepreneurs, qui ont réussi,
qui pèsent des centaines de millions. Ici, c'est plutôt "Le jour
du Seigneur" que l'on nous joue en ce dimanche soir
Ohhh, joie,
nos petits jeunes vont enfin toucher le Graal... leurs efforts (assez
réduits en temps) vont être couronnés de succès... Travelling sur
l'entrée du Graal, c'est à dire la porte cochère de l'immeuble où
habite Zorro... Stupeur...Le regard de la caméra est impitoyable...
on se demande même si ce n 'est pas fait exprès... un peu comme
les chaussettes d'un célèbre industriel français...
Que
voit on ? Un banal immeuble parisien, on monte... suivez moi, messieurs...
une porte d'entrée défraîchie, équipée du traditionnel câblage téléphone
+ eau + gaz, post-ère de l'occupation allemande. Bon soit... pour
vivre heureux, vivons caché, me dis-je... L'intérieur doit être
un gentil petit loft de 300 m²... quand même... La télévision française...
et ce n'est pas rien, nous présente quand même l'endroit comme "là
ou vit l 'un des pionniers de l'Internet... qui a réussi" (sic)
Le peuple haletant attend le choc... robinets en or massif ? marbre
? bois précieux ? beaux volumes ? Que nenni... déception... un banal
appartement tout bête, celui de tout le monde... séquence déception...
arghhh... j'enrage, mais où sont passés les millions... même les
murs du couloir arborant les vestiges (caméra insistante...) d'une
humidité surabondante. On rêve... Et on continue...
Nos
petits jeunes sont visiblement très émus, on en serait à moins...
mais ils décrochent le gros lot... un intérêt, sympathique et sincère,
sur le mode : "Vous faites la promotion de la location sur
Internet... Et vous... qu'avez vous loué cette année... Bon, c'est
clair, il n'y a pas de marché, Vous savez que je sais, Mais ca vous
dirait de m'avoir dans votre tour de table ? Allez on va négocier
dans la cuisine un petit rabais. Topons là... et nos petits jeunes
de s'en aller, d'un sourire radieux... prêt à faire encore plus
de conn
pardon, de bêtises, c'est à dire, dépenser l' argent qu'ils
n'ont pas.
Semaine
2 :
en France, on se fait peur : c'est l'E-Krach !!! |
Semaine
deux... où on arrête de rire... Ce n'est plus un papillon qui éternue
à l'autre bout du monde et nous enrhume... c'est carrément Trafalgar...
alors évidemment, en France, on se fait peur et la ville est à feu
et à sang... C' est l'E-Krach !!! Nos jeunes amis vont bientôt s'apercevoir
qu'il n'est de valeur que collective. Un peu comme un concours artistique
où seule une note relative est possible. C'est évident que lorsque
l'on travaille dans les chimères, on n'a aucun point de repère tangible
et on se compare pour se rassurer... Tu en es à ton premier tour
de financement... ton marché, ce sont les chaussures en plastiques...
alors tu dois prévoir 500 MF de chiffres d' affaires dans trois
ans
et donc tu vaux 10 MF...
Douche froide donc... scène avec un deuxième Zorro venu en renfort...
Votre projet ne vaut pas grand chose... et sûrement pas ce que vous
en demandez, il n'est pas aussi avancé que nous le pensions... bref,
façon polie de dire, "du balai". A noter la seule leçon d'intelligence
de ce reportage qui nous est donné par le "patron" des petits jeunes...
"Si notre projet était meilleur... je ne serais pas venu vous le
présenter"... comme quoi, premier enseignement de ce reportage :
"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir" Et la caméra... de
continuer ses gros plans sur les yeux brillants de nos jeunes amis...
travelling arrière dans la rue qui les ramène au bercail... énorme
désillusion chez nos jeunes... et l'on se remémore la joie d'un
des jeunes d'annoncer à sa copine qu'il avait trouvé les millions...
et maintenant... ils rentrent bredouilles et même pire... le banquier
les attend !!!
Lire la suite >>
|
|