La
récente publication de la "Lettre à tous ceux qui aiment
l'école", le livre envoyé par le ministre de l'Education
Nationale, Luc Ferry, aux 800.000 enseignants français,
a pour principal mérite de lancer un vaste et nécessaire
débat sur l'avenir de l'Education nationale. La somme
des problèmes et difficultés rencontrés par le monde
scolaire est si impressionnante qu'elle rappelle aux
responsables politiques que l'avenir de notre pays s'écrit
d'abord sur les bancs de l'école. Je regrette cependant
le peu de place accordé aux technologies de l'information
et de la communication dans ce débat. La réussite de
l'école du XXIème siècle me semble, pourtant, étroitement
liée à ces nouvelles technologies.
Je
ne souhaite nullement remettre en question les priorités
annoncées par le gouvernement pour restaurer l'autorité
à l'école ou lutter davantage contre l'illettrisme,
et l'annonce récente, par Xavier Darcos, le ministre
délégué à l'enseignement scolaire, d'un nouveau train
de mesures pour développer l'usage des TIC à l'école
va dans le bon sens. Mais l'absence d'une profonde réflexion
sur les conséquences des technologies de l'information
et de la communication sur le mode de fonctionnement
de l'Education nationale comme sur les enseignements
quotidiens dispensés aux élèves, porte les germes d'une
grave fracture pour notre société.
C'est
pour anticiper ce fossé entre les enfants disposant
d'ordinateurs à la maison et ceux qui n'en ont pas les
moyens, que des villes comme la mienne se sont lancées
très tôt dans l'équipement de leurs établissements scolaires.
Ajouter la fracture numérique à la fracture sociale
serait la pire des situations pour les générations de
demain. C'est d'ailleurs pour éviter cette situation
que je demande inlassablement, depuis plusieurs années,
l'adoption de mesures fiscales d'incitation à l'équipement
informatique des français, à commencer par les familles
ayant des enfants scolarisés.
Heureusement,
les collectivités locales n'ont pas attendu l'Etat pour
équiper leurs écoles. Sans celles-ci, la situation serait
catastrophique, et nous serions dans un désert numérique.
Mais équiper ne suffit pas, les technologies de l'information
et de la communication doivent être intégrées au cur
même de l'enseignement. Elles ne doivent pas être perçues
comme une nouvelle matière isolée des autres, mais comme
un outil élémentaire, intégré à la vie scolaire, comme
l'est le livre scolaire. Jusqu'à aujourd'hui, l'entrée
de l'Internet dans les écoles a le plus souvent été
le fait d'enseignants motivés et passionnés. Il nous
faut maintenant généraliser l'utilisation d'Internet
à l'école comme principal outil pédagogique.
Cela
signifie que les différentes matières d'enseignement
doivent prendre en compte leur version électronique,
en commençant par l'enseignement des langues qui pourrait
rapidement être la première matière à bannir les documents
papier. Pour sortir des expérimentations et accéder
enfin à la phase de généralisation, chaque école devrait
se doter d'un plan d'intégration des TIC, afin d'assurer
l'accès de tous les élèves aux technologies de l'information,
dans le cadre d'activités disciplinaires diverses, sélectionnées
par le ministère de l'Education nationale qui devra,
en outre, seconder financièrement les collectivités
dans leurs efforts d'équipement. De même, les efforts
en matière de formation des enseignants ont été intensifiés,
mais insuffisamment et trop lentement.
Indispensable
évaluation
Encore
une fois, l'équipement ne suffit pas à faire une véritable
politique d'intégration des nouvelles technologies à
l'école. Je revois encore un ancien ministre de l'Education
brandir régulièrement ses statistiques sur le nombre
d'écoles connectées à l'Internet. Mais à quoi cela sert-il
si l'ordinateur reste éteint en classe ? Nous manquons
d'outils d'évaluation pour mesurer concrètement si nos
efforts financiers sont à la hauteur de l'utilisation
des outils. Sans évaluation claire, nombreux seront
les élus qui hésiteront à débloquer des fonds publics.
Si
les enfants sont bien plus à l'aise que les adultes
dans la manipulation du clavier et de la souris, ils
ont encore besoin d'apprendre à bien naviguer sur le
Web, à se retrouver sur une toile de plusieurs millions
de pages. Les enseignants sont dans leur rôle quand
ils apprennent aux élèves, et pas seulement aux plus
jeunes, à affûter leur sens critique et leur esprit
de curiosité, en distinguant le vrai du faux, l'info
essentielle de l'accessoire.
Dans
ce contexte, je ne peux que me réjouir de la volonté
gouvernementale de généraliser les bonnes pratiques
locales, issues des très nombreuses expériences de terrain,
pour permettre de mieux structurer l'offre technologique
à l'école. Mais, pour parvenir à l'objectif fixé par
le Premier ministre de permettre à chaque élève, à chaque
enseignant et à chaque famille de disposer, en 2007,
d'un accès personnel à un espace numérique de travail,
nous aurons besoin de mobiliser l'ensemble des acteurs
concernés, à commencer par ceux du terrain. Ce dont
nous avons besoin, ce sont de véritables Etats Généraux
de l'école du 21ème siècle !
[asantini@assemblee-nationale.fr]
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