Tribune

J'irai cracher sur vos tombes
Par Rafi Haladjian
Président de Fluxus
- Vendredi 13 juillet 2001 -

Un an a passé depuis ce jour de Mai 2000 où Boo.com a eu le first mover advantage du dépôt de bilan de start-up. Depuis, chaque jour nous apporte sa liste de disparitions. Et les gens de ricaner sur le passage de tous ces corbillards, comme une revanche de ceux qui n'entreprennent rien sur ceux qui ont osé. Et de cracher sans discernement à la fois sur ces entreprises trop arrogantes, sur la Nouvelle économie, sur l'e-business et sur tous les ratons laveurs de cette période euphorique, comme si tous ces termes recouvraient la même chose.

Non, Start-up, Nouvelle économie et e-Business ne recouvrent pas la même chose. Il faut voir qui, du bébé ou de l'eau du bain il faut jeter. Nous ne sommes pas obligés de tout jeter en même temps.

Définitions.

Start-up : 1. Terme imbécile signifiant création d'entreprise à condition que cette dernière se trémousse dans le domaine dit des "Nouvelles Technologies". Ceux qui créent des entreprises dans le textile ou dans la ferronnerie d'art ne sont que des PME.
2. Etat d'esprit libéral/libertaire qui consiste à vouer aux gémonies tout ce qui a été fait auparavant et à penser que l'on peut tout refaire "autrement" et que chacun a sa chance. Rappel : en janvier 2000, dans un grand élan de jeunisme, France Télécom se définissait comme une start-up et la SNCF comme Start-up Nationale des Chemins de Fer.

Nouvelle économie : Concept qui dit simplement ceci : le fait de vivre dans une société connectée, où les agents économiques sont surmultipliés et ont plus de pouvoir, crée un système qui ne peut plus être régi par les principes d'une économie qui ont été fondés dans un environnement plus lent, moins connecté, avec nettement moins de joueurs. La Nouvelle économie n'a rien à voir de ce fait avec les Nouvelles Technologies et les réseaux, même si elle en est la conséquence.

e-Business : Terme forgé par les entreprises de technologie pour vampiriser la Nouvelle économie en faisant croire que Nouvelle économie = eux.

Le triangle des entreprises.

Si le cours de ces start-up s'est soudainement envolé au-delà du raisonnable, ce n'est pas la faute de la Nouvelle économie, ce n'est même pas de leur faute. Si les valorisations ont atteint des sommets absurdes, c'est simplement que l'on appliquait à ces start-up des règles d'évaluation conçues et analysées par l'Ancienne économie. Quel patron de start-up ne s'est pas retrouvé un jour devant un cénacle de financiers lui demandant de faire un business plan sur trois ans, sur cinq ans sur dix ans. L'exercice en soit n'est pas difficile à faire, bien qu'imbécile. Il suffit de créer des colonnes dans Excel et de "recopier les formules vers la droite". A ce jeu-là, et pour peu que vous ayez un peu de Metcalfe (1) dans votre moteur, vous êtes forcément le maître du monde avant l'âge de 30 ans.

L'Ancienne économie ne connaissait que le durable et le certain. Elle a appliqué ses recettes à la Nouvelle économie, a cru aux résultats qu'elle voyait apparaître. Elle a forcé les entrepreneurs à lui mentir en les forçant à correspondre à des cases qui n'étaient pas prévues pour eux, et aujourd'hui elle le leur reproche. C'est de la collision de l'Ancienne et de la Nouvelle économie qu'est née l'absurdité. L'Ancienne économie ne s'est pas rendue compte qu'elle était obsolète pour juger.

Chaque entreprise se trouve au milieu d'un triangle composé par ses trois audiences : ses salariés, ses clients, ses actionnaires. L'intelligence, le besoin et les moyens. Nous avons assisté pendant des mois à l'hypertrophie du financier sur les deux autres audiences. Les interlocuteurs que l'on rencontrait étaitent obnubilés par "les analystes". Or le client a toujours une longueur d'avance sur l'analyste. En vous synchronisant sur votre analyste au lieu d'écouter votre marché, vos clients, vous ne pouvez que vous ringardiser. Une société qui s'intéresse plus à ses actionnaires qu'à ses clients ne peut que perdre. Pour paraphraser Marx (3) "je n'investirai jamais dans une boîte qui me soignerait comme investisseur".

Hope this helps

(1) Bob Metcalfe, créateur du protocole ethernet et fondateur de 3Com, a établit la loi de Metcalfe qui dit : l'utilisation et l'utilité d'un réseau est égale au carré du nombre de ses utilisateurs.
(2) Attention, je ne suis pas en train de parler d'entreprises dont les salariés sont jetables.
(3) Marx (Julius, dit Groucho) acteur américain (1890-1977) .

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