Impressions de New York
Par Loïc Le Meur,
Présdident
de Tekora.com
-
Mercredi 20 février 2002 -
Loïc
le Meur a participé début février au World
Economic Forum de New York dans le cadre de "Global Leader
of Tomorrow", la communauté des jeunes de moins de 36 ans
invitée chaque année par le Forum. Le
fondateur de Tekora.com
a ramené pour le Journal du Net son journal de voyages.
Davos-New York vu de l'intérieur...
Porto
Alegre comme solution ?
La taxe Tobin, la redistribution automatique de richesses
sous forme de perfusion et autres constituent-ils une solution
durable ? Allez donc en parler à Dimitri Korobkov, entrepreneur
de l'ère post-communiste en Russie. Certes la Russie n'est pas
le pays le plus pauvre, mais tentez donc de lui expliquer que
la redistribution automatique des richesses est une bonne solution.
Il vous répondra, avec détermination et conviction, que les 800
emplois bien russes qu'il a créés dans son pays à moins
de 35 ans sont la solution. Et que la redistribution automatique
et généralisée, son pays a déjà essayé avec le résultat que l'on
sait.
Il
est impossible de faire cinq mètres dans l'enceinte du World Economic
Forum sans croiser ce genre d'entrepreneurs de toutes origines,
Afrique, Asie, Amérique Latine, comme des "social entrepreneurs"
ou des représentants d'ONG. Il a fallu que j'aille à New York
pour rencontrer François Jay, directeur général d'Afrique-Initiatives,
un fonds de capital-risque dédié au développement économique d'entreprises
africaines. Par la création d'un système de surveillance pondérale
chez l'enfant africain en bas âge, avec une information relayée
par Internet et transmise à des médecins, il contribue à sauver
des milliers de vies sur place, tout en gardant un objectif économique.
Le World Economic Forum ne prétend pas amener toutes les solutions,
mais contribue à améliorer la situation en faisant en sorte que
les leaders économiques, politiques, religieux et des ONG se rencontrent.
On n'y parle pas que de business, c'est une invitation permanente
à la réflexion.
Les
voix de la religion
Placez dans la même salle une dizaine de leaders religieux représentant
les religions les plus répandues dans le monde. Entourez-les
d'une centaine de jeunes entrepreneurs ou investisseurs. Le résultat
est troublant. Troublant, à quel point les valeurs communes mise
en avant par les différents intervenants religieux convergent.
Troublant, leur capacité à parler d'une seule voix pour condamner
le terrorisme.
J'ai eu la chance d'être à une des tables les plus animées: celle
du Sheikh El-Zafzaf, représentant ici de l'Islam et bien conscient
des problèmes et des extrémismes qu'il bannit. Le dialogue général
aboutit à une meilleure compréhension et respect des différences,
et surtout à la sensation que, quelles que soient les croyances,
tous veulent faire en sorte que la terreur ne se reproduise pas.
Une idée force émerge proposée par Israel Meir Lau, le "Chief
Rabbi" d'Israël : la création d'une " Organisation des Religions
Unies", à l'instar de l'ONU, dont l'objet serait de prévenir et
de recommander les voies pour éviter le pire.
Et
l'Europe ? Et la France ?
Les leaders politiques européens présents dans la session
sur le "Futur de l'Europe" se félicitent du passage
réussi à l'euro mais n'apportent pas de solution concrète et rapide
au déficit démocratique de l'Union. L'Europe est un marché, mais
n'a pas de visage. Elle n'en a en tout cas pas eu en Afghanistan.
Les projets de constitution et d'union politique semblent encore
flous et les leaders divergent sur leur nécessité. Dommage. Pour
faire de l'Europe un vrai contre-poids économique aux Etats-Unis,
nous aurions bien besoin d'un visage et des signes concrets de
l'amorce d'une Union politique. Pour ne parler que de ce que je
connais bien, c'est précisément au moment où le contexte économique
est si tendu, qu'une initiative européenne devrait exister pour
aider et protéger les entrepreneurs dans les temps si difficiles
des premières années de leurs entreprises.
Au-delà
de la monnaie, des signes quotidiens montrent que l'Europe est
encore trop loin : pas de contrat de travail européen, pas de
structure juridique de société européenne, peu d'incitation à
la création d'une activité hors du pays d'origine, etc.
Et
la France ? Je l'ai trouvé assez absente des panels. J'ai par
contre été surpris de notre nouvelle notoriété de pays pensant
pouvoir faire plus que les autres en se donnant comme mission
de travailler moins. Je ne m'attendais pas à une telle renommée
internationale pour notre loi sur les 35 heures
L'Internet,
le e-Business on en parle ?
Pas beaucoup, plus beaucoup. C'était naturellement une des
grandes préoccupations de Davos il y a deux ou trois ans, plus
maintenant. Ce qu'il en reste, ce sont des débats et des actions
concrètes sur la "fracture digitale" entre pays riches et pauvres,
et c'est tant mieux. L'Internet fait partie du quotidien, tout
simplement. Plutôt impressionnant d'ailleurs, la manière dont
l'organisation du forum l'intègre. Pour l'anecdote : un site Internet
très complet (http://www.weforum.org)
avec tous les compte- rendus des conférences, les membres, les
groupes de travail, des forums. Plus fort : pendant le forum un
PDA Ipaq dernier modèle est remis à chaque participant avec connexions
sans fil à Internet dans tout le Forum pour s'inscrire aux sessions,
gérer son agenda, ses emails et consulter les dernières nouvelles
!
La
" conscience " de Davos : et maintenant que faire ?
Peter Brabeck, Président de Nestlé a rappelé l'objectif de
toute entreprise : créer de la valeur pour ses actionnaires. Evidemment,
ce n'est pas populaire. Pourtant Nestlé a créé des milliers d'emplois
dans des pays pauvres et, en ce sens, Peter Brabeck considère
que l'entreprise qu'il dirige contribue à améliorer la situation.
Je partage sa réflexion sur la globalisation : s'appuyant sur
des statistiques, il constate que le nombre d'emplois créés
tous les ans résultant des effets de la globalisation a doublé
ces vingt dernières années. Pour lui, ce sont les participants
de Davos qui ont du mal à faire passer le message des bienfaits
de la globalisation. Créer de plus en plus d'emplois sur place
et en particulier dans ces pays est la solution essentielle, même
si elle ne résoudra pas l'ensemble des difficultés. " La vraie
richesse, ce sont les hommes, pas l'argent " (Shimon Peres).
Loïc
Le Meur
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